met en garde contre l’effet boomerang des mesures hâtives du gouvernement provisoire égyptien contre les Frères musulmans.
Le rédacteur en chef du journal Raï
al-Youm, Abdelbari Atwan, estime que la décision du gouvernement
provisoire égyptien d’arrêter des leaders et des membres des Frères
musulmans, et les déclarations du premier ministre qui les a qualifiés
de terroristes risqueraient d’avoir des effets inattendus. « Il n’y a
pas l’ombre d’un doute que le massacre de 13 personnes dans un attentat à
la voiture piégé dans le delta du Nil est bel et bien un acte
terroriste. Il est d’ailleurs l’une des attaques les plus meurtrières
depuis l’arrestation du président destitué Mohammed Morsi. Mais le
gouvernement provisoire doit rester prudent dans ses démarches à l’égard
des Frères musulmans », a écrit le rédacteur en chef de Raï al-Youm.
Abdelbari Atwan écrit que l’Egypte se trouve dans une période de
transition très difficile caractérisée par une bipolarisation profonde
au sein de la société égyptienne. Dans ce contexte, les responsables
politiques ont décidé de déclencher une véritable guerre politique,
médiatique et sécuritaire contre les leaders et les partisans des Frères
musulmans et leurs alliés dans le groupe du Jimaa Islamiya.
L’auteur rappelle qu’à l’approche du référendum sur la nouvelle
Constitution, il serait difficile d’imaginer qu’une grande vague de
violence puisse se reproduire en Egypte où le gouvernement provisoire à
interdit les activités des Frères musulmans, du Parti de la liberté et
la justice, en annonçant que les Frères musulmans est une organisation
terroriste. Abdelbari Atwan ajoute que les Frères musulmans ont vivement
condamné le récent attentat terroriste dans le delta du Nil, mais les
responsables du gouvernement n’ont pas pris au sérieux la prise de
position de la confrérie. Peu après cet attentat, le Premier ministre
Hazem Beblawi a déclaré que les Frères musulmans sont une organisation
terroriste.
Le rédacteur en chef de Raï al-Youm écrit que les autorités du
gouvernement provisoire ont bel et bien décidé d’intensifier leur guerre
contre les Frères musulmans, et qu’elles veulent éradiquer complètement
cette confrérie en tant que formation politique. En effet, le
gouvernement semble avoir fermé toutes les voies sur la réconciliation
ou le dialogue avec les Frères musulmans.
Les dirigeants actuels de l’Egypte estiment que la grande armée du
pays (1 millions de soldats) et le grand empire de leur service de
renseignement suffiraient à éradiquer totalement la confrérie. Pour le
moment, tous les grands leaders des Frères musulmans sont en prison et
attendent des condamnations lourdes comme la peine capitale ou des
prisons à perpétuité. Mais il est difficile d’imaginer que le
gouvernement actuel puisse aller si loin pour appliquer de tels
verdicts.
Abdelbari Atwan a ajouté : « Nous avons dit plusieurs fois qu’il
vaudrait mieux de permettre aux Frères musulmans à continuer leurs
activités en toute légalité, au lieu de les pousser à redevenir une
organisation clandestine. Nous avons toujours mis en garde contre les
efforts en cours pour marginaliser la confrérie, car de telles mesures
hâtives peuvent avoir un effet boomerang. Il suffirait de se souvenir de
ce qui s’est passé en Irak, en Libye ou en Syrie, pour prévoir que
cette politique ne réussira pas non plus en Egypte. Nous nous opposons
donc à tous ceux qui en Egypte ou à l’extérieur du pays veulent
marginaliser les Frères musulmans. Certains croient que la seule voie
pour rétablir la sécurité et la stabilité en Egypte passerait par
l’exclusion des Frères musulmans. Mais n’oublions pas, les Frères
musulmans ne sont pas un petit groupuscule. Les services de
renseignements auraient tort de croire qu’ils pourraient facilement
éradiquer les Frères musulmans comme ils l’avaient fait dans les années
1970-1980 pour lutter contre le Djihad islamique ou le Jamaa Islamiya. »
Le rédacteur en chef de Raï al-Youm ajoute : « Il s’agit d’un
mouvement islamique qui a des racines très profondes dans la société
égyptienne. Les Frères musulmans sont là depuis plus de 80 ans. Ils
profitent d’un soutien populaire indéniable. L’arrestation des leaders
des Frères musulmans ne signifierait point la disparition de la
confrérie. Autrefois, Gamal Abdel Nasser avait réussi à affaiblir
considérablement les Frères musulmans en arrêtant leurs leaders et en
exécutant leurs membres. Mais à cette époque-là, les Frères musulmans
n’étaient pas aussi populaires et aussi puissants qu’aujourd’hui ;
d’autant plus que la donne a complètement changé non seulement en
Egypte, mais aussi dans le monde arabe et sur la scène internationale ».
L’auteur conclut que le gouvernement provisoire a eu tort d’annoncer
que les Frères musulmans étaient terroristes sans avoir des preuves à
l’appui. Cette décision du gouvernement pourrait pousser les branches
radicales de la confrérie à se servir des armes et des méthodes
violentes contre le gouvernement. Il rappelle qu’en Egypte une
kalachnikov ne coûte dans certaines régions que 20 dollars, et que la
situation peut tourner de sorte que les mouvements radicaux y trouvent
un terrain favorable comme en Libye, au mali, au Tchad ou au Yémen.
Abdelbari Atwan estime que chaque fois que l’armée égyptienne a essayé
de restreindre ou d’interdire les activités des Frères musulmans, elle a
commis des erreurs irréparables, et qu’il serait également une grande
erreur de qualifier hâtivement la confrérie comme une organisation
terroriste.
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