Le premier est la prise d’assaut de son consulat à Benghazi en
Libye, au cours de laquelle l’ambassadeur américain Christopher Stevens
et trois autres diplomates ont été tués. La seconde a été la décision de
l’OTAN de suspendre toutes les opérations conjointes avec les forces de
sécurité afghanes après une série de d’attaques internes [des soldats
afghans se retournant contre les armées occupantes].
Ce que ces deux événements ont en commun, c’est que les
États-Unis, sous George W. Bush, ont envahi l’Afghanistan pour « libérer
» ce pays des Talibans qui avaient fourni un refuge pour Al-Qaïda,
tandis que les États-Unis sous Barack Obama, sont intervenus
militairement afin de « libérer » la Libye de son dictateur corrompu,
Muammar al-Kadhafi.
La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a laissé paraître
le choc ressenti avec l’assassinat des diplomates en poste à Benghazi.
Elle ne pouvait pas comprendre comment cela pouvait se produire dans un
pays, que « nous avons aidé à libérer » et « dans une ville que nous
avons sauvée de la destruction ».
Peut-être que Mme Clinton n’a pas compris que ce qui a provoqué de
furieuses protestations partout dans les pays musulmans était un film
dégoûtant, made in USA, qui agresse et insulte plus d’un milliard et
demi de Musulmans partout dans le monde.
Christopher Stevens était au consulat américain à Benghazi parce
qu’il estimait qu’il serait plus en sécurité que dans Tripoli, où
l’ambassade est gardée par des milices armées à la loyauté incertaine.
En Afghanistan, les manifestants ont attaqué des bases militaires,
tuant six soldats, quatre Américains et deux Britanniques.
Mme Clinton ne comprendra jamais cet outrage ou les raisons qui en
sont à l’origine, tout simplement parce que tous ses renseignements sur
la région sont fournis par des instituts de recherche contrôlés par des
experts qui sont pro-Israël et qui ne présentent par conséquent aucun
aperçu objectif des faits. C’est la principale raison à l’origine des
nombreux échecs des administrations américaines successives au
Moyen-Orient, sans doute la région la plus importante pour les
États-Unis en termes d’intérêts stratégiques.
Onze ans après la première invasion de l’Afghanistan, l’OTAN a
décidé de modifier sa stratégie dans le pays, après avoir perdu toute
confiance dans les plus de 250 000 soldats afghans et agents de sécurité
formés pour un coût de 6 milliards de dollars. Les planificateurs de
l’OTAN se sont rendus compte que près de 25 pour cent de toutes les
attaques ciblant leurs troupes dans le pays, ont été lancées par ces
mêmes soldats et agents de sécurité.
Il s’agit d’un recul important pour l’OTAN, car cette organisation
voulait que ces forces afghanes supplétives prennent en charge toutes
les fonctions de sécurité en Afghanistan après le retrait de l’OTAN,
prévue pour 2014. Aujourd’hui, il n’y a pas de forces fiables auxquelles
l’OTAN puisse confier ces missions. Pas plus que l’Occident ne trouvera
un remplaçant plus sympathique à Karzaï, qui a annoncé qu’il ne se
présentera pas à de nouvelles élections.
Les Talibans peuvent désormais prétendre à la victoire sur l’OTAN,
une victoire acquise de haute lutte, et grâce à sa capacité
extraordinaire à planifier des attaques et à recruter des combattants au
sein même des troupes du gouvernement.
Les troupes occidentales en Afghanistan sont connues pour
consommer de la drogue, de sorte qu’il n’est peut-être pas surprenant
qu’elles n’aient pas réussi à accomplir la mission qui leur était
confiée par leurs bailleurs de fonds. L’armée américaine elle-même a
révélé que huit soldats américains sont morts d’une surdose d’héroïne en
2011, tandis que 56 ont été arrêtés pour trafic d’héroïne et que 113
ont été reconnus positifs lors de tests aléatoires pour détecter l’usage
d’héroïne ou de morphine. Les officiels reconnaissent que l’usage de
drogues est en hausse parmi toutes les troupes de l’OTAN.
Il est déconcertant que l’administration américaine ait pu
s’attendre à ce que l’armée afghane nouvellement créée soit loyale
envers les États-Unis. Le président Barack Obama a annoncé que les
troupes de l’OTAN se retireront en 2014, alors pourquoi les soldats
afghans commenceraient-ils à se battre avec les Talibans, leurs
compatriotes venues des tribus pachtounes qui représentent près de la
moitié de la population, et qui devraient reprendre les rênes du pouvoir
une fois l’OTAN partie ?
Et considérez seulement la conduite de ces troupes de l’OTAN...
Pourquoi les soldats afghans respecteraient-ils des soldats qui urinent
sur les cadavres de combattants Talibans tués ou mettent en pièces des
copies du saint Coran ? Les soldats afghans sont-ils susceptibles
d’oublier le soldat américain qui a quitté sa base dans la nuit pour
aller massacrer 18 personnes dans un petit village - la plupart des
victimes étant des femmes et des enfants - puis verser de l’essence sur
leurs cadavres, y mettre le feu et regarder leur corps se consumer tout
en fumant sa cigarette ?
L’OTAN est allé en Afghanistan avec une offensive au sol et
aérienne massive pour se débarrasser d’Al-Qaïda et de leurs alliés, les
Talibans. Le résultat final de cette guerre, c’est que les groupes
d’Al-Qaïda ont en fait augmenté, et que les Talibans sont le prochain
régime au pouvoir en Afghanistan.
On se demande qui sont les génies qui ont convaincu les membres de
l’OTAN d’aller se promener dans cet enfer afghan, où aucune puissance
étrangère n’a jamais réussi à rester ni s’en retourner victorieuse
depuis des centaines d’années ? Inutile de dire qu’ils se trouvent dans
les centres d’études néo-conservateurs qui ne se soucient que de leur
loyauté envers Israël.
Il y a quelques signes avant-coureurs selon quoi les États-Unis
déploieront des avions militaires et des troupes terrestres en Libye
dans le but de se venger de la mort de leurs diplomates. Si ces
informations sont exactes, ce seront alors de bonnes nouvelles pour les
djihadistes qui savent que les efforts américains pour se venger sur
al-Qaïda après les attentats du 9/11 ont entraîné la dépense de plus de
500 milliards de dollars en Afghanistan et le double de cette somme en
Irak.
Les États-Unis ont à juste titre gagné la haine des Arabes et des
Musulmans en raison de leur soutien à des régimes dictatoriaux dans la
région et de leur extrême partialité en faveur Israël. Ils ont encore
accumulé plus de haine dans la région après le Printemps arabe, car ils
n’ont pas changé de stratégie.
Mme Clinton, avec les néo-conservateurs qui lui fournissent des
rapports qui ne servent que les intérêts d’Israël, a besoin de prendre
des cours d’histoire et de géographie du Moyen-Orient, afin d’éviter de
nouveaux déboires comme le choc de Benghazi. Si elle veut vraiment
apprendre la vérité, nous sommes plus que disposés à lui fournir des
enseignants honnêtes.
* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du
quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à
Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les
plus pertinents de toute la presse arabe.
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