La liberté citoyenne prise en otage entre un Etat gangster et une presse receleuse.
Abdelkader DEHBI.
Universitaire
Je ne connais pas M.
Mohamed Samraoui, l’ex-colonel du DRS, opposant au régime et réfugié
politique en Allemagne depuis 1995; mais on ne présente plus cet
officier, auteur d’un livre-témoignage magistral intitulé :
« »Chroniques des années de sang – ou comment les services secrets ont
manipulé les groupes islamistes (Denoël, Paris, 2003) »". Un
livre-témoignage où il révèle par le détail, ce que soupçonnait déjà
depuis longtemps, l’opinion publique algérienne mais aussi
internationale, sur les terribles pratiques de la répression
militaro-policière contre les islamistes. Sans que cela ne puisse en
rien, excuser les crimes commis par les islamistes eux-mêmes.
Parmi ses témoignages d’une remarquable précision, l’ex-colonel
Samraoui, qui s’est trouvé au cœur du système « opérationnel » du DRS,
c’est-à-dire du terrain, a confirmé entre autres, la création ex nihilo
de certains maquis dits « islamistes » et à tout le moins, la pratique
des infiltrations et des manipulations partielles ou totales d’autres
maquis islamistes, les poussant à commettre des crimes abjects, pour
retourner contre eux, l’opinion des populations. De même qu’il a
confirmé la responsabilité du DRS et de ses commanditaires les terribles
massacres de masse des populations civiles, de Relizane à Raïs, en
passant par Bentalha ou Béni-Messous…etc., Sans oublie l’assassinat du
Président Boudiaf ; sans oublier les faux attentats terroristes de 1995 à
Paris, en « connexion » avec la DGSE ; sans oublier les pratiques
monstrueuses de la torture ou des enlèvements-liquidations-disparitions
de plus de 15.000 citoyens algériens. Ce dernier chiffre allait
d’ailleurs être reconnu par le général Khaled Nezzar lui-même,
complètement enfoncé, déstabilisé par sa confrontation, les yeux dans
les yeux avec M. Samraoui en pleine audience d’un Tribunal français,
lors du procès en ‘diffamation » (!) intenté par ce dernier contre l’ex
officier Habib Souaïdia, qui venait d’écrire de son côté « La Sale
Guerre » où il enfonçait un peu plus, les généraux putschistes algériens
et la redoutable machine de répression criminelle du DRS.
Pourquoi rappeler ces terribles évènements ?
Parce que j’ai appris comme beaucoup de citoyens algériens à travers
le Communiqué daté du 24 Septembre 2012, diffusé par le Front du
Changement National que l’épouse de M. Samraoui qui était entrée en
Algérie le 25 Août, munie d’un Document de voyage dûment délivré par
autorités allemandes et régulièrement revêtu du Visa de l’Ambassade
algérienne à Berlin – dans l’impossibilité où elle se trouvait d’avoir
son passeport algérien – a été empêchée de quitter le territoire
national par la Police de l’Air et des Frontières, le samedi 22
Septembre au moment où elle s’apprêtait à embarquer pour l’Allemagne
pour y aller rejoindre son époux et leurs quatre enfants, en ce début
d’année scolaire, après avoir séjourné un mois avec ses parents en
Algérie.
« »"En vertu de quoi Mme Samraoui devrait-elle être tenue pour
responsable des actes de son mari, si tant est que le fait d’être
opposant au régime constitue un crime ? »" s’interrogeait le Communiqué
du FCN, en se positionnant strictement sur le terrain du Droit.
