ELWATAN-ALHABIB
jeudi 31 décembre 2015
 

La solitude de Noam Chomsky






« Je ne m’excuserai jamais pour les États-Unis d’Amérique — quels que soient les faits, je m’en moque ». [Président George Bush Sr]
Assise chez moi à New Delhi, en regardant une chaîne d’informations américaine faire sa propre promotion (« Nous rapportons, Vous décidez »), j’imagine le sourire amusé aux dents abîmées de Noam Chomsky.
Tout le monde sait que les régimes autoritaires, indépendamment de leurs idéologies, utilisent les mass-médias pour leur propagande. Mais qu’en est-il des régimes démocratiquement élus du « monde libre » ?
Aujourd’hui, grâce à Noam Chomsky et à ses compagnons analystes des médias, il est presque évident pour des milliers, voire des millions d’entre nous que l’opinion publique dans les démocraties« d’économie de marché » est fabriquée comme n’importe quel autre produit du marché de masse — savon, interrupteurs ou pain en tranches. Nous savons qu’alors que, légalement et conformément à la constitution, la parole peut être libre, l’espace dans lequel cette liberté peut être exercée nous a été volé, et a été vendu aux enchères aux plus offrants. Le capitalisme néolibéral n’est pas simplement une affaire d’accumulation de capital (pour quelques-uns). C’est aussi une affaire d’accumulation de pouvoir (pour quelques-uns), d’accumulation de liberté (pour quelques-uns). Inversement, pour le reste du monde, les personnes qui sont exclues du conseil d’administration du néolibéralisme, c’est une affaire d’érosion de capital, d’érosion de pouvoir, d’érosion de liberté. Dans « l’économie de marché », la liberté de parole est devenue un produit de base comme un autre — la justice, les droits de l’homme, l’eau potable, l’air pur. Seuls ceux qui ont les moyens de se l’offrir peuvent en bénéficier. Et, naturellement, ceux qui peuvent se le permettre utilisent la liberté de parole pour fabriquer le genre de produit, le genre d’opinion publique qui convient le mieux à leur objectif. (Les informations qu’ils peuvent utiliser). La manière exacte dont ils font cela a été le sujet d’une bonne partie des écrits politiques de Noam Chomsky.
Le premier ministre Silvio Berlusconi, par exemple, a une participation majoritaire dans les principaux journaux, magazines, chaînes de télévision et maisons d’édition italiens. « En réalité, le premier ministre maîtrise environ 90% de l’audience télévisée italienne » rapporte le Financial Times. Qu’est-ce qui fixe le prix de la liberté de parole ? Liberté de parole pour qui ? Il faut reconnaître que Berlusconi est un exemple extrême. Dans les autres démocraties — en particulier aux États-Unis — les magnats des médias, les puissants lobbys d’entreprise et les fonctionnaires sont imbriqués d’une manière plus élaborée, mais moins flagrante. (Les rapports de Georges Bush Jr avec le lobby pétrolier, avec l’industrie de l’armement et avec Enron, et l’infiltration d’Enron dans les institutions gouvernementales et les médias des États-Unis — tout ceci est maintenant de notoriété publique).
Après le 11 septembre 2001, et les frappes terroristes à New-York et Washington, le comportement flagrant de porte-parole du gouvernement des États-Unis qu’ont endossé les médias dominants, leur promotion d’un patriotisme vengeur, leur empressement à publier les communiqués de presse du Pentagone comme des informations et leur censure explicite de l’opinion dissidente sont devenus l’objet d’un humour assez noir dans le reste du monde.
Ensuite, la Bourse de New-York s’est effondrée, les compagnies aériennes en faillite ont fait appel au gouvernement pour des renflouements financiers, et il a été question de lois de contournement manifestes afin de fabriquer des médicaments génériques pour combattre l’alerte à l’anthrax (beaucoup plus important et urgent, bien sûr, que la production de génériques pour combattre le sida en Afrique). Tout à coup, il a commencé à sembler que la liberté de parole et l’économie de marché pourraient finir par s’effondrer à côté des tours jumelles du World Trade Center.
Mais bien sûr, cela n’est jamais arrivé. Le mythe continue.
Il y a cependant un aspect plus intéressant à la quantité d’énergie et d’argent qu’investit l’establishment pour gérer l’opinion publique. Il évoque une peur très réelle de l’opinion publique. Il relève du souci perpétuel et effectif d’une prise de conscience collective, car si les gens devaient découvrir (et comprendre entièrement) la véritable nature des choses qui sont faites en leur nom, ils pourraient agir en conséquence. Les personnes puissantes savent que les gens ordinaires ne sont pas toujours d’instincts impitoyables et égoïstes. (Quand les gens ordinaires pèseront les coûts et les avantages, une certaine conscience troublée pourrait facilement faire pencher la balance). C’est pour cette raison qu’ils doivent être tenus éloignés de la réalité, élevés dans une atmosphère contrôlée, dans une réalité adaptée, comme des poulets d’élevage ou des cochons dans un enclos. Ceux d’entre nous qui ont réussi à échapper à ce destin, et qui creusent en grattant çà et là dans l’arrière-cour, ne croient plus tout ce qu’ils lisent dans les journaux et regardent à la télévision. Nous nous mettons au courant et cherchons d’autres façons d’arriver à comprendre le monde. Nous recherchons l’histoire jamais divulguée, le coup militaire mentionné en passant, le génocide non-signalé, la guerre civile dans un pays africain consignée dans une histoire sur une colonne d’un pouce à côté d’une publicité pleine page pour de la lingerie en dentelle.
Nous ne nous souvenons pas toujours, et bien des gens ne savent même pas, que cette façon de penser, cette acuité placide, cette méfiance instinctive à l’égard des médias, serait aux mieux une intuition politique et au pire une vague accusation sans l’analyse médiatique implacable et inflexible d’un des plus éminents esprits du monde. Et ceci n’est qu’une des manières par lesquelles Noam Chomsky a radicalement modifié notre compréhension de la société dans laquelle nous vivons. Ou devrais-je dire, notre compréhension des règles compliquées de l’asile d’aliénés dans lequel nous sommes tous des internés volontaires ?
En parlant des attaques du 11 septembre à New-York et Washington, le président Georges W. Bush a désigné les ennemis des États-Unis « ennemis de la liberté »« Les Américains demandent pourquoi ils nous détestent », a-t-il dit. « Ils détestent nos libertés, notre liberté de religion, notre liberté de parole, notre liberté de vote, de nous rassembler ou de ne pas être d’accord les uns avec les autres ».
