ELWATAN-ALHABIB
mercredi 30 mars 2011
 

C’est à Israël qu’il

faut s’en prendre, pas

à la Libye !





Le 9 avril 1986 Ronald Reagan a appelé Muammar el Kadhafi le "chien enragé du Moyen-Orient". Aujourd’hui, après la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne, une guerre fait rage dans le but de le renverser.

Stephen Lendman - Dissidente



Stephen Lendman
Mercredi 30 Mars 2011

Gaza sous les bombardements israéliens. Curieusement, quand il est question des Palestiniens, les puissances occidentales ne parlent jamais de "protéger les civils" ou de "no-fly zone"...
Gaza sous les bombardements israéliens. Curieusement, quand il est question des Palestiniens, les puissances occidentales ne parlent jamais de "protéger les civils" ou de "no-fly zone"...

Cela fait des dizaines d’années qu’il dirige en despote, punissant ses ennemis, récompensant ses amis. Ses jours sont sans doute comptés désormais. Washington ne renoncera pas à le faire partir, peu importe le nombre de morts que cela prendra pour atteindre cet objectif.

Il y a cependant un danger bien plus grand qui menace la région, à savoir la machine de guerre israélienne basée à Jérusalem. En dehors du fait que ce pays occupe illégalement la Palestine, qu’il brutalise les Palestiniens, qu’il persécute les Arabes israéliens, qu’il menace et attaque ses voisins, il est depuis toujours déterminé à diviser la région pour la contrôler.

De fait, son projet cauchemardesque consiste à découper les nations arabes en de petits états -les balkaniser en somme, suivant des critères ethniques et sectaires pour en faire des satellites d’Israël, des satrapes faciles à contrôler. L’idée vient du système des Millets de l’empire ottoman par lequel les autorités locales gouvernaient séparément chaque communauté religieuse avec son identité ethnique donnée.

La conquête du Golan par Israël en 1967 suivait ce plan. Les invasions du Liban de 1978 et 1982 faisaient aussi partie du projet d’affaiblir, de fragmenter, de diviser et de reconfigurer les états de la région sous le contrôle israélien en les attaquant de manière préventive.

Hélas, au lieu de sanctionner Israël, d’exiger qu’il mette fin au siège de Gaza et d’imposer une zone d’exclusion aérienne pour empêcher ses attaques aériennes régulières et ses attaques au sol, Washington, le trésorier et partenaire d’Israël, le fournit généreusement en armes et en fonds, se mettant de ce fait au service de sa machine de guerre sans foi ni loi.

Ce qui fait qu’Israël est devenu une sorte de Sparte moderne ; Le pays est capable de mobiliser plus de 600 000 combattants en 72 heures, il est équipé d’armes nucléaires et autres armes de pointe et il bénéficie du soutien inconditionnel de l’occident quoiqu’il fasse. De plus, pour atteindre son but, il n’hésite pas à endoctriner les jeunes israéliens pour en faire des guerriers dans un processus qui prépare les mineurs à leur future service militaire obligatoire.

On leur enseigne que la force et la guerre sont les meilleurs moyens de résoudre les problèmes politiques. Cela leur est martelé tout au long de leur éducation, y compris par des soldats en uniforme dans les salles de classe. De plus, les enseignants, et surtout les directeurs, sont des officiers de l’armée à la retraite et sur les murs de l’école, les noms et des photos des héros tombés au combat se mêlent aux noms des diplômés. Qui plus est, des sorties scolaires sont organisées sur les anciens champs de bataille ou dans les mémoriaux, à tous les âges.

Les programmes et les livres de classe reflètent aussi le militarisme ambiant ; du jardin d’enfants jusqu’au lycée, dans toutes les écoles publiques, les enfants suivent des cours obligatoires appelés "préparation à l’IDF" (Forces de défense israéliennes). Ces cours comprennent de l’entraînement physique ainsi que la glorification des héros et des conquêtes militaires, en même temps qu’ils vilipendent les Arabes et incitent les enfants à les haïr.

Ils apprennent tout cela dès leur plus jeune âge et cette empreinte indélébile les prépare à devenir des conscrits, à se battre puis à passer tout le reste de leur vie à soutenir l’armée. De fait, en élevant des enfants dans une atmosphère de violence et d’hostilité, on les conditionne à faire la guerre contre tous ceux qu’on leur désigne comme des ennemis que cela soit vrai ou non.

En conséquence les Palestiniens souffrent horriblement sous le joug d’une armée d’occupation impitoyable qui se livre à des violence journalières telles que assassinats ciblés, arrestations de masse, vol des terres, transferts de population, torture, qui paupérise et prive de travail les populations et qui viole leurs droits élémentaires et leurs droits humains, surtout à Gaza assiégé où le peuple est victime d’un génocide au ralenti à force de manquer de tout.

De plus Israël ne cesse de faire des incursions à Gaza et d’attaquer les Palestiniens en toute impunité. Les USA n’expriment pas la moindre critique à son égard et encore moins de condamnation ; Ils n’appellent pas non à des sanctions, à l’isolement, ni à une zone d’exclusion aérienne pour empêcher de nouveaux assauts aériens ou terrestres contre Gaza.

Et donc, rien que pendant la période du 10 au 16 mars, les frappes aériennes israéliennes ont tué deux travailleurs palestiniens, en ont blessé deux autres et ont détruit trois bâtiments civils. D’autres Gazaouis, des fermiers, des pécheurs et des civils ont aussi été pris pour cible.

