Par Robert BiBEAU Première victime de l’«Axe du bien» Pour comprendre et apprécier ce qui se passe à la frontière des deux
Corées, il est indispensable de replacer ces événements récents dans le
contexte international des douze dernières années. Deux grandes
puissances s’affrontent l’une sur son déclin, hargneuse, intransigeante,
vitupérant parce que se sachant en odeur de fin de règne ; la seconde
tempérante, affable, amène et cherchant le compromis puisque son
ascension inexorable est inscrite dans les lois de l’économie politique.
La Chine est déjà la première puissance économique mondiale, les États-Unis sont déjà le canard boiteux de l’Occident, l’homme malade de l’Alliance Atlantique. Le 7 octobre 2001, les Vandales américains, dirigés par L’État-major
de l’OTAN, entrent en Afghanistan petit pays féodal parmi les plus
pauvres de la planète (45 ans d’espérance de vie – 585 $ de revenu
annuel moyen), n’ayant jamais attaqué ni occupé aucun pays voisin
surtout pas les États-Unis d’Amérique hors de portée de leurs
kalachnikovs et de leurs caravanes de chameliers. Le malheur pour ce pays du Moyen-âge, c’est d’avoir été le théâtre
d’une guerre néocoloniale mettant aux prises le social-impérialisme
soviétique sur sa fin et l’impérialisme américain – et son allié
Al-Qaïda – à l’amorce de leurs déclins. Cette campagne militaire cruelle a permis d’imposer le gouvernement fantoche d’Hamid Karzai par la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) sous commandement de l’OTAN[]. Le parlement de Karzai n’a que peu de légitimité et ne contrôle que le secteur de Kaboul[]. En [][] 2013, ce sont environ 130 000 soldats étrangers dont 90 000 américains qui occupent ce pays strangulé et []saccagé.
Ces chiffres n’incluent pas les nombreux mercenaires des sociétés
privées (2 000 hommes de la firme britannique Saladin, ceux de
Blackwater – Académi). En janvier 2009, le think-tank International Council on Security and Development a estimé dans un rapport que la résistance était active et en contrôle d’environ 72 % du territoire afghan. [] Le site National priorities estime à plus de 600 milliards de dollars le coût de cette occupation par l’armée américaine (1). [] Deuxième victime de l’«Axe du bien» En janvier 2003, le récidiviste petit homme pose fièrement devant le
porte avion de la US Navy dans son «Full Metal Jacket» galonné trop
grand pour lui. De la hauteur qui était la sienne et à 15 000 Km du
front irakien où les femmes, les enfants et les vieillards mouraient par
milliers, la première armée du monde moderne venait de remporter son
deuxième coup fourré; le deuxième pays de l’«Axe du mal» et ses
puits de pétrole avaient été mis à sa merci. Dix ans plus tard le
successeur de W. Bush – deuxième de dynastie – devrait déchanter et
avouer que ni l’un ni l’autre de ces pays n’étaient soumis, mais qu’à
cela ne tienne l’héroïne et le pétrole circulaient à plein via le Golfe
Persique (2). Le petit d’homme s’enflamma et, après avoir sacrifié des milliers de femmes – dont les Femen ne parlent pas cela n’étant pas dans leur mandat – il proclama que sa soif de vengeance n’était pas étanchée et que «l’Axe du mal devait continuer d’expier afin de l’apaiser. L’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie, la Corée du Nord et l’Iran, chacun
leur tour, devrait être détruit pour que lui et ses amis puissent se
réjouir». Deux démons, amis du dragon chinois, venaient d’être sacrifiés
et le prochain scellerait bientôt sa destinée. Troisième victime de l’«Axe du bien» Le prétexte pour agresser la petite Libye (6,6 millions d’habitants,
12 000$ par habitant, 86% urbain, 70 ans d’espérance de vie) fut imaginé
au moment où le printemps arabe faisait rage. En février 2011, une
bande de royalistes déchus, actifs à Benghazi sous les auspices des
