Bouteflika et le quatrième mandat : Les médias étrangers se déchaînent
Surprise, incompréhension, moquerie… Les médias étrangers traitent le
sujet sous tous les angles et s’accordent sur le fait que Bouteflika,
grandement affaibli par la maladie, ne peut pas sérieusement prétendre à
un autre mandat à la tête de l’Etat.
Le Canard enchaîné, l’hebdomadaire satirique français qui paraît chaque
mercredi, s’amuse en une : «En Algérie, le jeune c’est seulement le
ramadan». En surtitre : «Malgré ses ennuis de santé, Bouteflika se
présente à 77 ans pour la 4e fois» «Mais le sait-il vraiment ?»,
s’interroge, ironique, le journal qui évoque «le crépuscule soviétique».
«Une grande partie des Algériens étouffe sous le régime de la
gérontocratie et la corruption institutionnelle», ajoute-t-il dans un
article au titre interrogatif : «Bouteflika, Algérien à changer ?»
Sur la même lancée, «Le Petit Journal», une émission de Canal+, blague
sur la candidature du chef de l’Etat algérien et sur sa «main droite»
qu’il bouge à chaque audience. Yann Barthès se lâche et appuie son
propos par des images de Bouteflika, le visage figé et blême. La salle
rit aux éclats.
«Le fantôme d’Alger»
Mieux, un mini-sketch est monté pour montrer la manière de «rendre
dynamique» un candidat assis sur un fauteuil roulant. «Attention, il va
tomber !», dit l’un d’eux. «J’ai un coussin», crie l’autre. Il est donc
facile d’écrire un scénario pour un mini-sketch télé pour se moquer d’un
Président qui semble s’accrocher au pouvoir. La matière est prête et
les idées ne manquent pas ! D’ailleurs, «Le Petit Journal» promet une
suite à ce premier mini-sketch.
Yves Threard, journaliste médiatique du Figaro, sur LCP (chaîne
parlementaire française) trouve dramatique «la mainmise» du FLN sur un
pays «dont la majorité de la population est jeune». Le Parisien,
quotidien français, parle du «fantôme d’Alger», faisant allusion à
l’effacement de Bouteflika de la scène publique depuis plusieurs mois.
Le Figaro publie un autre article : «Présidentielle algérienne :
Bouteflika encore et toujours». «Les opposants et les partis politiques
qui ont choisi de boycotter le scrutin s’inquiètent déjà de l’avenir de
l’Algérie sous un Président qui n’est pas en mesure de gouverner»,
relève le journal français de droite.
Al Arabiya.net, site de la chaîne d’information continue basée à Dubaï,
estime que la candidature de Bouteflika divise la classe politique en
Algérie. «Des partis algériens évoquent la mascarade électorale», lit-on
sur ce site. «M. Bouteflika et le danger de la stagnation» est le titre
d’un éditorial du quotidien français Le Monde. «Le président Bouteflika
peut-il parler ? Peut-il gouverner ? Les Algériens se posent ces
questions (...). Les Algériens ne sont ni sourds ni aveugles. Ils
voient, ailleurs dans le monde, des dirigeants élus balayés en quelques
semaines et découvrent dans leurs médias de multiples scandales de
corruption. La fracture entre le Président, usé par le pouvoir et la
maladie, et une population jeune ne fait que s’aggraver», soutient Le
Monde.
Les doutes des confrères arabes
BBC arabic et Skynews arabia, chaînes britanniques d’information, Nile
News, station de télévision égyptienne, Al Jazeera, chaîne qatarie
d’information, France 24, Al Arabiya, Al Magharibia, Africa 24 se sont
toutes interrogées dans leurs commentaires, débats et analyses sur «la
capacité physique» du président Bouteflika à gouverner pour cinq autres
années.
Le site web aljazeera.net analyse la polémique suscitée par l’annonce
de la candidature de Bouteflika et revient sur les doutes exprimés par
l’opposition sur la régularité de la prochaine présidentielle.
L’enjeu, selon Le Figaro, serait «l’après-17 avril 2014». «Le problème,
c’est qu’aucun pôle du pouvoir ne peut, ou ne semble vouloir, se
dresser contre un nouveau quinquennat», estime le journal.
The Washington Post, journal américain, reprend une dépêche de
l’Associated Press (AP) qui relève que «le pouvoir en Algérie est entre
les mains d’un petit groupe de généraux puissants qui fonctionnent selon
la règle du consensus». «Beaucoup d’officiels et d’analystes ont
exprimé leurs doutes sur l’opportunité d’un 4e mandat pour Bouteflika
(…) avec son apparente infirmité», estime AP, qui évoque «les défis
sécuritaires» dans le Sahel. Associated Press revient également sur
l’appel au boycott de la présidentielle lancé par le RCD, le MSP et
Ennahda. «Les Algériens s’attendaient à ce que son troisième mandat soit
le dernier. Les voilà à présent pris de court par leur Président qui,
absent de la scène publique depuis deux ans et souffrant au possible,
ose se présenter pour cinq années supplémentaires (…). Bouteflika ne
fait pas l’unanimité dans la société algérienne, contrairement à ce que
laisse entendre le Premier ministre, qui justifie sa candidature par une
‘demande insistante de la société civile’. Publiquement absent depuis
deux ans, les Algériens ne lui accordent pas leur confiance», écrit
Jean-Marc de Jaeger sur le blog de Mediapart, le site d’information
français. Le journaliste rappelle les titres de certains journaux comme
le quotidien de gauche L’Humanité : «Si, si, Bouteflika va bien !»
Le quotidien Al Charq Al Awsat, basé à Londres, reprend l’universitaire
algérien Mohand Arezki Ferrad qui estime que la nouvelle candidature de
Bouteflika profite d’abord «aux rentiers» qui «veulent sauvegarder
leurs privilèges». Al Arab, autre journal basé à Londres, évoque «la
déception» causée par la décision de Bouteflika de briguer un quatrième
mandat. «Une décision qui a surpris les Algériens et la classe
politique. Une classe qui espérait l’émergence de nouvelles têtes sur la
scène politique», note le journal.
Fayçal Métaoui
Enregistrer un commentaire