De plus les Israéliens ont attaqué les manifestations pacifiques de Cisjordanie aux gaz lacrymogènes et on tiré des balles en caoutchouc. Ils ont arrêté deux militants internationaux des droits de l’homme et ont fait 47 incursions différentes dans des communautés palestiniennes qui se sont soldées par 66 arrestations dont six enfants.

Le 17 mars, avec l’accord du gouvernement, les colons se sont déchaînés contre les Palestiniens au cours d’une "journée de la colère" en représailles du meurtre récent d’une famille de colons, bien qu’il n’y ait aucune preuve que des Palestiniens aient commis ce crime.

Les colons ont attaqué des Palestiniens à coup de pierres et de cocktails Molotov et ont lancé une bombe incendiaire sur une maison. De plus, quatre voitures et un tracteur ont été brûlés et sept autres véhicules endommagés. Ils ont blessé d’autres personnes et des colons armés et des soldats israéliens ont arraché des centaines d’oliviers près de Bethléem.

Le 14 mars un Palestinien a été tué d’un coup de couteau, un magasin a été incendié et des voitures ont été détruites à coup de pierres près de Hébron. Le 20 mars une petite fille de onze ans a été écrasée en allant à l’école.

De plus Israël a annoncé la construction de 500 nouvelles maisons dans les colonies et intensifié la destruction de maison palestiniennes suite aux meurtres, en dépit du fait que rien ne prouve qu’ils aient été perpétrés par des Palestiniens.

Le 21 mars, lors d’attaques aériennes les Israéliens ont bombardé des sites civils de Gaza, blessant 15 civils y compris deux femmes et deux enfants. Des douzaines de maisons, sept magasins, plusieurs voitures, un bâtiment municipal, un atelier métallique et une station de recyclage du plastique ont été partiellement ou totalement endommagés.

Le 22 mars, d’autres attaques ont fait quatre morts dont deux enfants, et onze blessés dont 8 enfants (trois d’entre eux gravement). Des membres des brigades el Quds ont aussi été pris pour cible près de la mosquée de Abdul Aziz al-Rantisi à l’est de Gaza, et quatre personnes ont été tuées.

Le 24 mars, des avions de guerre israéliens ont mené deux autres attaques ; ils ont pris pour cible une centre d’entraînement de la ville de Rafah et l’ont fortement endommagé, sans faire de morts ni de blessés. De plus, selon l’agence de presse SAFA, des attaques aériennes ont touché un tunnel à l’est de la porte Salah Al-Din de Rafah. Quatre missiles ont été tirés sur un site militaire du Hamas au sud de la ville de Gaza et des attaques israéliennes ont détruits les câbles d’alimentation électrique dans plusieurs quartiers.

La radio israélienne a affirmé que Gaza avait envoyé des roquettes et des bombes à mortier et qu’ils n’avaient fait que répliquer. Le Jihad Islamique a revendiqué ces attaques en disant qu’il avait agi "en représailles contre les attaques incessantes d’Israël". Le Hamas a déclaré qu’il s’engageait à respecter le cessez le feu à condition qu’Israël cesse d’attaquer Gaza. Sinon il considérait qu’il avait le droit de se défendre.

Selon le International Middle East Media Center, (centre médiatique du Moyen Orient) :

"Les politiciens israéliens seraient en train de réfléchir à une escalade supplémentaire qui pourrait être une second "Cast lead". Etant donné la guerre de Washington en Libye qui s’ajoute à celles d’Irak, d’Afghanistan et du Pakistan et les nombreux soulèvements arabes, une offensive israélienne semble peu probable. Mais elle se produira peut-être plus tard, à un moment plus opportun.

Doit-on s’attendre à d’autres guerres ?

Le plus souvent Israël profite de provocations réelles ou fabriquées pour donner libre cours à sa violence ou déclarer la guerre. En fait, l’attentat du 23 mars à Jérusalem aurait pu être utilisé de la sorte si une attaque d’envergure avait été à l’ordre du jour. L’incident à l’arrêt de bus bondé a tué une personne et en a blessé une trentaine, dont trois gravement. Selon Haaretz il s’agissait probablement d’un engin explosif "caché dans un sac près du téléphone". Le 24 mars, Ma’an News a dit que la police israélienne resterait "en état d’alerte maximum" suite à cette attaque. Un officiel anonyme a déclaré que "les autorités savaient qui était derrière" l’attentat : les suspects habituels sans aucun doute.

Cela fait bientôt 44 ans que des incidents similaires et d’intenses conflits sporadiques jalonnent la vie quotidienne de la Palestine occupée. Cela témoigne de la brutalité et de la violence israéliennes, mais au lieu de les condamner et d’exiger qu’il y soit mis fin, Washington les récompense généreusement tout en attaquant lui-même à des fins impérialistes tous ceux qui lui en donnent l’occasion comme Kadhafi.

Ce sont toujours les civils innocents qui souffrent le plus, surtout les femmes et les enfants qui sont les principales victimes de la guerre et de la violence ; ce sont des victimes ignorées, qui n’ont pas de valeur et qui n’intéressent personne et que les medias dominants, qui soutiennent les massacres et les destructions impérialistes, ne mentionnent jamais.