Si les habitants des États-Unis veulent une vraie réponse à cette question (par opposition à celle du manuel idiot de l’anti-américanisme, qui sont : « Parce qu’ils sont jaloux de nous »« Parce qu’ils détestent la liberté »« Parce que ce sont des loosers »« Parce que nous sommes bons et qu’ils sont méchants »), je dirais, lisez Chomsky. Lisez Chomsky sur les interventions militaires des États-Unis en Indochine, en Amérique Latine, en Irak, en Bosnie, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan et au Moyen-Orient. Si les gens ordinaires aux États-Unis lisaient Chomsky, peut-être que leurs questions seraient formulées un peu différemment. Peut-être seraient-elles : « Pourquoi ne nous détestent-ils pas plus que ça ? » ou « N’est-il pas étonnant que le 11 septembre ne soit pas arrivé plus tôt ? ». Malheureusement, en ces temps nationalistes, les mots comme « nous » et « eux » sont utilisés couramment. La frontière entre les citoyens et l’état est brouillée délibérément et avec succès, pas seulement par les gouvernements, mais aussi par les terroristes. La logique sous-jacente des attaques terroristes, comme celle des guerres de « représailles » contre les gouvernements qui « soutiennent le terrorisme » est la même : les deux punissent les citoyens pour les actions de leurs gouvernements.
(Une brève digression : Je me rends compte que ça passe mieux pour Noam Chomsky, citoyen des États-Unis, de critiquer son propre gouvernement, que pour quelqu’un comme moi, citoyenne indienne, de critiquer le gouvernement des États-Unis. Je ne suis pas patriote, et je suis pleinement consciente que la vénalité, la violence et l’hypocrisie sont gravées dans l’âme plombée de chaque état. Mais lorsqu’un pays cesse d’être simplement un pays et devient un empire, alors, l’ampleur des opérations se transforme de manière radicale. Donc, permettez-moi de préciser que je parle en tant que sujet de l’empire des États-Unis. Je parle comme une esclave qui se permet de critiquer son roi.)
Si on me demandait de choisir une des contributions majeures de Noam Chomsky au monde, ce serait le fait qu’il a démasqué l’horrible univers manipulateur et sans pitié qui règne derrière cette « liberté », mot rayonnant et magnifique. Il l’a fait de façon rationnelle et d’un point de vue empirique. La multitude de preuves qu’il a rassemblée pour élaborer ses arguments est phénoménale. Terrifiante, à vrai dire. La prémisse de départ de la méthode de Chomsky n’est pas idéologique, mais intensément politique. Il se lance dans sa série d’enquête avec une méfiance anarchiste instinctive à l’égard du pouvoir. Il nous emmène en voyage à travers le marécage de l’establishment des États-Unis et nous conduit à travers le labyrinthe vertigineux des couloirs qui relient le gouvernement, les grandes entreprises et la question de la gestion de l’opinion publique.
Chomsky nous montre que des expressions telles que « liberté de parole »« économie de marché » et« monde libre », n’ont pas grand-chose, voire rien à voir avec la liberté. Il nous montre que, parmi les libertés innombrables revendiquées par le gouvernement des États-Unis, il y a la liberté d’assassiner, d’anéantir, et de dominer d’autres peuples. La liberté de financer et de parrainer les despotes et les dictateurs à travers le monde. La liberté d’entraîner, d’armer et de protéger les terroristes. La liberté de renverser les gouvernements démocratiquement élus. La liberté d’accumuler et d’utiliser des armes de destruction massive — chimiques, biologiques et nucléaires. La liberté d’entrer en guerre contre n’importe quel pays avec lequel il est en désaccord. Et, le plus terrible de tout, la liberté de commettre ces crimes contre l’humanité au nom de la « justice », au nom de la « vertu », au nom de la « liberté ».
Le Procureur Général John Ashcroft a déclaré que les libertés des États-Unis « ne sont pas une concession d’un gouvernement ou d’un document mais… notre droit divin ». Donc, au fond, nous sommes en présence d’un pays armé d’un mandat divin. Peut-être que cela explique pourquoi le gouvernement des États-Unis refuse d’être jugé selon les mêmes critères moraux avec lesquels il juge les autres. (Toute tentative pour le faire est rejetée comme une « équivalence morale »). Sa technique, c’est de se présenter comme le géant bien-intentionné dont les bonnes actions sont condamnées par les intrigants autochtones des pays étrangers, dont il essaye de libérer les marchés, dont il essaye de moderniser les sociétés, dont il essaye d’émanciper les femmes, dont il essaye de sauver les âmes.
Peut-être que cette croyance en sa propre divinité explique également pourquoi le gouvernement des États-Unis s’est accordé le droit et la liberté d’assassiner et d’exterminer les gens « pour leur bien ».
Lorsqu’il a annoncé les frappes aériennes des États-Unis contre l’Afghanistan, le président Bush Jr a dit, « Nous sommes une nation pacifique ». Il a poursuivi en disant, « Ceci est la vocation des États-Unis d’Amérique, la nation la plus libre du monde, une nation bâtie sur des valeurs fondamentales, qui rejette la haine, qui rejette la violence, qui rejette les assassins, qui rejette le mal. Et nous persisterons toujours. »
L’empire des États-Unis repose sur des fondations macabres : le massacre de millions d’autochtones, le vol de leurs terres, et après ceci, l’enlèvement et l’asservissement de millions de Noirs d’Afrique pour travailler cette terre. Des milliers d’entre eux sont morts en mer tandis qu’ils étaient transportés comme du bétail en cage entre les continents. « Volés à l’Afrique, amenés en Amérique » (Stolen from Africa, Brought to America) — le « Buffalo Soldier » de Bob Marley contient un univers entier de tristesse indescriptible. Il parle de la perte de dignité, de la perte de liberté, de la perte d’une nature sauvage, de l’amour-propre brisé d’un peuple. Le génocide et l’esclavage sont les bases sociales et économiques de la nation dont les valeurs fondamentales rejettent la haine, les assassins et le mal.
Un extrait de Chomsky, tiré de l’essai « The Manufacture of Consent » (la fabrication du consentement), à propos de la fondation des États-Unis d’Amérique :
Durant les festivités de Thanksgiving il y a quelques semaines, j’ai fait une promenade avec des amis et de la famille dans un parc national. Nous sommes tombés par hasard sur une pierre tombale, qui avait l’inscription suivante : « Ci-gît une femme indienne, une Wampanoag, dont la famille et la tribu ont donné d’eux-mêmes et de leur terre afin que cette grande nation puisse naître et grandir ». Bien sûr, il n’est pas tout à fait exact de dire que la population autochtone a donné d’elle-même et de sa terre à cette noble fin. Elle a plutôt été massacrée, décimée et dispersée au cours d’une des plus grandes opérations de génocide de l’histoire humaine… que nous célébrons tous les mois d’octobre lorsque nous honorons Colomb — lui-même boucher notable — lors du Columbus Day. Des centaines de citoyens américains, des gens bien intentionnés et convenables, s’attroupent régulièrement près de cette pierre tombale et la lisent, apparemment sans réaction, sauf, peut-être, le sentiment de satisfaction qu’enfin, nous donnons une certaine reconnaissance méritée aux sacrifices des autochtones… Ils réagiraient peut-être différemment s’ils visitaient Auschwitz ou Dachau et qu’ils y trouvaient une pierre tombale indiquant :« Ci-gît une femme, une Juive, dont la famille et le peuple ont donné d’eux-mêmes et de leurs biens pour que cette grande nation puisse grandir et prospérer ».
