DRS vs
état-major, Saïdani vs le général Mediène, Toufik vs Saïd Depuis
quelques semaines, l'Algérie semble être prise par une frénésie
pipolo-politique ou, c'est peut-être plus le cas, pipeau-politique.
Journaliste et essayiste, auteur notamment d' "Etre arabe aujourd'hui" aux éditions Carnets Nord
DRS vs
état-major, Saïdani vs le général Mediène, Toufik vs Saïd Depuis
quelques semaines, l'Algérie semble être prise par une frénésie
pipolo-politique ou, c'est peut-être plus le cas, pipeau-politique. Par
voie de presse, on s'invective, on lance des accusations sur les mœurs
des uns, sur les méfaits des autres et tout cela alimente une atmosphère
des plus putrides dans un contexte national mais surtout régional des
plus incertains. A l'étranger, nombre d'observateurs résument ce qui se
passe par une analyse binaire et efficace sur le plan médiatique : d'un
côté le clan présidentiel, de l'autre le DRS. C'est peut-être le cas.
C'est sûrement le cas. A vrai dire, le présent chroniqueur s'en tape.
Qu'on lui pardonne cet accès de trivialité, mais il s'en contrefout.
L'un ou l'autre Ki sidi, ki lala La vérité, celle qui compte le plus,
c'est que nous sommes confrontés aujourd'hui à une situation d'urgence
structurelle et vitale pour l'avenir du pays. Et le problème, celui qui,
là aussi, compte le plus, est que ceux qui prétendent diriger el-bled
sont embringués dans une sordide querelle qui rappelle ces bagarres
entre fortes têtes du quartier où la prudence la plus élémentaire
commandait de ne prendre parti pour personne. Dans un pays bien dirigé (à dessein, on n'emploiera pas le terme de «
normal »), avec des institutions qui fonctionnent et une classe
politique qui joue son rôle, la perspective du scrutin présidentiel
devrait être l'occasion d'un état des lieux et d'un débat contradictoire
sur les solutions à mettre en place pour l'avenir. Mais, encore
faudrait-il accepter l'idée de regarder l'état de l'Algérie avec
objectivité, sans chauvinisme mal placé et en acceptant de se confronter
avec une réalité qui peut infliger quelques blessures à notre orgueil
et à notre amour-propre, tous deux façonnés par des années de
grandiloquence et de discours nationalistes. Même lorsqu'ils critiquent avec virulence le système, de nombreux
Algériens réfutent l'idée que leur pays est en situation d'échec. Ils
veulent encore croire que sa situation reste enviable, jalousée par ses
voisins, proches ou lointain. Le présent texte ne prétend pas faire le
bilan du pays plus de cinquante ans après l'indépendance mais son auteur
assume le propos qui suit : l'Algérie est en état d'échec pour ne pas
dire de déshérence. On peut se raconter toutes les histoires que l'on
veut, on peut faire taire ceux qui, de l'extérieur, sont prompts à
donner des leçons (le présent chroniqueur en fait certainement partie).
Mais la réalité est ce qu'elle est : alors que le monde bouge, alors que
des dynamiques exceptionnelles sont en marche dans le sud, l'Algérie
n'avance pas. Elle est en retard en matière d'infrastructures, de
développement économique, d'industrie, de recherche et d'innovation, de
gestion optimisée de ses finances dans la perspective de
l'après-pétrole, de formation de son capital humain et, de façon plus
générale, de fonctionnement effectif et réel de ses institutions. Ecrire
cela. Le dire. Ce n'est pas trahir son pays. Ce n'est pas le détester.
Au contraire, c'est appeler à cette nécessaire clairvoyance pour faire
face aux défis. On ne sort pas d'une crise profonde en la niant. On ne
remplace pas les solutions possibles, souvent difficiles, par le
discours et le fantasme d'une grandeur passée. L'Algérie a un besoin
urgent de réformes positives (l'emploi du terme « structurelles » étant
désormais trop lié aux dégâts engendrés par les politiques imposées par
le FMI et la Banque mondiale). Elle a besoin d'un débat national basé
sur l'idée que trop de choses vont mal et qu'il faut les corriger. Elle a
un besoin d'un rééquilibrage des pouvoirs où l'Algérien passerait du
statut d'élément neutre (au sens mathématique du terme) à celui de
citoyen responsable et engagé. Il y a quelques jours, la presse nationale a rapporté les propos
d'un officiel pour qui Alger était en passe de devenir une place
financière d'envergure... Voilà exactement le genre de délire qui nous
fait vivre dans un décor factice à l'image, comme me l'a fait remarquer
mon confrère K. Sélim, d'une matrice comparable à celle de la fameuse
trilogie cinématographique. Un décor où le virtuel est imposé à des
humains qui n'ont même pas conscience d'eux-mêmes. Alger, place
financière d'envergure Yakhi hala Dans un pays où il est pratiquement
impossible de payer par chèque. Où des milliards de dinars circulent de
la main à la main sans jamais être recyclés ou, pour reprendre un
vocabulaire à la fois technique et sanitaire, sans jamais être
stérilisés. Où les opérateurs économiques se débattent dans des
difficultés incroyables pour se financer ou pour mener leurs opérations
de commerce extérieur. Comment ose-t-on parler de place financière ?
Dubaï, Kuala Lumpur mais aussi Lagos, Accra ou Johannesburg et même
Casablanca sont de vraies places financières émergentes. Nous sommes
loin derrière. Ce n'est pas grave si on décide qu'il est temps que cela
cesse. Ceux qui font du sport, ceux qui ont raté un premier trimestre,
ceux qui ont pris leur temps dans les études ou la vie savent qu'il n'y a
rien de plus grisant que de faire une remontée et de se dire que, rang
après rang, on va y arriver et que l'on va fondre sur les premiers.
Dans ces colonnes, le prédiction qui suit a souvent été formulée
mais il semble nécessaire d'y revenir une nouvelle fois : le temps
presse. L'Algérie n'aura bientôt plus les moyens de vivoter et
d'improviser comme elle le fait depuis au moins trois décennies. A
défaut d'un sursaut auquel seraient conviés les Algériennes et les
Algériens, dans un cadre politique ouvert, et dans le respect des droits
de la personne humaine, une nouvelle catastrophe se profile. Elle sera
plus terrible que celle des années 1990. Ceux qui dirigent actuellement
le pays, présidence et son entourage, DRS, FLN et autres cercles plus ou
moins identifiés, ne peuvent l'ignorer. Il est temps pour eux de faire
acte de raison et d'accepter l'idée que les choses doivent enfin
changer. A moins qu'ils ne considèrent qu'après eux peut venir le
déluge.
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