services secrets américains, britanniques et français se soulevèrent
contre le Guide de la Jamahiriya – le colonel Kadhafi. S’ensuivit un
bombardement en règle de l’OTAN avec l’aval du Conseil de sécurité et le silence du reste de l’humanité (3). Après des mois d’agression armée illégale contre un pays souverain,
le peuple libyen, exsangue, se résigna devant les mercenaires recrutés
en Afrique du Nord, chez les berbères et dans les pays arabes où les
jeunes désœuvrés sont pressés de s’enrôler pour n’importe quelle
équipée afin de gagner de quoi manger. Le troisième pigeon de « l’Axe du bien » venait de
tomber dans l’escarcelle occidentale peu de temps après que le colonel
ait été reçu à l’Élysée dans un ultime effort pour l’arracher à son
nouvel allié, qui, inconscient du danger, laissait ses affidés se faire
avaler sans broncher. « Le mois dernier (mars 2013), une explosion a détruit dans la
banlieue de Tripoli, un édifice et mausolée religieux Soufi du 15e
siècle… Le second anniversaire de l’intervention de l’OTAN aux côtés
des rebelles libyens contre Mouammar Kadhafi n’a quasiment pas été
mentionné par les gouvernements et les médias étrangers qui
s’inquiétaient tant pour la sécurité et les droits humains du peuple
libyen en 2011. Cela ne devrait pas nous surprendre parce que la Libye
actuelle est de toute évidence en train de se désagréger et que les
Libyens sont devenus les proies des miliciens qui affirmaient autrefois
vouloir les protéger » (4). Quatrième victime de l’«Axe du bien» La proie suivante de l’« Axe du bien américain » allait être
difficile à faire tomber, car cette fois la Russie – puissance
impérialiste en reconstruction avec la bénédiction de son compagnon –
n’allait pas sacrifier son allié où se trouve implantée depuis des
années une base militaire en Méditerranée. Quand les impérialismes
étatsunien, français et britanniques agressifs et affamés se tournèrent
vers la Syrie (quatrième démon de l’« Axe du mal ») pour y fomenter un coup d’État, l’axe russo-chinois s’interposa et mit un holà à la complicité du Conseil de sécurité onusien. Le 15 mars 2011, le montage bien rodé, établi après un suivi attentif
des révoltes spontanées survenues dans les pays arabes limitrophes, une
manifestation de l’opposition largement médiatisée en Occident donna le
coup d’envoi à l’ingérence extérieure dans les affaires intérieures de
la Syrie pour soutenir un mouvement de déstabilisation du gouvernement
de Bachar Al-Assad (5). Cette fois, aucun aval du Conseil de sécurité pour accomplir
le carnage que la « Communauté internationale » des sept pays
impérialistes en déclin (États-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni,
Canada, Pays-Bas, Belgique) adoubés par la Turquie intégriste, l’émirat
de Doha salafiste et l’Arabie Wahhabite, tous larbins, appelés en
service commandé accompagné de leurs djihadistes pour porter le message
de liberté de la Charia islamiste ; un jour amis des impérialistes, le
lendemain repris de justice et aujourd’hui complices des sévices assénés
au peuple syrien; c’est selon l’inspiration du moment et les besoins de
la politique étrangère américaine (6). Ces multiples agressions et occupations des puissances déclinantes
visent strictement à renverser les dirigeants en place et à y substituer
partout des gouvernements fantoches à la solde de l’Occident, puis, à
dévier le flot du pétrole en direction des pays amis sous contrôle
étatsunien, ou simplement à récupérer un marché étranger peu importe les
sacrifices imposés aux populations « libérées » de l’influence du
dragon. Au tour du cinquième de cordée de l’«Axe du mal» Et voici venu le tour du cinquième de cordée – juste avantl’Iran
que l’impérialisme américain croit pouvoir mettre au ban de sa
communauté. Les premiers complots ayant réussi, pourquoi pas celui-ci ?