[A propos de « la fabrication du consentement », un documentaire tiré du livre de Chomsky est disponible en visionnage, gratuitement, sur YouTube]
Comment les États-Unis ont-ils survécu à leur atroce passé, et font-ils aujourd’hui si bonne figure ? Pas en l’admettant, pas en réparant, pas en s’excusant auprès des Noirs américains ou des Américains de naissance, et certainement pas en changeant leurs méthodes (maintenant, ils exportent leurs cruautés). Comme la plupart des autres pays, les États-Unis ont réécrit leur histoire. Mais ce qui distingue les États-Unis des autres pays, et les place loin devant dans la course, c’est qu’ils se sont assurés les services de l’entreprise publicitaire la plus puissante et la plus prospère du monde : Hollywood.
Dans la version à succès du mythe populaire en tant qu’histoire, la « bonté » des États-Unis a atteint son plus haut niveau pendant la deuxième guerre mondiale (alias la guerre de l’Amérique contre le fascisme). Perdu dans le vacarme du son de la trompette et du chant de l’ange, il y a le fait que quand le fascisme était en plein progrès en Europe, le gouvernement des États-Unis a véritablement détourné le regard. Lorsqu’Hitler exécutait son pogrom génocidaire contre les Juifs, les fonctionnaires américains ont refusé l’entrée aux réfugiés juifs fuyant l’Allemagne. Les États-Unis ne se sont engagés dans la guerre qu’après le bombardement de Pearl Harbour par les Japonais. Étouffé par les bruyants hosannas, il y a leur acte le plus barbare, en fait l’acte le plus féroce dont le monde ait jamais été témoin : le largage de la bombe atomique sur des populations civiles à Hiroshima et Nagasaki. La guerre était presque finie. Les centaines de milliers de Japonais qui ont été tués, les innombrables autres qui ont été invalidés par des cancers pour les générations à venir, n’étaient pas une menace pour la paix mondiale. C’était des civils. Exactement comme les victimes des bombardements du World Trade Center et du Pentagone étaient des civils. Exactement comme les centaines de milliers de personnes qui sont mortes en Irak en raison des sanctions dirigées par les États-Unis étaient des civils. Le bombardement de Hiroshima et de Nagasaki était une expérience froide et délibérée exécutée pour faire une démonstration de la puissance de l’Amérique. A ce moment-là, le président Truman l’a présenté comme « la plus grande chose de l’histoire ».
On nous dit que la deuxième guerre mondiale était une « guerre pour la paix ». Que la bombe atomique était une « arme pacifique ». On nous invite à croire que la force de dissuasion nucléaire a empêché une troisième guerre mondiale. (C’était avant que le président Georges Bush Jr ne suggère la« doctrine de frappe préventive »). Y a-t-il eu un débordement de paix après la deuxième guerre mondiale ? Il y avait assurément la paix (relative) en Europe et en Amérique — mais considère-t-on cela comme une paix mondiale ? Pas tant que les guerres féroces par personnes interposées menées dans les pays où vivent les races de couleur (Chinetoques, Nègres, Asiates,…) ne sont pas considérées comme des guerres du tout.
Depuis la deuxième guerre mondiale, les États-Unis ont été en guerre contre, ou ont attaqué, entre autres, les pays suivants : la Corée, le Guatemala, Cuba, le Laos, le Vietnam, le Cambodge, la Grenade, la Libye, El Salvador, le Nicaragua, Panama, l’Irak, la Somalie, le Soudan, la Yougoslavie et l’Afghanistan. Cette liste devrait également comprendre les opérations clandestines du gouvernement des États-Unis en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, les coups d’État qu’il a manigancés, et les dictateurs qu’il a armés et soutenus. Elle devrait comprendre la guerre soutenue par les États-Unis d’Israël au Liban, dans laquelle des milliers de personnes ont été tuées. Elle devrait comprendre le rôle-clé joué par l’Amérique dans le conflit au Moyen-Orient, dans lequel des milliers de personnes sont mortes pour combattre l’occupation illégale du territoire palestinien par Israël. Elle devrait comprendre le rôle de l’Amérique dans la guerre civile en Afghanistan dans les années 80, dans laquelle plus d’un million de personnes ont été tuées. Elle devrait comprendre les embargos et les sanctions qui ont causé directement, et indirectement, la mort de centaines de milliers de personnes (c’est particulièrement évident en Irak).
Mettez tout cela ensemble, et cela donne tout à fait l’impression qu’il y a eu une troisième guerre mondiale et que le gouvernement des États-Unis était (ou est) un de ses principaux protagonistes.
La majorité des essais dans For Reasons of State de Chomsky concerne l’agression des États-Unis au Sud-Vietnam, au Vietnam du Nord, au Laos et au Cambodge. C’est une guerre qui a duré plus de douze ans. 58 000 Américains et à peu près deux millions de Vietnamiens, de Cambodgiens et de Laotiens ont perdu la vie. Les États-Unis ont déployé un demi-million de soldats au sol, ont largué plus de six millions de tonnes de bombes. Et pourtant, bien que vous ne le croiriez pas si vous regardiez la majorité des films d’Hollywood, l’Amérique a perdu la guerre.
La guerre a commencé au Sud-Vietnam et s’est ensuite propagée au Vietnam du Nord, au Laos et au Cambodge. Après avoir mis en place un régime satellite à Saigon, le gouvernement des États-Unis s’est invité à combattre l’insurrection communiste — les guérilleros Viêt-Cong qui s’étaient infiltrés dans les régions rurales du Sud-Vietnam où les villageois les cachaient. C’est exactement le modèle que la Russie a reproduit quand, en 1979, elle s’est invitée en Afghanistan. Personne dans le « monde libre »n’a aucun doute sur le fait que la Russie a envahi l’Afghanistan. Après la glasnost, un ministre soviétique des affaires étrangères a même qualifié l’invasion soviétique de l’Afghanistan « d’illégale et d’immorale ». Mais il n’y a pas eu d’introspection de cette sorte aux États-Unis. En 1984, dans une stupéfiante révélation, Chomsky a écrit :
Depuis 22 ans, j’ai fouillé dans le journalisme et le savoir dominant pour trouver une quelconque allusion à une invasion américaine du Sud-Vietnam en 1962 (ou n’importe quand) ou à une attaque américaine contre le Sud-Vietnam, ou à une agression américaine en Indochine – en vain. Il n’y a pas d’événement de ce genre dans l’histoire enregistrée. Par contre, il y a une défense états-unienne du Sud-Vietnam, contre les terroristes soutenus par l’extérieur (principalement par le Vietnam).
Il n’y a pas d’événement de ce genre dans l’histoire !
En 1962, l’armée de l’air des États-Unis a commencé à bombarder le Sud-Vietnam rural, où vivait 80% de la population. Le bombardement a duré plus d’une décennie. Des milliers de personnes ont été tuées. L’idée était de bombarder sur une échelle assez colossale pour provoquer une migration affolée des villages vers les villes, où les gens pourraient être retenus dans des camps.