Tout ceci fait que des milliers de Palestiniens sont prêts à lancer une troisième Intifada, galvanisés par les autres soulèvement pour un changement démocratique dans la région. Au début de mars, une nouvelle page de Facebook a été créée pour la promouvoir avec comme slogan :" La Palestine sera libérée et nous la libérerons."

En quelques jours, la page a enregistré 140 000 "j’aime" avec un million comme but, et le rythme se maintient et en en attend encore beaucoup d’autres - c’est une vague de fond qui aura raison de l’occupation et qui apportera à ce peuple opprimé la fin de l’occupation et le changement démocratique qui lui ont si longtemps été refusés. Le changement viendra parce qu’il est le fruit de l’énergie populaire, mais ce ne sera pas facile ni rapide et les Palestiniens auront à supporter encore beaucoup de souffrances.

Un dernier commentaire

Depuis le 22 mars, les Palestiniens ont deux raisons supplémentaires d’agir car la Knesset a passé deux lois discriminatoires. La première s’appelle la loi sur l’acceptation dans les communautés et elle autorise les petites communautés juives de Galilée et du Negev à avoir des comités d’admission racistes qui excluent les résidents arabes ou les personnes indésirables pour d’autres raisons des communautés qui vivent sur des terres confisquées aux Palestiniens.

L’association pour les droits civils en Israël (ACRI) a dit que le vote de cette loi "inscrirait la discrimination et l’apartheid dans la loi israélienne" grâce à des critères vagues comme la nécessité de "correspondre au style de vie de la communauté" ou de "correspondre au tissu social" ce qui signifie en clair qu’on n’acceptera pas les Arabes ; et peut-être pas non plus les pères ou mères célibataires, les handicapés, les couples du même sexe, les juifs d’origine orientale bref toute personne que l’on considérera comme indésirable.

On appelle l’autre loi, la Loi de la Nakba bien que son nom officiel soit la Loi des Principes Budgétaires (amendement 39) : la réduction des subventions budgétaires aux activités contraires aux valeurs de l’état, qui permet au ministre des finances d’infliger des amendes aux municipalités et aux institutions publiques passibles de :
- soutenir publiquement des organisations commémorant la Nakba, le jour de l’indépendance d’Israël ;
- s’opposer au terme "état juif démocratique" ou
- manquer de respect aux symboles de l’état.

Selon ACRI "cette loi limite dangereusement la liberté d’expression, la liberté de l’expression artistique et la liberté de manifester qui sont des droits élémentaires essentiels à l’existence même de la démocratie."

Il est clair qu’Israël n’est pas une démocratie et n’en a jamais été une, puisque seuls les Juifs y ont des droits et d’ailleurs de moins en moins, sauf pour les plus privilégiés comme aux USA. La plupart des gens sont plus que jamais livrés à leurs propres ressources. Les médias des deux pays minimisent cet état de fait, quand ils en parlent.





(JPG)





* Stephen Lendman habite à Chicago. On peut le contacter à lendmanstephen@sbcglobal.net et sur [sjlendman.blogspot.com]. Il anime des émissions d’avant garde sur the Progressive Radio News Hour sur the Progressive Radio Network.

Dissident Voice - Pour consulter l’original :

http://dissidentvoice.org/2011/03/t...
Traduction : Dominique Muselet

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=10389 http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=10389

 
mardi 29 mars 2011
 

Folle étreinte à Benghazi
La philosophie, c’est la guerre

Par Henri-Bernard L.

Pour ceux qui en doutaient, il n’y a pas qu’au niveau intellectuel que je sois bien membré… Benghazi, mon amour. Tandis que la nuit étend sa nappe étoilée sur les tables de la Brasserie Lipp, je repense à notre folle étreinte. Te souviens-tu comme, alors, tu criais mon prénom dans la nuit cyrénaïque, enfiévrée de désir, pendant qu’au loin résonnaient les mortiers de l’infâme tyran ? La clameur était si forte qu’on eût dit que le Maghreb tout entier avait décidé de me rendre hommage à l’unisson ! Henri-Bernard ! Henri-Bernard ! Henri-Bernard !

Benghazi, perle de la côte. J’ai pris ta virginité. Avant moi, tu n’avais connu que le panafricanisme rétrograde et la répression féroce du tyran, la barbarie musulmane et son cortège de lapidations… Je t’ai initiée aux jeux démocratiques et à leur mille et une positions. Le sarkozysme et son souffle émancipateur. Les Mirage 2000, les Rafale, les Awacs, les zones d’exclusion aérienne… J’entends encore ton râle impudique, au moment où le feu humaniste de l’aviation française faisait éclore les bourgeons du printemps libyen. Sur la couche de ma suite, à l’hôtel Tibesti, où je t’entreprenais sauvagement de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, ton expression maladroite de reconnaissance ne faisait qu’attiser mon désir. Dix fois, cent fois tu as atteint, dans mes bras, l’orgasme libérateur.

