Par Mounadil
Intéressant
cet article qui attire l'attention sur les liens entre les
organisations "djihadistes" qui font beaucoup parler d'elles en ce
moment, notamment en Irak, et les appareils politico-militaires des
principales puissances occidentales, c'est-à-dire les Etats Unis, la
Grande Bretagne et bien sûr la France (la France UMP comme la France PS
faut-il préciser).
L'auteur
de l'article, une universitaire, pense que les accointances entre le
gouvernement des Etats Unis et les organisations comme le Front al
Nosra sont des erreurs qui viennent répéter d'autres erreurs du même
type commises en Libye et en Afghanistan.
Je
ne sais pas vous, mais je ne crois pas qu'on se trouve présentement
devant des "erreurs" stratégiques parce que je vois mal des officiers du
Pentagone répéter en un laps de temps très court des erreurs dont les
militaires américains sur le terrain ont eu à payer le prix pour des
gains stratégiques finalement minimes (la dislocation de l'URSS ne s'est
effectivement pas jouée en Afghanistan mais sur le terrain économique
et la rébellion des républiques d'Europe orientale, Pologne en tête).
Si
ces prétendues erreurs sont répétées, c'est qu'elles satisfont à une
démarche autre que celle qui est affichée par le gouvernement des Etats
Unis. Et cette démarche est celle des néoconservateurs dont Robert Parry a montré la persistance de l'influence dans l'administration Obama.
Ces
néoconservateurs, qui peuvent être Démocrates ou Républicains, sont
avant tout motivés par ce qu'ils jugent être l'intérêt de l'entité
sioniste. Pour eux, cet intérêt réside avant tout dans l'affaiblissement
des dernières structures ou régimes politiques qui représentent un
obstacle à la domination sioniste dans la région.
Les
structures et régimes dont nous parlons ici sont le Hezbollah libanais,
la Syrie baathiste et la république islamique d'Iran.
C'est
dans ce contexte qu'il faut comprendre la situation en Irak dont le
gouvernement de Nouri al-Maliki était un allié très proche du régime
iranien, la démission de ce dernier ayant ne l'oublions pas été posée
comme préalable à toute assistance par les autorités américaines. Dans
l'hypothèse de la confirmation d'un dégel entre Washington et Téhéran,
l'Etat Islamique en Irak et au Levant est l'instrument qui pourrait
permettre d'annuler en partie le gain stratégique de l'Iran en sortant
l'Irak de sa sphère d'influence.
Non, l'ennemi de notre ennemi n'est pas notre ami.
par Souad Mekhennet, The Washington Post (USA) 18 août 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri
- Souad Mekhennet
Souad
Mekhennet, co-auteure de “The Eternal Nazi,” est professeur auxiliaire à
Harvard, John Hopkins et au Geneva Centre for Security policy.
Au cours des
dernières années, le président Obama, ses amis européens, et même
certains alliés du Moyen-Orient, ont soutenu des «groupes rebelles» en
Libye et en Syrie. Certains de ces groupes ont reçu une formation, un
soutien financier et militaire pour renverser Mouammar Kadhafi et
combattre Bachar al Assad. C'est une stratégie qui suit le vieil adage,
"L'ennemi de mon ennemi est mon ami», et elle a été l'approche des Etats
Unis et de leurs alliés depuis des décennies quand il fallait décider
de soutenir des organisations et des mouvements d'opposition.
Le problème est
qu'elle n'est pas fiable du tout – et souvent pire que d'autres
stratégies. Chaque année on voit de nouveaux cas de retour de flamme
avec cette approche. L'échec le plus flagrant et le plus connu est celui
de l'Afghanistan où certaines des organisations entraînées (et
équipées) pour combattre l'armée soviétique sont par la suite devenues
résolument hostiles à l'Occident. Dans cet environnement, al Qaïda avait
prospéré et établi les camps où les auteurs des attentats du 11
septembre avaient été préparés. Pourtant, au lieu de tirer des leçons de
leurs erreurs, les Etats Unis persistent à les répéter.
Washington et
ses alliés ont aidé des organisations dont les membres avaient dès le
départ des idées anti-américaines ou anti-occidentales ou qui avaient
été attirés par ces idéees dans le temps du combat. Selon des entretiens
réalisés avec des membres d'organisations militantes, comme l'Etat
Islamique en Irak et le Front al Nosra en Syrie (qui est affilié à al
Qaïda), c'est exactement ce qui s'est passé avec certains des
combattants en Libye et même avec des factions de l'Armée Syrienne Libre
(ASL).
"Dans l'Est de
la Syrie, il n'y a plus d'Armée Syrienne Libre. Tous ceux qui étaient
dans l'Armée Syrienne Libre [dans cette région] ont rejoint l'État
islamique ", dit Abu Yusaf, un haut cadre militaire de l'Etat islamique,
qui a fait l'objet d'un article d'Anthony Faiola la semaine dernière
dans le Washington Post.
L'Etat
Islamique est jusqu'à présent celui qui a le mieux réussi, contrôlant
les principaux champs pétroliers et gaziers en Syrie. Il a aussi amassé
beaucoup d'argent, d'or (pris dans les banques des zones sous son
contrôle) et d'armes au cours de ses combats contre les armées syrienne
et irakienne ; « Quand l'armée irakienne a fui Mossoul et d'autres
zones, elle a laissé derrière elle le bon matériel que les Américains
lui avaient donné, » explique Abu Yusaf.