Samuel Huntington y a fait référence en tant que processus « d’urbanisation ». (J’ai étudié l’urbanisation lorsque j’étais à l’école d’architecture en Inde. Je ne sais pas pourquoi, je ne me souviens pas du bombardement aérien en tant que partie du programme). Huntington — célèbre aujourd’hui pour son essai « Le choc des civilisations ? » — était à ce moment-là président du Conseil des Études Vietnamiennes du Groupe Consultatif sur le Développement du Sud-Est Asiatique. Chomsky le cite décrivant le Viêt-Cong comme « une force puissante qui ne peut pas être chassée de sa circonscription aussi longtemps que la circonscription continue d’exister ». Huntington a continué en conseillant« l’usage direct de la puissance mécanique et conventionnelle » — autrement dit, pour écraser une guerre populaire, éliminer les gens. (Ou peut-être, pour actualiser la thèse — afin d’éviter un choc de civilisations, anéantir une civilisation).
Voici un observateur de l’époque sur les limites de la puissance mécanique de l’Amérique : « Le problème est que les machines américaines ne sont pas à la hauteur de la tâche consistant à tuer les soldats communistes, sauf dans le cadre d’une tactique de terre brûlée qui détruit tout le reste aussi ». Ce problème a été résolu maintenant. Pas avec des bombes moins destructrices, mais avec un langage plus inventif. Il y a une façon plus élégante de dire « qui détruit tout le reste aussi ». Il suffit de parler de « dommages collatéraux ».
Et voici un compte-rendu de première main de ce que les « machines » de l’Amérique (Huntington les appelaient « instruments de modernisation » et les officiers d’état-major du Pentagone les appelaient« bomb-o-grams ») peuvent faire. Il est de T.D. Allman, survolant la Plaine des Jarres au Laos :
Même si la guerre au Laos se terminait demain, le rétablissement de son équilibre écologique pourrait prendre plusieurs années. La reconstruction des villes et des villages totalement détruits de la Plaine pourrait prendre autant de temps. Même si cela était fait, la Plaine pourrait pendant longtemps se révéler périlleuse pour l’habitation humaine en raison des centaines de milliers de bombes non-explosées, de mines et d’objets piégés.
Un vol récent aux environs de la Plaine des Jarres a laissé voir ce que moins de trois années de bombardement américain intensif peuvent faire à une région rurale, même après que sa population civile ait été évacuée. Dans de vastes régions, la couleur tropicale primaire — vert vif — a été remplacée par un motif abstrait de couleurs métalliques noires et brillantes. Une bonne partie du feuillage restant est rabougri, ternie par les défoliants.
Aujourd’hui, le noir est la couleur dominante des étendues du nord et de l’est de la Plaine. Du napalm est régulièrement largué pour brûler l’herbe et les broussailles qui recouvrent la Plaine et garnissent ses nombreux ravins étroits. Les feux semblent brûler continuellement, produisant des rectangles de couleur noire. Durant le vol, des panaches de fumée ont pu être vus, s’élevant depuis les régions fraîchement bombardées.
Les routes principales, arrivant dans la Plaine depuis le territoire sous contrôle communiste, sont impitoyablement bombardées, apparemment de manière ininterrompue. Là, et le long du bord de la Plaine, la couleur dominante est le jaune. Toute la végétation a été détruite. Les cratères sont innombrables… La région a été si souvent bombardée que la terre ressemble au désert grêlé et retourné dans les zones touchées par la tempête dans le désert nord-africain.
Plus vers le sud-est, Xieng Khouangville — la ville autrefois la plus peuplée du Laos communiste — est vide, détruite. Dans le nord de la Plaine, le petit lieu de vacances de Khang Khay a également été détruit. Autour du terrain d’aviation à la base de King Kong, les couleurs principales sont le jaune (du sol retourné) et le noir (du napalm), allégées par des taches de rouge et de bleu vif : des parachutes utilisés pour larguer des provisions.
Les derniers habitants locaux ont été embarqués par transports aériens. Des potagers abandonnés qui ne seraient jamais récoltés poussaient à proximité de maisons abandonnées, les assiettes toujours sur les tables et les calendriers toujours aux murs.
(Les oiseaux morts, les animaux carbonisés, les poissons massacrés, les insectes incinérés, les sources d’eau empoisonnées, la végétation détruite ne sont jamais comptés dans les « coûts » de la guerre. L’arrogance de la race humaine à l’égard des autres êtres vivants avec lesquels elle partage cette planète est rarement mentionnée. Tout cela est oublié dans les combats pour les marchés et les idéologies. Cette arrogance causera probablement la perte définitive de l’espèce humaine).
La clé de voûte de For Reasons of State est un essai intitulé The Mentality of the Backroom Boys (« La mentalité des travailleurs de l’ombre »), dans lequel Chomsky présente une analyse complète extraordinairement souple des Pentagon Papers, lesquels, dit-il, « fournissent la preuve par écrit d’un complot pour utiliser la force dans les affaires internationales en violation de la loi ». Ici aussi, Chomsky prend note du fait qu’alors que le bombardement du Vietnam du Nord est examiné en long et en large dans les Pentagon Papers, l’invasion du Sud-Vietnam mérite tout juste d’être mentionnée.
Les Pentagon Papers sont fascinants, pas en tant que documents de l’histoire de la guerre des États-Unis en Indochine, mais en tant qu’aperçu des idées des hommes qui l’ont élaborée et exécutée. C’est passionnant d’être au courant des idées qui étaient lancées, des suggestions qui étaient faites, des propositions qui étaient émises. Dans une section intitulée The Asian Mind / The American Mind (L’esprit asiatique / L’esprit américain), Chomsky examine le débat sur la mentalité de l’ennemi qui« accepte stoïquement la destruction des richesses et la perte de vies », alors que « Nous voulons la vie, le bonheur, la richesse, la puissance », et que pour nous « la mort et les souffrances sont des choix irrationnels quand il existe des alternatives ». Donc, nous apprenons que les pauvres asiatiques, vraisemblablement parce qu’ils ne peuvent pas comprendre la signification du bonheur, des richesses et de la puissance, invitent l’Amérique à amener cette « logique stratégique à sa conclusion, qui est le génocide ». Mais ensuite, « nous » nous dérobons parce que « le génocide est un fardeau terrible à supporter ». (Finalement, bien sûr, « nous » avons poursuivi et avons de toute façon exécuté un génocide, et ensuite avons fait comme si rien ne s’était passé).
Bien sûr, les Pentagon Papers contiennent aussi un certain nombre de propositions modérées :