Au matin, je t’ai laissée, chancelante, humide, dans un état extatique que seules, jusque-là, Kaboul et Sarajevo avaient connu. Lorsque tu t’es couchée sur le sol pour me baiser les pieds, je t’ai fait signe de te relever. "– Benghazi, je t’en prie. Reste digne. Je n’ai fait que mon job. N’oublie pas qu’à travers ma personne, c’est la France qui t’a fait hurler de plaisir. Mes étreintes ont laissé sur ta peau l’empreinte de l’Élysée". Comme je dis toujours, "l’art de la philosophie ne vaut que s’il est un art de la guerre…" Je ne sais plus si c’est Sun Tzu ou Pinochet qui a dit ça, mais je me dois de saluer sa lucidité. Depuis près de quarante ans que je philosophe, j’ai semé la guerre un peu partout. C’est plus fort que moi : dès que je débarque dans un 5 étoiles à l’étranger, il faut que j’appelle l’Élysée ou l’état-major des armées pour qu’ils envoient l’aviation. C’est mon côté philosophe engagé. Engagé dans la guerre. Enfin pardon : dans l’art de la guerre. C’est pas pareil. L’art de la guerre, c’est un peu comme la guerre, mais en Business Class.

Une fois mon devoir accompli, j’ai repris mes quartiers dans un autre hôtel – c’est mon côté grand reporter. Le mien. Pas un 5 étoiles, un hôtel particulier germanopratin. La vie parisienne me semble bien morne, comparée à l’effervescence de Benghazi. Là bas, j’étais un héros national. Ici, me voici redevenu Henri-Bernard L. HBL, comme ils disent. Une idole, certes. Mais ici, point de mortiers. Rien que la paix, autant dire l’ennui.

Ça me déprime, tiens ! Je crois que je vais aller passer quelques jours dans mon riad marrakchi pour me changer les idées. Là-bas, je suis au repos. La révolution des masses arabo-berbères opprimées par une monarchie d’un autre temps, soumises à un islam rétrograde, n’est pas dans mon calendrier philosophique. Ça n’arrange pas l’Élysée. Après mon idylle incandescente avec Benghazi, c’est pas pour être vulgaire, mais ça me donne un peu l’impression d’aller aux putes.

henribernard.wordpress.com

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Internet ne peut pas être contrôlé, autant s’y faire

Par Laurent Chemla

Plus que jamais, à l’heure où j’écris ces lignes, Internet est la cible des critiques du pouvoir. Il serait responsable de toutes les dérives, de toutes les ignominies, il nous ramènerait aux pires heures de notre histoire et serait le lieu de toutes les turpitudes. Bon. Depuis longtemps, je dis qu’il est normal - de la part de ceux qui disposaient de l’exclusivité de la parole publique - de s’inquiéter de l’avènement d’un outil qui permet à tout un chacun de s’exprimer. Pas de quoi s’étonner, dès lors, des attaques furieuses que subit le réseau.

Tant qu’il ne s’agit que de mots… Oh bien sûr, le législateur étant ce qu’il est, il tente souvent d’aller au delà des mots. Il fait aussi des lois. C’est son métier. Or donc - sans volonté d’exhaustivité - nous avons vu depuis 1995 un certain nombre de tentatives de « régulation », de « contrôle », voire même de « domestication ». Il y a eu la loi Fillon, la commission Beaussant, la LCEN, la DADVSI, la LSI, la LSQ, et plus récemment HADOPI et LOPPSI. Beaucoup d’acronymes et de travail législatif pour un résultat plus que mince : ce qui n’a pas été retoqué par le Conseil Constitutionnel s’est toujours avéré inapplicable.

La seule chose qui reste, c’est le principe d’irresponsabilité pénale des intermédiaires techniques (LCEN). Grand succès ! On pourrait imaginer que le pouvoir apprendrait quelque chose d’une telle suite d’échecs. On pourrait penser, par exemple, qu’il mesurerait le risque de vouloir créer des lois d’exceptions selon qu’on s’exprime sur Internet ou ailleurs. Que nenni : aujourd’hui encore, j’apprends qu’une député vient de se ridiculiser en proposant d’encadrer le journalisme « en ligne ». J’ai hâte. On en rigole d’avance. Mais qu’est qui rend Internet si imperméable à ces tentatives réitérées de contrôle ?

J’y vois (au moins) quatre raisons majeures : La première (dans tous les sens du terme) est historique. À la demande de l’armée américaine, qui souhaitait trouver une parade au risque d’une attaque nucléaire contre son réseau de télécommunication, Internet a été inventé à la fin des années 1960 (dans l’Amérique de Woodstock et de la lutte contre la guerre du Vietnam) par de jeunes universitaires qui rêvaient d’un monde dans lequel l’accès à un réseau mondial de communication serait un droit pour tous (pour que son impact social soit positif). [1]

À l’époque de Mac Luhan, les bases théoriques du futur réseau sont toutes influencées par l’utopie du « village global » et teintées d’idéologie libertaire. Le principe selon lequel la rédaction d’une RFC (texte définissant un des standards d’Internet) doit être ouverte à tous, scientifique ou non - et son contenu libre de droit - est adopté en avril 1969. Quoi d’étonnant dès lors si le résultat est un réseau presque entièrement décentralisé et non hiérarchique ? Après tout, c’est bien ce que l’armée américaine avait demandé à ses jeunes ingénieurs : un réseau centralisé est facile à détruire (il suffit d’attaquer le centre).

Tout ce qui est facile à contrôler est facile à détruire.
Internet est difficile à détruire.
Donc Internet est difficile à contrôler.

