Le phénomène du transfert illicite de devises prend de l’ampleur. Des
pseudo-importateurs développent toujours de nouvelles méthodes pour
échapper au contrôle et faire sortir des sommes astronomiques en dollars
et en euros. Les Douanes du port d’Alger viennent de découvrir l’un des
modus operandi des trafiquants en déjouant, durant le troisième
trimestre de l’année écoulée, une tentative de transfert illégal de
20 millions de dollars.
Cette affaire, indique Aïssa Boudergui, directeur régional des Douanes
du port d’Alger, dans une déclaration à l’APS, implique 15 opérateurs.
«Cette affaire a déjà fait l’objet du blocage du transfert bancaire de 6
millions de dollars par les banques», explique-t-il. «La fraude
consistait à faire venir d’Asie et d’Europe 72 conteneurs remplis de
gravats et déchets divers dans l’espoir de transférer des devises après
de fausses déclarations d’importation», ajoute-t-il.
Selon M. Boudergui, les services des Douanes du port d’Alger ont
enregistré 26 dossiers de transfert illégal de devises en 2013 et 45
dossiers en 2014, qui sont en cours de traitement. Ces chiffres ne
concernent qu’un seul port du pays. Les pertes pour l’économie nationale
pourraient être encore plus importantes si l’on parvient à quantifier
tous les transferts illégaux de capitaux effectués, notamment à travers
la surfacturation et autres pratiques dénoncées par les économistes et
les partis politiques.
Dans un récent rapport intitulé «Flux financiers illicites issus des
pays en développement», le cabinet américain Global Financial Integrity
(GFI) affirme que l’Algérie a perdu 16 milliards de dollars transférés
illégalement en 10 ans, soit 1,575 milliard de dollars de fuite de
capitaux par an. «Avec précisément 15,753 milliards de dollars sortis
illicitement, l’Algérie a été classée à la 46e place sur 151 pays
concernés par le rapport», souligne le même rapport.
Selon GFI, les fuites de capitaux ont pris de l’ampleur depuis le début
des années 2000 : 490 millions de dollars transférés en 2003, 2,259
milliards en 2006, 3,378 milliards en 2008 et 3,172 en 2009. En 2012, le
rapport évoque une fuite de capitaux évaluée à 2,620 milliards de
dollars. Une véritable saignée pour l’économie algérienne. Selon le même
document, cette pratique influe négativement sur le développement de la
croissance et la création d’emplois.
Comment les trafiquants ont-ils réussi à faire sortir une telle
cagnotte ? Que font les services de contrôle ? En tout cas, ces chiffres
expliquent, en partie, la hausse vertigineuse de la facture des
importations de l’Algérie, qui frôle les 60 milliards de dollars en
2014. Une augmentation qui devient problématique pour le gouvernement,
suite à la chute des prix du pétrole et l’érosion des recettes
pétrolières.
Surpris par le choc pétrolier, l’Exécutif tente, à travers les
dernières mesures d’austérité annoncées fin décembre 2014, de
«rationaliser les importations». Et parmi les décisions prises, il y a
celle visant à réintroduire «les licences d’importation automatiques et
non automatiques». «La mesure est destinée à réduire les importations
dont la facture a augmenté de 8,9% en 2013 pour atteindre 54,85
milliards de dollars.
Durant la même période, les exportations ont baissé de 8,82% pour
s’établir à 65,92 milliards de dollars, contre 71,86 milliards en 2012»,
avait expliqué le ministre du Commerce, Amara Benyounès. Selon lui, les
licences d’importation étaient en vigueur avant la libéralisation du
commerce extérieur et elles «étaient attribuées dans des conditions
opaques et avaient permis à des importateurs de faire fortune».
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