Les frappes ciblant la population (proprement dit) sont non seulement susceptibles de créer une vague de dégoût contre-productive à l’étranger et chez nous, mais d’augmenter énormément le risque d’étendre la guerre avec la Chine et l’Union Soviétique. La destruction des écluses et des barrages pourrait toutefois… —si elle est bien gérée — offrir un espoir. Elle devrait être examinée soigneusement. Une telle destruction ne tue ni ne noie pas les gens. Une inondation superficielle du riz occasionne, après un certain temps, une famine considérable (plus d’un million ?) à moins que des vivres ne soient fournis — ce que nous pouvons proposer de faire « à la table de conférence ».
Couche par couche, Chomsky démonte complètement le processus de prise de décisions des fonctionnaires du gouvernement des États-Unis, pour révéler la nature impitoyable du cœur de la machine de guerre américaine, totalement isolée des réalités de la guerre, aveuglée par l’idéologie et disposée à anéantir des millions d’êtres humains, des civils, des soldats, des femmes, des enfants, des villages, des villes entières, des écosystèmes entiers — à l’aide de méthodes violentes scientifiquement affinées.
Ici, un pilote américain parlant des joies du napalm :
Nous sommes vachement contents de ces chercheurs anonymes de Dow. Le produit initial n’était pas assez chaud — si les Asiates étaient rapides, ils pouvaient l’enlever en grattant. Donc, les chercheurs ont commencé à ajouter du polystyrène — maintenant, ça colle comme de la merde à une couverture. Mais alors, si les Asiates sautaient dans l’eau, cela cessait de brûler, donc ils ont commencé à ajouter du Willie Peter (phosphore blanc) afin que cela brûle mieux. Il brûlera même sous l’eau maintenant. Et une seule goutte est suffisante, cela continuera à brûler jusqu’à l’os afin qu’ils meurent de toute façon d’un empoisonnement au phosphore.
Donc, les chanceux Asiates étaient anéantis pour leur bien. Plutôt morts que rouges.
Grâce aux charmes séduisants d’Hollywood et à l’appel irrésistible des mass-médias de l’Amérique, après toutes ces années, le monde considère la guerre comme une histoire américaine. L’Indochine a fourni la toile de fond tropicale luxuriante contre laquelle les États-Unis ont joué leurs fantasmes de violence, ont essayé leur dernière technologie, ont affiné leur idéologie, ont examiné leur conscience, se sont tourmentés à propos de leurs dilemmes moraux, et se sont occupés de leur culpabilité (ou ont fait mine de le faire). Les Vietnamiens, les Cambodgiens et les Laotiens n’étaient que les accessoires de ce scénario. Anonymes, sans visage, humanoïdes aux yeux bridés. Ce sont juste des gens qui sont morts. Des Asiates.
La seule véritable leçon que le gouvernement des États-Unis ait tirée de son invasion de l’Indochine est la manière d’entrer en guerre sans engager les troupes américaines et risquer les vies américaines. Donc maintenant, les guerres sont menées avec des missiles de croisière à longue portée, des Black Hawks, et des « bunker busters ». Des guerres dans lesquelles les « alliés » perdent plus de journalistes que de soldats.
Quand j’étais enfant, j’ai grandi dans l’état du Kerala, dans le sud de l’Inde — où le premier gouvernement communiste élu démocratiquement du monde a accédé au pouvoir en 1959, l’année de ma naissance — être une Asiate m’inquiétait terriblement. Le Kerala n’est qu’à quelques milliers de miles à l’ouest du Vietnam. Nous avions aussi des jungles, des rivières, des rizières et des communistes. Je ne cessais d’imaginer ma maman, mon frère et moi nous faire souffler des buissons par une grenade, ou faucher, comme les Asiates dans les films, par un soldat américain avec des bras musclés, un chewing-gum et une musique de fond assourdissante. Dans mes rêves, j’étais la fille brûlée de la célèbre photo prise sur la route de Trang Bang.
Étant donné que j’ai grandi entre la propagande américaine et la propagande soviétique (qui se neutralisaient plus ou moins l’une l’autre), quand j’ai lu Chomsky pour la première fois, je me suis dit que sa collection de preuves, leur quantité et son acharnement, étaient un peu — comment dire ? — insensés ? Même le quart des preuves qu’il avait compilé aurait été suffisant pour me convaincre. Je me demandais pourquoi il avait besoin d’en faire tellement. Mais maintenant, je comprends que l’ampleur et l’intensité du travail de Chomsky est un baromètre de l’ampleur, de l’étendue et de l’acharnement de la machine de propagande contre laquelle il se bat. Il est comme le ver à bois qui vit dans le troisième casier de ma bibliothèque. Jour et nuit, j’entends ses mâchoires qui écrasent le bois, le réduisant en fine poussière. C’est comme s’il n’était pas d’accord avec la littérature et qu’il voulait détruire la structure même sur laquelle elle repose. Je l’appelle Chomsky.
Être un américain travaillant en Amérique, écrivant pour expliquer son analyse aux Américains, cela doit vraiment être comme avoir à creuser des galeries à travers du bois dur. Chomsky fait partie d’une petite bande d’individus qui combattent une industrie toute entière. Et cela le rend non seulement brillant, mais héroïque.
Il y a quelques années, dans un entretien émouvant avec James Peck, Chomsky a parlé de son souvenir du jour où Hiroshima a été bombardé. Il avait seize ans :
Je me souviens que je ne pouvais littéralement parler à personne. Il n’y avait personne. Je me suis juste éloigné tout seul. J’étais à ce moment-là en colonie de vacances, et quand je l’ai appris, je me suis éloigné dans les bois et je suis resté seul environ deux heures. Je n’ai jamais pu en parler à personne et je n’ai jamais compris la réaction de qui que ce soit. Je me sentais totalement isolé.
Cet isolement a donné naissance à un des plus grands, et des plus radicaux, penseurs publics de notre époque. Et lorsque le soleil se couchera sur l’empire américain, comme ça, comme il se doit, le travail de Noam Chomsky survivra.
Il montrera d’un doigt froid et incriminant l’empire impitoyable et machiavélique aussi cruel, pharisaïque et hypocrite que ceux qu’il a remplacés. (La seule différence est qu’il est armé d’une technologie pouvant infliger au monde un genre de dévastation sans précédent dans l’histoire, à peine imaginable pour la race humaine).
Étant donné que j’aurais pu être Asiate, et qui sait, peut-être en tant qu’Asiate potentielle, il est rare qu’une journée se passe durant laquelle je ne me retrouve pas à penser — pour une raison ou pour une autre — « Chomsky Zindabad » (Vive Chomsky) !
Arundhati Roy
Ce texte d’Arundhati Roy que l’on retrouve dans la préface du livre de Noam Chomsky, intitulé “For Reasons of State” (Pour raisons d’état).
Arundhati Roy (née le 24 novembre 1961 à Shillong en Inde) est une écrivaine et militante indienne. Elle est notamment connue pour le roman Le Dieu des Petits Riens, pour lequel elle a obtenu le prixBooker en 1997, et pour son engagement en faveur de l’écologie, des droits humains et de l’altermondialisme.
»» http://www.les-crises.fr/la-solitude-de-noam-chomsky-par-arundhati-roy/