Il faudrait, pour qu’Internet soit plus aisément « domestiquable », que ses bases théoriques mêmes soient revues (à l’exemple du Minitel pour lequel l’émission de contenus était soumise à l’approbation préalable de France Telecom). Mais comment démanteler l’existant et interdire l’utilisation d’une technologie ayant fait ses preuves à tous ceux qui l’ont adoptée depuis des années ? Et surtout - c’est la seconde raison qui fait d’Internet un bastion dont la prise semble bien difficile - le réseau est international. On peut, même si c’est difficile à envisager, imaginer qu’un pays impose à ses citoyens l’usage d’une technologie « contrôlée » plutôt qu’une autre, trop permissive. Mais quel pouvoir pourrait faire de même à l’échelle du monde ?

Et comment, dès lors qu’il existerait ne serait-ce qu’un seul endroit dans le monde qui protège la liberté totale de communication (comme c’est le cas depuis peu de l’Islande), empêcher les citoyens et les entreprises du monde entier d’exporter dans ce lieu une communication désormais dématérialisée ? Pour y parvenir, il faudra non seulement pouvoir contrôler tel ou tel réseau imaginaire, mais aussi réussir à interdire toute communication internationale… Mission impossible. Et puis, comment imaginer la fin des « paradis numériques » dans un monde qui n’a jamais réussi à obtenir celle des paradis fiscaux ?

Internet est supranational.
Il existera toujours des paradis numériques.
Donc l’information ne pourra jamais être contrôlée.

D’autant plus - et c’est la troisième raison majeure qui rend dangereuse toute tentative de contrôle des réseaux - qu’Internet est devenu désormais une source de croissance non négligeable. Une croissance qui dépend d’une législation pérenne et qui surtout va faire l’objet d’une concurrence effrénée entre les pays. On n’imagine pas aujourd’hui une grande entreprise, telle que Google ou Facebook, avoir son siège social dans un pays dont la fiscalité n’est pas, disons, encourageante. Comment imaginer que demain une entreprise innovante, source d’emplois et d’impôts, se créera dans un pays dont la législation imposerait un contrôle trop strict de l’information diffusée ?

Tout contrôle nécessite une infrastructure plus chère, tant humaine que technique. Il va de soi qu’une entreprise capitaliste choisira plutôt, si elle a le choix, le pays d’accueil dont la législation numérique sera la plus laxiste, qui récupérera du coup les emplois et les impôts (et je ne dis pas que c’est bien : je dis juste que c’est dans ce monde là qu’on vit). Et même avant d’en arriver là : imaginons qu’un pays impose le filtrage à la source de tout contenu illégal (en passant outre la difficulté technique inhérente). Quel entrepreneur de ce pays osera se lancer dans un nouveau projet novateur, sachant qu’il sera immédiatement copié par un concurrent vivant, lui, dans un paradis numérique et qui ne sera pas soumis aux mêmes contraintes ?

Internet est solide, c’est vrai, mais l’innovation reste fragile, et est souvent l’œuvre de petites structures très réactives et pécuniairement défavorisées. Les lois votées à l’emporte-pièces sans tenir compte de cette fragilité-là sont autant de balles tirées dans le pied de la société toute entière.

La concurrence est mondialisée.
Une législation de contrôle coûte cher.
Donc les lois de contrôle d’Internet sont source de délocalisation.

Malgré tout il existe bel et bien des règles de vie supranationales et qui s’imposent à tout pays se voulant un tant soit peu démocratique. Mais si. Je vais citer ici l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Lisez-la bien : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Elle a été rédigée en 1948. Bien avant Internet, même si à la lire on a l’impression qu’elle a été écrite spécialement pour lui. Car en effet, il n’existait pas grand chose, avant Internet, pour « recevoir et répandre sans considération de frontière les informations et les idées ». Il faut croire que ses rédacteurs étaient visionnaires…

Comment s’étonner, à la lecture de cet article, du nombre de censures que notre Conseil Constitutionnel a opposé aux diverses velléités de contrôle que le pouvoir a tenté d’imposer depuis 15 ans ?

Le droit de recevoir et diffuser de l’information est inaliénable.
Internet est à ce jour l’unique moyen d’exercer ce droit.
Donc tout contrôle d’Internet risque d’être contraire aux droits de l’homme.

Sauf à s’exonérer des grands principes fondamentaux, et donc à vivre dans une société totalitaire, le contrôle ou le filtrage d’Internet se heurtera toujours à la liberté d’expression. Les états peuvent l’accepter, et à l’instar de l’Islande décider d’en profiter, ou refuser de le voir et, à l’instar de la France, se heurter sans cesse à un mur en essayant encore et encore de réguler ce qui ne peut l’être. Historiquement, techniquement, économiquement et moralement, Internet ne peut pas être contrôlé. Autant s’y faire.

framablog.org

[1] J.C.R Licklider et Robert Taylor, The Computer as a Communication Device in Science and Technology, April 1968

 
jeudi 24 mars 2011
 

L’Irakisation de la Libye : le Monde arabe en miettes




Chems Eddine CHITOUR


« Un jour, deux bandits sont entrés dans le palais d’Été. L’un a pillé, l’autre a incendié. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres ; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits. Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. »
Victor Hugo (Lettre au capitaine Butler)

17 mars, une date à retenir. Ce jour-là, un pays arabe, en l’occurrence, la Libye, est entré dans l’engrenage de la partition, lâché par les siens, il fait l’objet d’une curée savamment préparée depuis plusieurs mois pour s’emparer de richesses pétrolières (2 à 3 fois celles des Etats-Unis). Comme en Irak, le scénario est bien rôdé, il s’agit cette fois, de protéger les Libyens contre El Gueddafi. Après l’Irak, après la Somalie, après le Soudan voici le tour de la Libye. Nous ne devons nous en prendre qu’à nous-mêmes car si l’impérialisme vient au secours des dissidents qu’il a créés c’est que les potentats arabes n’ont jamais voulu de l’alternance. L’Islam a bon dos d’être défendu par des bras cassés qui en fond de commerce pour se maintenir au pouvoir se réfugiant dans la fatalité en acceptant leur sort sans se battre et sans aller vers la science et la technologie.

