Un raïs égyptien islamiste et… sans pouvoirs
lesoir.be
BAUDOUIN LOOS
lundi 25 juin 2012,
Depuis dimanche, c’est officiel, les Egyptiens ont élu le premier
président islamiste de l’histoire du monde arabe, cela alors que leur
précédent « raïs », l’ex-dictateur Hosni Moubarak, croupit en prison.
A-t-on donc assisté en direct au triomphe de la démocratie égyptienne
naissante après la révolution de 2011 ? Non, hélas ! Juste à une funeste
pantalonnade. Ce sombre constat s’impose. Mohamed Morsi, c’est vrai,
deviendra le 30 juin prochain le premier président égyptien issu de la
mouvance islamiste ; il est lui-même un pur produit de la confrérie des
Frères musulmans. Et il y a une certaine logique dans son succès : aux
élections législatives de novembre 2011 à janvier 2012, la mouvance
islamiste avait conquis… 70 % des sièges en jeu.
Mais des événements se sont succédé depuis quelques semaines, qui ont
fait basculer l’Egypte dans la plus grande incertitude. Les juges,
notamment de la Cour constitutionnelle, tous nommés durant l’ère
Moubarak, ont pris des décisions très graves, sous le prétexte d’un
juridisme pointilleux. La principale n’est autre que la dissolution
annoncée d’autorité du premier parlement élu démocratiquement.
Les militaires ont saisi l’opportunité – s’ils ne l’ont pas suggérée…
– pour s’emparer de tous les pouvoirs. Désormais, le Conseil supérieur
des forces armées, une petite vingtaine de généraux qui délibèrent en
toute opacité, jouit de toutes les prérogatives, ils ont du reste déjà
décrété que le prochain président serait dépourvu des principaux
attributs décisionnels.
Que va faire Mohamed Morsi de ce cadeau empoisonné ? On peut
conjecturer qu’il va tenter de mettre sur pied un gouvernement d’union.
Mais il y a gros à parier que peu de monde voudra aider les Frères
musulmans, qui ont montré ces dix-sept derniers mois un appétit vorace
donc choquant pour le pouvoir.
Morsi risque d’être saboté par « l’Etat profond », comme on dit en
Egypte : les services de sécurité, l’armée, la bureaucratie, tous voués à
son échec. Si ce scénario se précise, il devra vite démissionner pour
ne pas tomber dans le piège d’être ensuite pointé du doigt comme le
responsable de tous les maux de l’Egypte alors qu’en fait la réalité du
pouvoir lui échappe…
Enregistrer un commentaire