En effet, la paix et le progrès ne sont jamais le but visé par ces
échauffourées supposées apporter la «liberté et de la démocratie» des
riches. « Malgré une mise en garde de son allié chinois, la Corée du Nord a procédé, mardi 12 février, à son troisième essai nucléaire, après ceux de 2006 et 2009, « avec succès » et « pour protéger la sécurité nationale et la souveraineté du pays » (souligné par nous NDLR),
a affirmé l’agence officielle KCNA. Peu après la condamnation par le
Conseil de sécurité des Nations unies, le 22 janvier, du tir début
décembre d »une fusée Unha-3 porteuse d »un satellite (météorologique
NDLR), considéré comme une violation des résolutions antérieures de
l’ONU, la RPDC avait annoncé « renforcer sa capacité militaire, y compris sa force de dissuasion nucléaire » (souligné par nous NDLR)». « Le Conseil de sécurité devait, de nouveau, se réunir en urgence
mardi, Pékin, Moscou et Washington s’étant concertés depuis quelques
jours. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a condamné un essai
nucléaire « profondément déstabilisateur ». « C’est une violation claire et grave des résolutions du Conseil de sécurité », a déclaré son porte-parole. Le président américain Barack Obama a appelé à une réaction internationale « rapide et crédible »» (7). Qui agresse qui dans l’affaire coréenne ? Participant effrontément à la psychose de guerre la presse
internationale, propriété des milliardaires des médias à la solde, s’est
aussitôt émue. Le 13 avril 2013 le quotidien Le Monde titre : « Pékin et Washington s’allient pour dénucléariser la Corée du Nord ».
En réalité, le chapeau de l’article annonce plutôt que « Les chefs des
diplomaties chinoise et américaine, le conseiller d’Etat Yang Jiechi et
le secrétaire d’Etat John Kerry ont déclaré samedi 13 avril vouloir
œuvrer ensemble à la dénucléarisation de l’ensemble de la péninsule coréenne
(…) » la Chine attestant par là que les tensions sont dues à
l’occupation américaine nucléarisée au Sud de la péninsule coréenne (8). Voilà qui est très différent. Dans le compte rendu de la rencontre
il est admis par le représentant américain que c’est la dénucléarisation
de toute la péninsule coréenne qui doit être envisagée et non pas de
simplement désarmer la Corée du Nord afin de la placer à la merci de
l’impérialisme américain qui a déjà envahi et détruit le pays en
1950-1953 (presque 2 millions de morts et menace d’attaques nucléaires).
Comprenez l’effroi des Nord-Coréens de voir resurgir l’assassin sous le
masque du pacificateur aux dents de loup. D’autant que les chinois, pas
plus que les coréens, ne stockent aucune de leurs armes nucléaires à
proximité du territoire étatsunien, à l’inverse des américains (9). Un État menacé a-t-il le droit de se défendre ? Le principe en cause dans l’affaire coréenne n’est pas de savoir si
le troisième de lignée de la dynastie du Parti de Kim Il Sung est un bon
bougre. C’est là une question intérieure qui ne concerne que le peuple
de la Corée du Nord. Les français sont administrés par Hollande et ils
s’en accommodent ; les canadiens subissent Harper et c’est leur triste
problème…idem au Royaume-Uni et en Égypte, etc. La véritable question est de savoir si un petit pays a le droit de se
protéger et de s’armer, jusqu’à et y compris d’armes de dissuasion
nucléaire, s’il est pointé du doigt par une grande puissance nucléaire
surarmée – arsenal de 3 500 ogives nucléaires aux mains des États-Unis,
seul pays ayant utilisé ces armes de destruction massive pour exterminer
des populations civiles non nucléarisées (Hiroshima et Nagasaki) – ? À
l’évidence, c’est le droit et le devoir d’un pays souverain de s’armer
pour se protéger de ces visées. Ne soyez donc pas surpris si demain l’Iran se questionne à propos de ces armes de dissuasion massive,
voyant se dérouler ces menaces à l’encontre d’un petit pays nucléarisé
qui tient tête aux expansionnistes américains qui d’une main interdisent
aux autres de se nucléariser et de l’autre tentent de déstabiliser leur
gouvernement, fomentant des invasions, cherchant à diriger leur
politique intérieure et extérieure et accroissant le nombre d’ogives
nucléaires à leurs frontières. D’autant que l’Iran sait déjà qu’elle est le sixième larron de l’« Axe du mal »
désigné à la vindicte d’un criminel de guerre au lourd passé de
récidiviste comme l’histoire nous l’enseigne depuis douze ans. Robert BIBEAU http://www.oulala.info/2013/04/la-coree-du-nord-dans-loeil-de-laigle-americain/
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