Pour l’histoire, la France et la perfide Albion (l’Angleterre) sont de toutes les expéditions guerrières contre les Etats faibles. En 1856, ils attaquent l’Empire ottoman ; prétexte : protéger les minorités chrétiennes. Ensuite, en octobre 1860, ce fut l’attaque de la Chine décrite d’une façon saisissante par Victor Hugo : 1917, le dépeçage de l’Empire ottoman par les sinistres accords Sykes-Picot. En 1956 la France attaque avec son vieux complice de toujours, l’Angleterre, et Israël, l’Egypte. En 1991 elle est dans la coalition contre l’Irak. En 2008, elle est en Afghanistan. Une seule fois elle s’était opposée à l’aventure irakienne de Bush, en vain. La France du président Sarkozy prend la tête d’une croisade - dixit El Gueddafi - contre un potentat arabe, El Gueddafi, au pouvoir depuis 42 ans.

Les réticences du Monde

« Il faut savoir que mis à part les pays occidentaux (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France,) les 90% de la planète ne sont pas d’accord avec les frappes. Pour l’Union africaine, la coalition américano-européenne a mis à exécution sa déclaration de guerre à la Libye, en effectuant plusieurs frappes maritimes et aériennes sur le pays, faisant une cinquantaine de morts et près de 200 blessés parmi la population, en application de la résolution 1973 de l’ONU recommandant « des mesures de protection des civils libyens » . La France, qui fait de cette offensive une affaire personnelle, appuyée par les Etats-Unis et la Grande- Bretagne, a fait entériner samedi à Paris cette intervention lors d’une réunion de l’Union européenne et de la Ligue arabe, au mépris de la position de l’Union africaine qui entend privilégier la voie diplomatique et appelle à l’arrêt immédiat des hostilités. En effet, la coalition américano- européenne semble avoir décidé de prendre de court le panel africain sur la Libye, formé par l’Union africaine et qui se réunissait ce même samedi à Nouakchott, capitale mauritanienne, pour faciliter un dialogue inclusif entre les différentes parties, sur les réformes nécessaires. » (1)

De même, rapporte le Nouvel Obs, « l’intervention militaire lancée samedi 19 mars en Libye est loin de faire l’unanimité au sein de la communauté internationale. Les Brics prudents, les grandes puissances émergentes se sont ainsi fait remarquer par leur refus de toute ingérence. La Russie appelle, dimanche, la coalition internationale à cesser de recourir à la force de manière "non-sélective" et de faire ainsi des victimes civiles. La résolution de l’ONU a été "adoptée à la hâte", avait regretté plus tôt Moscou. "Il faut rapidement arrêter les effusions de sang et que les Libyens entament le dialogue", a déclaré samedi le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères. » (2) « Pékin "exprime ses regrets concernant les attaques militaires contre la Libye", indique un communiqué. "Nous espérons que la Libye peut rétablir la stabilité aussi vite que possible et éviter de nouvelles victimes civiles liées à l’escalade d’un conflit armé". Et l’Inde qui "regrette" dimanche 20 mars les frappes aériennes de la coalition, et "considère avec une grande inquiétude la poursuite de la violence, des conflits et la détérioration de la situation humanitaire en Libye". "Il n’y a aucun doute que les intérêts représentent le motif essentiel de cette action militaire, le pétrole en est le carburant", écrit le quotidien qui dénonce les "aspects politiques et coloniaux" de l’intervention. Au Venezuela, Hugo Chavez s’est montré particulièrement offensif jugeant "irresponsable" l’intervention armée. La Turquie demande un réexamen des plans que l’Otan prépare depuis des semaines pour la Libye, jugeant que l’intervention armée de la coalition change la donne, rapportent des diplomates de l’alliance. Même La Haut-Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, a refusé de reconnaître le CNT (Conseil national de transition) et s’oppose à la zone d’exclusion aérienne.

Pour l’universitaire allemande, Annette Kaiser, l’Allemagne est réfractaire aux politiques d’interventions militaires communes. Et elle s’est prononcée contre une opération en Libye et contre l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. On ne peut jamais être certain de ne pas déclencher une guerre civile. (...) On se pose aussi des questions sur la vraie raison de l’intervention en Libye. A-t-elle vraiment lieu au nom des droits de l’homme ? Dans ce cas, pourquoi choisir la Libye ? Et pas la Côte d’Ivoire ? Le Zimbabwe ? Il est de notoriété publique que les Etats ne mettent en branle leur puissance militaire que quand leurs intérêts directs sont en jeu...Ce n’est pas les gentils d’un côté et les méchants de l’autre...Depuis l’Allemagne, nous estimons que Sarkozy règle aussi des problèmes de politique intérieure avec la crise libyenne. Son taux de popularité catastrophique dans les sondages, le jeu trouble de la France lors des révolutions tunisienne et égyptienne... La Libye, c’est aussi une belle occasion d’apparaître comme un défenseur des droits de l’homme » . (3)

Même en France, Jean-Marie Le Pen a fermement critiqué la position française, soupçonnant que derrière les motifs humanitaires invoqués se cachent des motivations moins avouables : le contrôle du pétrole libyen. Il a aussi critiqué le rôle joué ces derniers jours par Bernard-Henri Lévy, devenu une sorte de ministre des Affaires étrangères bis.

