Par M. Aït Amara
Après les affaires Sonatrach et
Sonelgaz, s’achemine-t-on vers une affaire Anep ? Des documents en notre
possession montrent, en effet, comment des pontes du système détournent
l’argent des collectivités locales et des entreprises publiques en
créant une multitude de journaux pour accaparer les annonces légales via
l’Agence nationale d’édition et de publicité (Anep). Cette dernière, à
la faveur d’une décision de l’Etat instaurant un monopole sur la
publicité institutionnelle, gère indirectement le portefeuille
publicitaire de toutes les entités publiques, qu’elles soient
administratives ou économiques.
Si, à l’origine, cette décision signée
par l’ancien chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, visait à réguler ce
marché lucratif, aider la presse boudée par les annonceurs privés et
renflouer les caisses des journaux publics qui avaient du mal à résister
face à la concurrence rude des journaux indépendants, celle-ci a,
cependant, été détournée de sa vocation première et servi à enrichir une
bande de potentats ripoux. Des échos nous sont parvenus du Club des
Pins, suite à notre précédent article. Le principal cité dans l’affaire,
à savoir Miloud Chorfi, ancien porte-parole du RND et actuel président
du groupe parlementaire de ce parti, a affirmé vouloir entrer en contact
avec Algeriepatriotique pour nous informer qu’il n’avait aucune relation avec le titre concerné par ce scandale, c’est-à-dire El Adjoua dans ses trois versions arabe, française et sportive.
«Je n’ai rien à voir avec ces journaux.
C’est mon défunt fils qui était ami avec son directeur, lequel a intégré
son nom dans l’ours (l’emplacement indiquant les mentions obligatoires
d’une publication, ndlr)», a-t-il précisé. La mise au point étant faite,
le problème reste entier. Car en adoptant la posture de Ponce Pilate,
Miloud Chorfi ne fait que confirmer l’existence de malversations dont il
se lave les mains. Que le titre éclaté en trois journaux qui a amassé
plus de 113 milliards entre janvier 2011 et septembre 2012 (plus ou
moins 5 milliards par mois) lui appartient ou pas, cela ne change rien à
ces chiffres qui montrent bien que des responsables malveillants
détournent de l’argent par le biais de la publicité. Venons-en aux
chiffres.
Une enquête au niveau de la Société
d’impression d’Alger (SIA), une imprimerie de l’Etat, nous a permis de
connaître le tirage de ce journal coupé en trois «morceaux» pour
multiplier les gains par trois. L’édition arabe du 27 juin de ce journal
inconnu du grand public a été tirée à 2 200 exemplaires, la version
française à 2 200 également et le supplément sportif à 4 400. Des
sources ont expliqué à Algeriepatriotique que la majeure partie
de ce tirage insignifiant n’est même pas distribuée et que seuls
comptent les quelques centaines d’exemplaires destinés à la comptabilité
de l’Anep et à l’archivage au niveau des différentes institutions
publiques. Les mêmes sources ajoutent que pour éviter de tirer le
minimum exigé par l’imprimerie, soit 5 000 exemplaires par publication,
les responsables de cette multitude de journaux créés – souvent par des
gens étrangers à la presse – pour détourner la publicité
institutionnelle, font en sorte d’être mis en demeure par l’imprimeur de
payer leur facture d’impression, laquelle mise en demeure est toujours
accompagnée d’une baisse forcée du tirage.
Une situation qui arrange cette mafia de
la publicité qui, non seulement accapare l’argent des annonces légales,
mais ne paye pas les imprimeries de l’Etat, elles-mêmes rattachées à
l’Anep. Nos sources révèlent aussi que ces imprimeries ne font aucun
effort pour recouvrer leurs créances et que les mises en demeure
envoyées à ces titres servent uniquement comme couverture juridique pour
ne pas être inquiétées au cas où ces pratiques mafieuses venaient à
être découvertes. L’affaire du journal El Adjoua (traduit par ses propriétaires Les climats, sur une enseigne donnant sur le boulevard Colonel Amirouche, à Alger) n’est que la partie émergée de l’iceberg. Si El Adjoua n’appartient
plus à Miloud Chorfi, qui l’a racheté ? Si Miloud Chorfi n’en est plus
le propriétaire, à quel nom a été attribué l’agrément pour sa
publication ? Miloud Chorfi a-t-il revendu l’agrément alors qu’il n’en a
pas le droit ? Qui a décidé de transférer de telles sommes faramineuses
à ce journal à très faible tirage ainsi qu’à d’autres titres de petite
envergure ?
Une chose est sûre : tout cela n’aurait
pas pu se faire sans l’aval du colonel Fawzi, aujourd’hui objet d’une
enquête dont l’élément déclencheur a été sa proximité suspecte avec
Hichem Aboud qui a lui aussi bénéficié des «largesses» de cet officier,
soit près de quatre milliards en quatre mois d’existence seulement. Une
question demeure posée : comment ces pratiques mafieuses ont-elles pu
exister durant toutes ces années, sans que le ministère de la
Communication ou le parquet réagissent pour y mettre fin et traduire les
coupables en justice ? L’enquête du DRS nous le dira.
M. Aït Amara
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