« De l'Etat
Islamique à l'armée du Mahdi, on voit des organisations qui ne sont à la
base pas de nos amies mais qui montent en puissance parce que nous
avons mal géré les situations, » affirme un haut responsable américain
des services de sécurité qui s'est exprimé sous condition d'anonymat.
Certains
officiels de services de renseignements arabes et européens ont aussi
expprimé leurs inquiétudes et leur frustration à propose de ce qu'ils
qualifient d'erreurs commises par les Etats Unis dans la gestion des
soulèvements dans les Etats arabes. « Nous avons été tr-s vite informés
de l'utilisation par des organisations extrémistes du vide laissé par le
Printemps arabe, et du fait que cerains de ceux que les Etats Unis et
leurs alliés avaient entraînés pour combattre pour la 'démocratie' en
Libye et en Syrie avaient un agenda djihadiste - - et avaient déjà
rejoint ou rejoindraient par la suite le Front al Nosra ou l'Etat
Islamique, » déclarait un haut responsable arabe du renseignement dans
une récente interview. Il affirmait que ses homologues américains lui
disaient souvent des choses comme, « Nous savons que vous avez raison,
mais notre président et ses conseillers à Washington n'y croient pas. »
Ces organisations, disent des officiels de services de sécurité
occidentaux, sont des menaces non seulement pour le Moyen Orient mais
aussi pour les Etats Unis et l'Europe, où ils ont des membres et des
sympathisants.
Les dires des
officiels ont été corroborés par des membres de l'Etat Islamique au
Moyen Orient et hors du Moyen Orient, dont par Abu Yusaf, le responsable
militaire. Dans plusieurs entretiens conduits ces deux derniers mois,
ils ont décrit comment l'insécurité pendant le Printemps Arabe les a
aidés à recruter, à se regrouper et à utiliser la stratégie occidentale
–consistant à soutenir et à entraîner des organisations qui combattent
les dictateurs – dans leur propre intérêt. « Il y avait [aussi]...
quelques Britanniques et Américains qui nous entraînaient pendant le
Printemps Arabe en Libye, » dit un homme qui se désigne lui-même sous le
nom d'Abu Saleh et qui n'a accepté d'être interviewé qu'à condition que
son identité reste secrète.
Abu Saleh,
originaire d'une ville près de Benghazi, affirme que lui et un groupe
d'autres Libyens ont reçu un entraînement et un soutien de la part des
armées et des services secrets de la France, de la Grande Bretagne et
des Etats Unis – avant de rejoindre le Front al Nosra ou l'Etat
Islamique. Des sources militaires arabes et occidentales interrogées
pour cet article ont confirmé les dires d'Abu Saleh sur
« l'entraînement » et « l'équipement » fournis aux rebelles en Libye
pendant les combats contre le régime de Kadhafi.
Abu Saleh a
quitté la Libye en 2012 pour la Turquie et s'est ensuite rendu en Syrie.
« D'abord, j'ai combattu dans les rangs de ce qu'on appelle 'Armée
Syrienne Libre' mais je suis ensuite passé avec al Nosra. Et j'ai déjà
pris la décision de rejoindre l'Etat Islamique quand mes blessures
seront guéries, » déclare cet homme de 28 ans depuis un hôpital en
Turquie où il reçoit des soins médicaux. Il a été blessé au cours d'une
bataille avec l'armée syrienne, dit-il, et a été amené en Turquie sous
de faux papiers. « Certains des Syriens qu'ils [les Occidentaux] ont
entraîné ont rejoint l'Etat Islamique, d'autres le Front al Nosra, »
dit-il en souriant. Il ajoute, « Quelques fois, je plaisante à la
cantonade en disant que je suis un combattant fabriqué par l'Amérique. »
Pendant
longtemps, des Etats arabes et occidentaux ont soutenu l'Armée Syrienne
Libre non seulement avec de la formation mais aussi avec des armes et
d'autres matériels. Le commandant de l'Etat Islamique, Abu Yusaf, ajoute
que les membres de l'Armée Syrienne Libre qui avaient reçu un
entraînement – par des officiers d'armées arabes, des armées turque et
américaine dans une base américaine dans le sud de la Turquie – ont
maintenant rejoint l'Etat Islamique. « Maintenant, beaucoup des membres
de l'ASL que l'Occident avait entraînés rejoignent nos rangs, » dit-il
en souriant.
Ces militants
se préparent pour le moment où les gouvernements occidentaux agiront.
« Nous savons que les Etats Unis s'en prendront à l'Etat Islamique à un
moment donné, et nous y sommes prêts. Mais ils ne devraient pas
sous-estimer la réponse qu'ils recevront, » déclare un sympathisant de
l'Etat Islamique en Europe qui se présente sous le nom d'Abu Farouk. Il
ajoute que le « soutien inconditionnel » des Etats Unis pour le
gouvernement du premier ministre sortant Nouri al Maliki qui, dit-il, a
opprimé les Irakiens sunnites, et les « cajoleries » de l'Amérique à
l'égard de l'Iran, qui est majoritairement chiite, ont fait de l'Etat
Islamique une alternative plus attractive pour certains sunnites
mécontents de ce deux poids deux mesures.
« Grâce au
Printemps Arabe et à l'Occident qui combat tous ces dirigeants pour
nous, nous avons eu assez de temps pour nous développer et recruter au
Moyen Orient, en Europe et aux Etats Unis, » déclare Abu Farouk. Il
sourit et observée une pause de quelques secondes. « En fait, nous
devrions dire, merci M. le président. »
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