L’attaque de la Libye était planifiée depuis plusieurs mois

Pour Gilles Munier « tout était préparé à l’avance. Sarkozy voulait sa guerre, il l’a - au forceps - grâce à Bernard-Henri Lévy, Alain Juppé, et au gouvernement conservateur anglais. Un exercice militaire de grande ampleur franco-britannique, planifié en trois mois - au lieu de six habituellement - va lui faciliter la tâche. Il est prêt pour attaquer« Southland » ...entre le 21 et le 25 mars, un pays affublé d’un « régime dictatorial » au sud de la Méditerranée. Nom de code de l’opération « Southern Mistral » , et celui de la première frappe : "Desert Storm" ! Elle est aujourd’hui programmée pour de vrai, quel que soit le nom qui va lui être attribué pour donner le change. Pour attaquer la Libye, donc, il ne manquait que l’habillage diplomatique de l’intervention occidentale, c’est-à-dire la caution du Conseil de sécurité de l’ONU et la constitution d’une coalition comprenant « nos bons vieux amis arabes » . C’est fait, en urgence. On s’en souvient : « Desert Storm - Tempête du désert » était le nom choisi en janvier 1991 par le Pentagone, de l’attaque de l’Irak ordonnée par George Bush (père) ». (5)

« L’opération avait été précédée par un exercice quasi identique à "Southland", dirigé quelques mois plus tôt au Koweït, par le général Norman Schwarzkopf. (...) Le colonel El Gueddafi n’est pas un ange, mais on a l’impression d’assister à un copier-coller de la campagne de diabolisation du président Saddam Hussein : le Guide libyen « bombarde son propre peuple » (...) Détail piquant : le Qatar, les Emirats arabes unis participent dans la guerre pour protéger le peuple. Les mêmes qui participent du côté de l’Arabie Saoudite dans l’oppression du peuple bahreïni. Bahrein, Yemen, Libye : un seul combat. Les tyrans du monde réunis contre les peuples en lutte. » (4) « Sur le plan régional, les choses risquent de se compliquer. Si les pétromonarchies du Golfe ne cachent pas leur soutien à l’interventionnisme occidental, la Turquie et l’Algérie, qui partagent une commune méfiance à l’égard de ce retour fracassant de la France sur la scène internationale et maghrébine, se trouvent confrontées à un défi stratégique et diplomatique majeur. Si la Turquie doit faire face à l’hostilité endémique de la France de Sarkozy, violemment opposée à l’entrée de la Turquie au sein de l’UE, l’Algérie sait qu’une intervention française réussie en Libye constituera une menace directe à sa sécurité nationale dans la région du Sahel. » (5)

Mohamed Tahar Bensaâda comparant les diplomaties turque et arabes décrit la première comme une réussite face à la débâcle de la seconde. « Les Occidentaux exultent. (...) La complexité de la crise libyenne, dont les derniers développements militaires sur le terrain laissent présager un enlisement propice à toutes les éventualités, explique les tergiversations dans le camp occidental. Si on laisse de côté les arguments idéologiques pseudo-humanitaires servis dans les médias occidentaux et arabe pour justifier une intervention occidentale, force est de constater que l’interventionnisme occidental, relayé anticipativement par la Ligue arabe, obéit à une grossière logique d’intérêts. Au Bahreïn, où un soulèvement pacifique, qui dure depuis plusieurs semaines, en vue de réclamer une « monarchie constitutionnelle » et des réformes sociales, a été et continue d’être réprimé dans le sang par un régime féodal et autocratique, ni les Américains, ni leurs alliés européens et arabes n’ont décelé de « crimes contre l’humanité » appelant un « devoir d’ingérence humanitaire » ... (...) Heureusement, à côté de cette diplomatie arabe pusillanime, une puissance musulmane est en train de montrer une autre voie, alliant réalisme et principes. Dans un entretien accordé à la chaine satellitaire Al Arabiya, le Premier ministre turc, Tayeb Erdogan, a rappelé quelques principes qui devraient guider toute diplomatie arabe qui se respecte » . (6)

« Avant toute chose, le leader turc a rappelé l’exigence de prendre en considération le désir de changement profond exprimé par les peuples arabes, non sans préciser que ce changement connaîtra des formes et des rythmes propres à chaque situation nationale. Il a réaffirmé la position de la Turquie qui s’oppose à toute intervention étrangère. A cet égard, Erdogan rappelle qu’il a eu un entretien téléphonique avec El Gueddafi, et qu’il lui aurait conseillé de proposer une personnalité consensuelle, en vue de superviser une période de transition préalable à l’instauration d’un régime constitutionnel. (...) Mais si les développements militaires sur le terrain continuent à aller dans le sens d’un enlisement durable et dangereux pour la sécurité et la stabilité de la région, il n’est pas dit que la seule solution qui s’offre aux Américains et à leurs alliés soit de transporter militairement les opposants de Benghazi jusqu’à Tripoli ! Si une telle éventualité pouvait voir le jour, ce n’est pas seulement la diplomatie turque qui en sortirait renforcée, mais également la diplomatie arabe, qui pourrait ainsi se libérer de la tutelle réactionnaire des pétromonarchies du Golfe. » (6)

