Les Frères musulmans ont-ils intérêt à se livrer à
des actions terroristes en Egypte ? La réponse est très clairement non même si
le chef du gouvernement égyptien s'est empressé, avant de rétropédaler par la
suite, de les accuser d'être derrière l'attentat à la voiture piégée qui a fait
treize morts à Mansoura, dans le delta du Nil. Depuis la destitution de Mohamed
Morsi et le massacre de Rabaa Al-Adawiya, les Frères musulmans contestent par
les moyens classiques - manifestations, protestations et utilisation des
réseaux sociaux - en subissant une répression féroce. Cette contestation,
malgré une situation d'état d'urgence, de maintenir une présence politique
significative. Le rouleau compresseur exercé par l'armée et la police avec le
soutien des forces politiques «modernistes» et aussi des salafistes ne parvient
pas à les mettre «out».
L'Egypte est en crise car une partie substantielle de
la population est avec les Frères musulmans. Et toutes les actions entreprises
par le pouvoir depuis le putsch, interdiction des Frères musulmans, fermetures
de leurs médias et, plus récemment, gel de plus de 1.500 associations réputées
proches de l'organisation islamiste, ne font qu'accentuer la polarisation de la
scène égyptienne. Les Frères musulmans le savent d'expérience : une
confrontation armée sert le pouvoir. Rester sur le terrain de la politique -
avec ce que cela comporte comme risques et sacrifices - est plus productif. Et
en tout cas beaucoup plus embarrassant pour le pouvoir. L'engagement pris
depuis longtemps par l'organisation des Frères musulmans de demeurer sur le
terrain du combat politique n'a pas été démenti jusque-là.
L'empressement d'un conseiller du Premier ministre à
accuser - sans même attendre un début d'enquête pour ne pas dire de preuve -
est à mettre sur le registre de la propagande. Froidement, le risque d'un
dérapage violent de l'organisation des Frères musulmans était une hypothèse
plus ou moins plausible durant les jours qui ont suivi le carnage de Rabaa
Al-Adawiya. Il l'est beaucoup moins aujourd'hui, les Frères musulmans ayant
absorbé le choc en entretenant une fièvre politique permanente, notamment dans
les campus universitaires. Les propos du conseiller de Belbawi relèvent de la
pyromanie. C'est ainsi que les FM l'ont perçu en accusant le «Premier
ministre-marionnette de la junte militaire» d'exploiter le sang des Egyptiens
innocents avec des déclarations incendiaires destinées à créer plus de
violence, de chaos et d'instabilité. Les Frères musulmans ont condamné «dans
les termes les plus forts» cet attentat.
Ce jeu de pyromanie a été atténué par la suite. En
effet, l'agence de presse officielle Mena a corrigé la sortie du conseiller en
publiant des déclarations de Belbawi où ne figure pas de mise en cause de
l'organisation des Frères musulmans. Il met en cause le «terrorisme» et affirme
que la «poursuite des meurtriers se fera selon la loi». En réalité, le pouvoir
égyptien sait que les Frères musulmans n'ont pas intérêt à basculer dans la
violence mais la volonté, clairement affichée, de les casser et de les bannir
politiquement ne s'embarrasse pas de la vérité. Le plus grave dans cette
démarche est qu'elle mobilise d'énormes ressources dans la lutte contre les
Frères musulmans laissant ainsi plus de marge aux groupes djihadistes Mais
l'obsession d'éliminer un adversaire politique semble l'emporter sur le reste.
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