 
mardi 29 décembre 2015
 

La guerre asymétrique des Etats-Unis contre les musulmans (Counterpunch)








L’exagération démagogique de la « menace terroriste »,qui a été au centre des derniers débats des Républicains, se dégonfle facilement dès qu’on commence à réfléchir. Quelle chance un habitant des États-Unis a-t-il de se trouver au même endroit que quelqu’un qui projette de commettre des meurtres au nom de l’Etat islamique, d’al-Qaïda ou d’une autre cause ? Quasiment aucune. Beaucoup de choses banales sont susceptibles de nous tuer bien avant qu’on ne rencontre un islamiste, un suprématiste blanc, ou un terroriste anti-avortement aux États-Unis.
Bizarrement, nous ne trouvons pas l’argent qu’il faudrait pour réduire substantiellement ces autres risques. Nous pourrions réduire considérablement le nombre de morts sur les routes en interdisant de tourner à gauche et de rouler à plus de 10 km/h. Mais qui appuierait de telles mesures ? Pourquoi donc acceptons-nous que le gouvernement dépense des milliers de milliards de dollars (pour ne pas mentionner les violations de la liberté) dans des tentatives futiles de nous sauver, nous et notre société ouverte, de toute espère de terrorisme possible et imaginable - alors qu’il pourrait mieux garantir notre sécurité en dépensant moins d’argent et en respectant nos libertés, en pratiquant une politique étrangère non interventionniste ?
Bien sûr, l’évaluation de ce faible risque changerait - mais pas de manière significative, étant donné l’importance de la population et de la surface des États-Unis - si nous savions que le nombre de terroristes augmentait. Mais nous pouvons être sûrs que, comme John Mueller et Mark. G. Stewart l’affirment, le nombre des terroristes est minuscule. Comment le savons-nous ? Nous le savons parce que nous ne voyons pas beaucoup d’actes terroristes aux États-Unis. Comme Mueller et Stewart le notent, le 11 septembre était clairement un cas particulier et la plupart des complots terroristes déjoués ont été impulsés, ou du moins facilités, par des indics du FBI. (Les attaques sur des installations militaires ne doivent pas être considérées comme du terrorisme. L’emploi de ce terme choc a pour seul but de permettre aux gouvernements des États-Unis et d’Israël de ne pas avoir à répondre de leurs assassinats.) Et les actes terroristes auxquels nous avons assisté n’étaient pas très élaborés.
Certaines formes de terrorisme sont difficiles à combattre. Le détournement coordonné de plusieurs avions par des hommes armés de cutters (bien que de basse technologie) n’était pas une mission facile, et avec des verrous (de basse technologie) sur les portes des postes de pilotage, c’est devenu encore plus difficile. Mais d’autres formes de terrorisme sont simples à mettre en œuvre si on est prêt à mourir, ou si on veut mourir. Il n’est pas sorcier de trouver le moyen de tuer beaucoup d’innocents. Sayed Farook et Tashfeen Malik sont entrés dans la salle bondée où les collègues de Farook étaient réunis pour un repas de fête avec des armes achetées légalement ; ils ont tué 14 personnes et en ont blessé 22. En Israël, l’autre jour, un Palestinien a foncé avec sa voiture dans un groupe d’Israéliens qui attendaient l’autobus. Ce genre d’acte ne peut être déjoué que si les auteurs annoncent publiquement leur intention de le faire, ce que clairement Malik n’a pas fait. Et il est peu probable que d’autres le fassent.
Si les Etats-Unis fourmillaenit de cellules d’ISIS ou de loups solitaires, auto-« radicalisés » nous assisterions à beaucoup plus de violence. Juste après le 11 septembre, les officiels et les analystes ont certifié qu’il y aurait une « deuxième vague ». Ça n’a pas été le cas.
En outre, comme le soulignent Mueller et Stewart, la plupart des terroristes potentiels semblent être des paumés incapables de faire exploser un sac en papier pour en sortir et qui d’ailleurs ne s’y essayent que parce qu’ils y sont incité par un indic du FBI. Ceux qui agitent l’épouvantail du terrorisme – à savoir l’industrie de propagande gouvernementale médiatique des « expert du terrorisme » - peignent les terroristes potentiels comme une force invincible d’agents d’élite dirigée par des « cerveaux supérieurs » qui sont des génies de la haute technologie. (ces agitateurs, dont le but est de semer la panique, voudraient nous faire croire que le cryptage a été inventé par ISIS.) Mais la réalité n’a rien à voir avec cette présentation des choses. Tout comme les Partisans de la guerre froide avait intérêt, pour accroître leur pouvoir et leurs richesses, à nous faire croire que les Russes mesuraient trois mètres de haut, le lobby de la guerre-contre-le-terrorisme a intérêt à nous persuader que les « islamistes » sont d’une habilité diabolique ; ils vont bientôt fabriquer des bombes atomiques en valise, nous laisse-t-on entendre, et les amener sur Times Square.
Les candidats républicains à la présidentielle aiment à répéter que « nous sommes en guerre. » Et donc, selon que l’on compte ou pas la guerre froide, nous serions dans la Troisième Guerre mondiale ou la Quatrième Guerre mondiale. Quelle sottise ! Les attentats terroristes en Occident démontrent, en fait, le caractère asymétrique de ce qui se passe entre les Etats-Unis et ses cibles du monde musulman. Le gouvernement des Etats-Unis et ses complices mènent une vraie guerre. Même si les forces terrestres sont (actuellement) faibles et que les drones télécommandés prennent de plus en plus le pas sur les bombardiers et les hélicoptères de combat classiques, la guerre que mène aujourd’hui l’Occident n’est pas très éloignée de la guerre traditionnelle.
Les terroristes, eux, commettent des crimes (des actes délictueux, donc) contre des personnes aux États-Unis, en France, etc. Ils tirent sur des gens qui sont à des réceptions, des concerts, et dans des restaurants. C’est horrible, mais ce n’est pas la guerre. ISIS et Al-Qaïda n’ont pas d’armées capables d’envahir les États-Unis, ni de marines, ni de forces aériennes. Ils n’ont pas la capacité de conquérir notre pays ni de faire tomber le gouvernement. Il leur est absolument impossible de nous vaincre. Nous seuls en sommes capables.
« Nous » sommes en guerre contre eux. Ils ne sont pas en guerre contre nous. Ils recourent au terrorisme précisément parce qu’ils – ou plus exactement ceux qui les soutiennent dans le pays - sont incapables de mener une guerre contre la société américaine. Ceux qui ne cessent de répéter qu’on est en état de guerre la guerre savent très bien qu’un gouvernement sur le pied de guerre sera autorisé à exercer un intolérable degré de pouvoir sur nous. Les candidats présidentiels bavent d’envie à l’idée de devenir des commandants en chef.
Lorsque Rick Santorum, faisant écho à ses rivaux présidentiels, affirme que « l’islam radical est en marche et que ce qu’ils veulent, c’est détruire le monde occidental, » il cherche simplement à augmenter les votes en sa faveur en agitant des peurs sans fondement. Quelques « loups solitaires » ne font pas un « islam radical », et leur projet (même en admettant qu’il soit celui-là) n’a aucun d’intérêt puisqu’ils n’ont pas les moyens de le réaliser. Mueller et Stewart parlent d’un « terroriste » qui voulait renverser la Sears Tower de Chicago, la faire tomber dans le lac Michigan, où elle créerait (espérait-il) un tsunami qui submergerait la ville, ouvrirait la prison et libérerait les détenus. Allons-nous laisser de pareils sornettes nous empêcher de dormir ?
Comme je l’ai déjà dit, la guerre-contre-le-terrorisme permet à ses cyniques supporters d’imposer aux Etasuniens la perte de leur liberté, la perte de leur vie privée, la perte de leur prospérité, et un stress inutile. Mais ce n’est pas tout : la suspicion généralisée dont sont victimes les musulmans américains (et d’autres) va finir par provoquer la destruction du corps social. On sait bien qu’ISIS et al-Qaïda veulent créer un fossé entre musulmans et non-musulmans aux EU et ailleurs. Les politiciens étasuniens disent qu’ils ne veulent pas que cela se produise, mais il est clair que leur rhétorique autoritaire ne peut qu’aggraver l’hostilité envers tous les musulmans.
Sheldon RICHMAN
Sheldon Richman tient le blog ’Free Association’ et est président du Center for a Stateless Society.
Traduction : Dominique Muselet
 
dimanche 27 décembre 2015
 

Des violences sans précédent contre les musulmans : le gouvernement français joue avec le feu 





 27/12/2015

Des violences sans précédent contre les musulmans : le gouvernement français joue avec le feu





Les actes de violences et de vandalisme commis dans la soirée du vendredi à Ajaccio (en Corse) contre un lieu de prière musulman et une cité habitée majoritairement par les musulmans ont suscité la condamnation presque unanime de la classe politique française. C’est la première fois que des actes de telle violence cible directement des populations musulmanes dans ce pays qui a toujours vanté sa politique d’intégration républicaine, officiellement basée sur l’égalité entre tous les citoyens quelles que soient leurs origines ou leur religion. 

Le Premier ministre français Manuel Valls a dénoncé une « profanation inacceptable d’un lieu de prière musulman ». Le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve, a affirmé quant à lui que « ces exactions intolérables, aux relents de racisme et de xénophobie, ne sauraient rester impunies tant elles portent atteinte aux valeurs mêmes de la République ». Le nouveau président de l’assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, un nationaliste favorable à l’indépendance de l’île, a par ailleurs affirmé : « C’est intolérable, d’autant plus que c’est un amalgame incompréhensible entre des délinquants et la religion musulmane ». 

Pourtant, à y voir de plus près, c’est bien les officiels français qui ont entamé le dangereux virage ayant subrepticement mené à ce que l’amalgame soit établi, et qui ont permis de poser les bases de la discrimination contre les musulmans de France. Cela a commencé par offrir pendant des années une libre tribune d’expression dans les médias à des polémistes tels qu’Eric Zemmour. Ces derniers ont contribué à banaliser des concepts discriminants et racistes à l’égard des musulmans. 

Ensuite, dans le sillage des attentats contre Charlie Hebdo en janvier 2015, ont été lancés les différents appels à la communauté musulmane à se désolidariser des actes criminels commis contre le journal satirique. L’appel lancé, destiné à éviter l’amalgame, n’a en fait que le renforcer d’autant plus. On a demandé aux musulmans de s’exprimer en tant que musulmans et non en tant que citoyens. Une manière à peine voilée de les pointer du doigt dans ce qui venait de se produire. Cela a eu pour conséquence une hausse vertigineuse de 281% des actes et menaces islamophobes en France dans les mois ayant suivi les attentats de janvier. 