Pour ma part, je voudrais ici, m’interroger sur un autre terrain :
celui de la presse algérienne. Comme l’ont fait avant moi, certains
intervenants sur le site « Le Quotidien d’Algérie », à propos du silence
lâche et sans état d’âme sur cette affaire, dans les colonnes de la
misérable presse dite « indépendante » dans notre pays
En effet, qu’il s’agisse d’Al Khabar ou d’El Watan, d’Echchorouk ou
de l’Expression du Soir d’Algérie ou autres Liberté – pour ne citer que
ceux-là – c’est motus et bouche cousue. Et pour cause ! L’ex-colonel
Samraoui est un pestiféré, un paria, un non-citoyen, pour avoir rompu la
loi de l’omerta sur les crimes de guerre commis durant la décennie
noire à travers l’effroyable machine répressive mise en place par les
généraux putschistes – les « dafs » – pour broyer le peuple algérien,
coupable à leurs yeux d’avoir fait le « mauvais choix » lors du scrutin
de Décembre 1991. Des généraux putschistes qui se sont comme
« souvenus » de leur vie antérieure, par un étrange avatar hérité en
droite ligne de leur passé de soldatesque, dans les rangs des troupes
coloniales, du temps où ils combattaient leurs propres frères en guerre
contre l’occupant français.
Quelle odieuse différence de traitement de l’information entre d’une
part, le tonnerre médiatique soulevé à Alger par l’arrestation à Genève
en Octobre 2011, du général Nezzar, arrêté à Genève et régulièrement
mis en cause pour faits de crimes de guerre par une Juridiction suisse
et d’autre part, l’acte de banditisme d’Etat commis contre Mme Samraoui,
empêchée de quitter le territoire national, sans qu’aucun mandat de
justice n’ait été émis à son encontre ?
Qui ne se souvient de ces grotesques éditoriaux patriotards à la
gloire d’un banal soudard – putschiste à l’occasion – et signés par
certains directeurs de rédaction jacasseurs et patriotards, en quête de
reconnaissance sonnante et trébuchante sous forme d’aides, de
subventions et autres contrats de publicité, distribués à l’aune de leur
degré de servilité, par un régime dont ne sait plus trop qu’est-ce
qu’il est le plus, corrompu ou corrupteur ?
Qui ne se souvient de cette floraison de « pétitions de soutien » en
faveur de ce faux héros, érigé en « sauveur de la république » alors
qu’il n’est prosaïquement qu’un misérable criminel de guerre désormais
aux prises avec la Justice d’un pays étranger. Des « pétitions »
commanditées par les Services et gonflées à loisir par le tout-venant,
pioché dans cette nébuleuse insondable qu’est ce demi-monde de ripoux
gravitant autour des « moukhabarate », et où la frontière est si mal
définie, entre l’intellectuel véreux, le politicien par accident, le
journaliste par défaut, l’affairiste par corruption ou le sycophante par
malédiction…
Non, décidément, ce régime n’apprendra jamais les leçons – j’allais
dire les gifles – du passé, même quand ce passé est relativement récent.
Il suffira de rappeler le rejet, en 2007, par la Justice espagnole, de
la demande d’extradition de M. Samraoui, remis en liberté trois jours
seulement après son interpellation en Espagne. Ou encore, plus près de
nous, du désaveu judiciaire cinglant en Juillet 2012, infligé au
gouvernement algérien par un Tribunal parisien, dans l’affaire de la
demande d’extradition du Dr Mourad Dhina. L’une comme l’autre affaire,
ayant clairement révélé à l’opinion publique nationale et
internationale, jusqu’où peuvent aller les forfaitures, les
falsifications et les mensonges d’un régime de non-droit en pleine
déliquescence et peu soucieux de l’image de notre pays à l’étranger ; un
régime acculé à une fuite en avant éperdue qui signe incontestablement
une peu glorieuse fin prochaine.
Post-Scriptum
: C’est au moment d’envoyer cet article, à la Rédaction de LQA que M.
Salah-Eddine Sidhoum m’a appris que Mme Samraoui a été enfin autorisée à
repartir en Allemagne pour y rejoindre sa famille. Tout en me
félicitant de cette bonne nouvelle, je maintiens telle quelle, la
rédaction de cet article qui dénonce le silence de notre pseudo presse
indépendante.
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