Enfin, en réponse aux attentats du 13 novembre à Paris, décision d’étendre la déchéance de la nationalité française à tous les binationaux, contenue dans le projet de révision de la Constitution présenté par François Hollande, a fini d’enfoncer le clou dans les esprits qu’il existe deux catégories de citoyens en France : les musulmans susceptibles d’être des terroristes et les « vrais » français de souche qui aimerait leur pays. Dans les faits, la loi a été faite sur mesure pour viser exclusivement les musulmans de France, seuls à mêmes d’être concernés par cette nouvelle disposition. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une loi inefficace, inapplicable et discriminante, mais la loi a tout de même été maintenue, que ce soit par souci électoraliste ou par conviction des théories sur les crises civilisationnelles. 

Dans ce contexte, la mosquée saccagée à Ajaccio aux cris de « Arabi Fora » (les Arabes dehors), et « On est chez nous ! » avec des exemplaires du Coran partiellement brûlés laisse penser qu’il s’agit non seulement pas simplement d’un acte isolé, mais de la conséquence d’années d’amalgames entretenus par les autorités françaises. Pire, la situation est appelée à s’aggraver tant que le gouvernement français continuera de jouer avec le feu et exposer dangereusement les musulmans. 


http://www.tsa-algerie.com/20151227/des-violences-sans-precedent-contre-les-musulmans-le-gouvernement-francais-joue-avec-le-feu/


 
mercredi 23 décembre 2015
 


Les opérations militaires qui se préparent en Syrie et alentour








La presse occidentale parle peu des opérations militaires en Syrie sinon pour affirmer sans la moindre preuve que la Coalition bombarderait avec succès les jihadistes de Daesh, tandis que la Russie tuerait des civils innocents. Il est de fait difficile de se faire une idée de la situation actuelle, d’autant que chaque camp fourbit ses armes en vue d’un plus vaste affrontement. Thierry Meyssan décrit ici ce qui se prépare.

 | DAMAS (SYRIE)  

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Autobus privé syrien décoré avec les portraits de Bachar el-Assad, Vladimir Poutine et Hassan Nasrallah, les trois hommes qui incarnent la Résistance à l’agression étrangère.
Le silence qui entoure les opérations militaires en Irak et en Syrie ne signifie pas que la guerre s’est interrompue, mais que les différents protagonistes se préparent à une nouvelle manche.

Les forces de la Coalition

Côté impérial, la plus grande confusion demeure. Au regard des déclarations contradictoires des dirigeants US, il est impossible de comprendre les objectifs de Washington, s’il y en a. Tout au plus apparaît-il que les États-Unis laissent la France prendre une initiative à la tête d’une partie de la Coalition, mais là encore, on en ignore les objectifs réels.
Certes, la France déclare vouloir détruire Daesh en rétorsion après les attentats du 13 novembre à Paris, mais elle l’affirmait déjà avant ces attentats. Les déclarations antérieures relevaient de la communication, pas de la réalité. Ainsi le Mecid Aslanov, propriété de la société BMZ Group de Necmettin Bilal Erdoğan, a quitté le 9 novembre 2015 le port de Fos-sur-Mer (France). Il venait de livrer impunément du pétrole qu’il assurait avoir été extrait en Israël, mais qui en réalité avait été volé par Daesh en Syrie. Rien ne permet de penser que les choses ont changées aujourd’hui et qu’il faudrait prendre au sérieux les dernières déclarations officielles.
Le président français François Hollande et son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian se sont rendus à bord du porte-avions Charles-De-Gaulle, au large de la Syrie, le 4 décembre. Ils ont annoncé un changement de mission, sans explications. Comme l’avait déclaré au préalable le chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, le bâtiment a été dérouté vers le Golfe persique.
Le Groupe aéronaval constitué autour du Charles-De-Gaulleest composé de son Groupe aérien embarqué (18 Rafale Marine, 8 Super étendard modernisés, 2 Hawkeye, 2 Dauphin et d’1Alouette III), de la frégate de défense aérienne Chevalier Paul, de la frégate anti sous-marine La Motte-Picquet, du bâtiment de commandement et de ravitaillement Marne, de la frégate belgeLéopold Ier et de la frégate allemande Augsburg, et, bien que le ministère de la Défense le nie, d’un sous-marin d’attaque nucléaire. Attachée à ce dispositif, la frégate légère furtiveCourbet est restée en Méditerranée orientale.
Les forces européennes ont été intégrées à la Task Force 50 de l’USNavCent, c’est-à-dire à la flotte du Central Command US. L’ensemble de cette unité comprend désormais une soixantaine de bâtiments.
Les autorités françaises ont souligné que le contre-amiral René-Jean Crignola a pris le commandement de cette force internationale, sans préciser qu’il est placé sous l’autorité du commandant de la Vème Flotte, le vice-amiral Kevin Donegan, lui-même placé sous l’autorité du général Lloyd J. Austin III, commandant du CentCom. C’est en effet une règle absolue de l’Empire, le commandement des opérations échoit toujours à des officiers états-uniens, les Alliés n’étant que des supplétifs. En fait, hormis la promotion relative du contre-amiral français, on se retrouve dans la même situation qu’en février dernier : une Coalition internationale censée lutter contre Daesh, qui —un an durant— a certes multiplié les vols de reconnaissance et détruit les installations pétrolières chinoises en Irak, mais sans avoir le moindre effet sur son objectif officiel, Daesh. Là encore, rien ne permet de penser que les choses vont changer.
La Coalition a annoncé avoir procédé à de nouveaux bombardements et avoir détruit de nombreuses installations de Daesh, cependant ces imputations sont invérifiables et d’autant plus douteuses que l’organisation terroriste n’a pas émis la moindre protestation.
De ce dispositif, nous pouvons conclure que la France peut conduire sa propre stratégie, mais que les États-Unis peuvent à tout instant reprendre les affaires en main.

Les forces terroristes

Nous pourrions ici traiter des organisations terroristes, mais ce serait faire semblant, comme l’Otan, de croire que ces groupes sont des formations indépendantes surgies du néant, avec leurs salaires, leurs armements et leurs pièces détachées. Plus sérieusement, les jihadistes sont des mercenaires au services de la Turquie, de l’Arabie saoudite et du Qatar —il semble en effet que les Émirats arabes unis se soient presque entièrement retirés de ce dispositif— auxquels il faut ajouter quelques multinationales comme Academi, KKR et Exxon-Mobil.
La Turquie poursuit son déploiement militaire à Bachika (Irak), en soutien aux Kurdes du président illégitime Massoud Barzani —alors que son mandat est terminé, il refuse de quitter le pouvoir et d’organiser de nouvelles élections—. Sommé par le gouvernement irakien de retirer ses soldats et ses blindés, Ankara a répondu avoir envoyé ces hommes pour protéger des formateurs déployés en fonction d’un accord international antérieur et ne pas être prêt à les retirer. Il en a même ajouté de nouveaux, portant ses effectifs à au moins 1 000 soldats et 25 tanks.
L’Irak a saisi le Conseil de sécurité des Nations unies et la Ligue arabe, sans provoquer le moindre émoi nulle part.
La Turquie et l’ancien gouverneur de Mossoul, Atheel al-Nujaifi, souhaiteraient être présents lors de la prise de la ville à Daesh et empêcher qu’elle soit occupée par les Forces de mobilisation populaire (al-Hashd al-Shaabi), très majoritairement chiites.
À l’évidence, tout le monde rêve : le président illégitime Massoud Barzani croit que personne ne remettra en question son annexion des champs pétroliers de Kirkouk et des montagnes de Sinjar ; le leader des Kurdes syriens Saleh Muslim imagine qu’il sera bientôt président d’un pseudo-Kurdistan reconnu internationalement ; et le président Recep Tayyip Erdoğan suppose que les arabes de Mossoul espèrent être libérés et gouvernés par les Turcs comme à l’époque ottomane.
Par ailleurs, en Ukraine, la Turquie a déployé la Brigade islamiste internationale qu’elle a officiellement créée en août dernier. Ces jihadistes, qui ont été prélevés sur le théâtre d’opération syrien, ont été divisés en deux groupes à leur arrivée à Kherson. La majorité sont partis se battre dans le Donbass au sein des Brigades Cheikh Manour et Djokhar Doudaïev. Tandis que les meilleurs éléments se sont infiltrés en Russie pour saboter l’économie de la Crimée. Ils sont ainsi parvenus à couper toute l’électricité de la République durant 48 heures.
L’Arabie saoudite a réuni ses mercenaires à Riyad pour constituer une délégation en vue des prochaines négociations organisées par le directeur des Affaires politiques de l’Onu, le néo-conservateur US Jeffrey Feltman.
Les Saoudiens n’ont pas invité de représentants d’Al-Qaïda, ni de Daesh, mais uniquement des groupes wahhabites qui travaillent avec eux, comme Jaysh al-Islam ou Ahrar al-Sham. En théorie, il n’y avait donc pas à cette conférence de « groupes terroristes » listés par le Conseil de sécurité de l’Onu, mais en pratique, tous les participants se battent au sein, au nom ou aux côtés d’Al-Qaïda ou de Daesh sans en revendiquer le label, la plupart de ces groupes étant dirigés par des personnalités ayant appartenu à Al-Qaïda ou à Daesh. Ainsi, Ahrar al-Sham a été créé juste avant le début des événements en Syrie par des Frères musulmans et de hauts responsables d’Al-Qaïda issus de l’entourage d’Oussama Ben Laden.
Continuant à agir comme ils le faisaient avant l’intervention russe, les participants sont convenus d’une « solution politique » qui débute par l’abdication du président démocratiquement élu Bachar el-Assad et se poursuive par un partage du pouvoir entre eux et les institutions républicaines. Ainsi, bien qu’ils aient perdu tout espoir de l’emporter militairement, ils persistent à envisager une reddition de la République arabe syrienne.
Les représentants des Kurdes de Syrie n’ayant pas été invités à cette conférence, nous pouvons conclure que l’Arabie saoudite considère le projet de pseudo-Kurdistan comme distinct de l’avenir du reste de la Syrie. Notons au passage que le YPG vient de créer un Conseil démocratique syrien pour renforcer l’illusion d’une alliance des Kurdes de Selah Muslim avec les arabes sunnites et les chrétiens, alors qu’en réalité ils s’affrontent sur le terrain.
Quoi qu’il en soit, il ne fait pas de doute que Riyad soutient les efforts de la Turquie pour créer ce pseudo-Kurdistan et y expulser « ses » Kurdes. En effet, il est désormais attesté que l’Arabie saoudite a fourni une aide logistique à la Turquie pour guider le missile air-air qui a détruit le Soukhoï 24 russe.
Enfin le Qatar fait toujours semblant de ne plus être impliqué dans la guerre depuis l’abdication de l’émir Hamad, il y a deux ans. Pourtant les preuves s’accumulent de ses opérations secrètes, toutes dirigées non pas contre Damas, mais contre Moscou : ainsi, le ministère qatari de la Défense a acheté fin septembre en Ukraine des armes anti-aériennes sophistiquées Pechora-2D pour que les jihadistes puissent menacer les forces russes et, plus récemment, il a organisé une opération sous-faux drapeau contre la Russie. Toujours en Ukraine, il a acheté fin octobre 2 000 bombes fragmentation OFAB 250-270 de fabrication russe et les a dispersées le 6 décembre sur un camp de l’Armée arabe syrienne de manière à accuser l’Armée russe de bavure. Là encore, malgré les preuves, personne ne réagit à l’Onu.

Les forces patriotiques

Les Forces russes bombardent les jihadistes depuis le 30 septembre. Elles prévoient de le faire au minimum jusqu’au 6 janvier. Leur action vise principalement à détruire les bunkers que les groupes armés ont construits, et l’ensemble de leur logistique. Durant cette phase, on assiste à peu de changements sur le terrain, sinon à un reflux des jihadistes vers l’Irak et la Turquie.
L’Armée arabe syrienne et ses alliés préparent une vaste opération pour le début 2016. Il s’agira de provoquer un soulèvement des populations dominées par les jihadistes et de reprendre simultanément presque toutes les villes du pays —à l’exception éventuelle de Palmyre— de sorte que les mercenaires étrangers se replient dans le désert. À la différence de l’Irak où 120 000 sunnites et baasistes ont rejoint Daesh uniquement pour se venger d’avoir été écartés du pouvoir par les États-unis au profit des chiites, rares sont les Syriens qui ont acclamé le « Califat ».
Les 21 et 22 novembre, l’Armée russe a procédé en Méditerranée à des exercices avec son alliée syrienne. Les aéroports de Beyrouth (Liban) et de Larnaca (Chypre) ont dû être partiellement fermés. Les 23 et 24 novembre, les tirs de missiles russes sur des positions de Daesh en Syrie provoquaient la fermeture des aéroports d’Erbil et de Sulaymaniyah (Irak). Il semble qu’en réalité, l’Armée russe ait testé l’extension possible de son arme d’inhibition des communications et des commandes de l’Otan. Quoi qu’il en soit, le sous-marin Rostov-sur-le-Don a procédé, le 8 décembre, à des tirs depuis la Méditerranée sur des installations de Daesh.
La Russie, qui dispose déjà de la base aérienne d’Hmeymim (près de Lattaquié), utilise également la base aérienne de l’Armée arabe syrienne à Damas, et construirait une nouvelle base à al-Shayrat (près de Homs). En outre, de hauts gradés russes ont procédé à des repérages en vue de créer une quatrième base au Nord-Est de la Syrie, c’est-à-dire à proximité à la fois de la Turquie et de l’Irak.
Enfin, un sous-marin iranien est arrivé au large de Tartous.
Le Hezbollah, qui a démontré sa capacité à mener des opérations commandos lors de la libération du pilote du Sukhoï prisonnier des milices organisées par l’Armée turque, prépare le soulèvement des populations chiites, tandis que l’Armée arabe syrienne —à plus de 70 % sunnite— se concentre sur les populations sunnites.
Le gouvernement syrien a conclu un accord avec les jihadistes de Homs qui ont finalement accepté de se rallier ou de quitter la ville. Elle a été évacuée sous contrôle des Nations unies, de sorte qu’aujourd’hui Damas, Homs, Hama, Lattaquié et Der ez-Zor sont entièrement sécurisés. Reste à libérer Alep, Idlib et Rakka.
Contrairement aux affirmations péremptoires de la presse occidentale, la Russie n’a pas du tout l’intention de laisser le Nord du pays à la France, à Israël et au Royaume-uni pour y créer un pseudo-Kurdistan. Le plan des patriotes prévoit la libération de toutes les zones habitées du pays, y compris Rakka, actuelle « capitale du Califat ».
Le calme précède donc la tempête.
Thierry Meyssan
Thierry MeyssanConsultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaireet de la conférenceAxis for Peace. Dernier ouvrage en français : L’Effroyable imposture : Tome 2, Manipulations et désinformations (éd. JP Bertand, 2007). Compte Twitter officiel.
 
"Si vous n’y prenez pas garde, les journaux finiront par vous faire haïr les opprimés et adorer les oppresseurs." Malcom X

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