Ce qui se passera ensuite

Felicity Arbuthnot décrit d’une façon saisissante le devenir de la Libye une fois normalisée. Ecoutons-la : « Le bombardement de la Libye va commencer le jour - ou à un jour près - du huitième anniversaire du début de la destruction de l’Irak, Il y aura de nombreuses « erreurs tragiques » et autres « dommages collatéraux » de mères, pères, enfants, bébés, grands-parents, écoles pour les sourds et muets, etc. etc. Les infrastructures vont être détruites. L’embargo restera en place ; et rendra la reconstruction impossible. L’Angleterre, la France et les USA décideront que le pays a besoin d’être « stabilisé » , qu’il faut « l’aider à reconstruire » . Ils arriveront et prendront la direction des installations et des champs de pétrole ; au début, les Libyens seront un problème accessoire puis ils deviendront vite « l’ennemi » des « insurgés » , on leur tirera dessus, ils seront emprisonnés, torturés, victimes de toutes sortes d’abus -et un « gouvernement » fantoche, ami des USA, sera mis en place. Les envahisseurs accorderont à leurs firmes des contrats pour la reconstruction, l’argent -qui sera sans doute prélevé sans compter sur les actifs gelés- disparaîtra et le pays restera largement en ruines. (...) Que dire de cet « effroi et stupeur » qui attend la Libye ? Honte sur la France, honte sur l’Angleterre, les USA et sur l’ONU qui prétend : « .... protéger les générations suivantes du fléau de la guerre » . Les noms de ces pays et de l’ONU seront inscrits avec le sang de leurs victimes : chaque corps brisé, chaque enfant estropié ou réduit en bouillie, chaque veuve, veuf ou orphelin, sur chacune de leurs tombes. (...) Avec le temps, nous apprendrons qui a intrigué, soudoyé, déstabilisé et sans doute que peu de gens seront surpris de ce qu’ils découvriront. Mais il sera trop tard, la Libye sera depuis longtemps détruite et sa population éperdue se sera enfuie ou aura été déplacée. Quand on a affaire aux « libérateurs » il faut faire attention à ce qu’on dit. Dans six mois à peu près, la plupart des Libyens, regretteront amèrement les 40 dernières années de pouvoir quelles que furent ses imperfections. » (7)

Tout est dit, l’irakisation, prélude à la partition, est inéluctable. Pourtant, si on mobilise l’intelligence. Le pétrole arabe doit appartenir à la jeunesse arabe, nous avons une occasion unique dans l’histoire de faire revivre notre civilisation en faisant notre mea culpa et en allant à marche forcée vers le progrès comme le fait l’Indonésie, la Turquie et surtout l’Iran qui est du point de vue scientifique un exemple à suivre. Débarrassons-nous des scories du mimétisme, restons éveillés, ce qui arrive à la Libye risque de nous arriver, prenons les bonnes décisions avant que cela ne soit trop tard.

Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz

 
dimanche 20 mars 2011
 
Le maillon faible : La crise arabe







Ode à la démagogie « démocratique »

La répression des révoltes spontanées aussi bien que des insurrections patentées est terrible, les morts sont nombreux et les blessés encore davantage, comme il sied dans ces pays « barbares » néo-colonisés qui doivent être mâtés par le fer et par le feu, disait l’éthylique Churchill (le même individu qui a proclamé que la démocratie était le pire des systèmes à l’exception de tous les autres). Cependant ce n’est pas le nombre de martyrs et de victimes collatérales qui détermine le caractère révolutionnaire d’un soulèvement populaire. (1)

Cette première phase de révolte de la rue arabe est pourtant absolument incontournable, voire indispensable, pour qui aspire à ce qu’une deuxième vague de révolte s’amorce enfin et au plus tôt. Il faut que le ressentiment instinctif et la colère réprimée s’expriment et projettent leurs vagues d’illusions jusque sur les murs de la répression où elles se fracassent, déchirées par les armes des portefaix et des militaires chargés de maintenir le pouvoir des riches thuriféraires de l’impérialisme, et aussi le pouvoir des puissants qui en sous-main tirent les ficelles de ces polichinelles tenant lieu de chefs d’État, ces rois fainéants, ces sultans décadents et ces présidents tyrans. (2) Elle est en marche cette deuxième étape de la révolte arabe, elle éclate par intermittence à Tunis, à Amman, au Caire, à Sanaa, à Alger et à Rabat sans que les médias occidentaux n’en fassent état. Elle ressurgira à la face du monde dans un mois ou dans un an, car bien peu des exigences légitimes des insurgés n’auront été rencontrées.

Hillary Clinton, la première, aura lancé un leurre devant les yeux du pur-sang arabe hennissant, et toute la presse à la solde a repris cette billevesée perfide : « Nous soutenons l’aspiration des peuples arabes à la démocratie ». Ils chômaient, ils ployaient sous le joug, ils étaient affamés, emprisonnés injustement, battus, torturés, entassés dans des cars clinquants qui les transportaient dans la poussière vers leur misère, sans aide et sans soins médicaux. Pendant que leurs ressources naturelles, bradées, sortaient de leurs pays à vil prix, ils importaient au prix fort tout le nécessaire pour survivre, l’inflation rongeait leur maigre salaire, le coton égyptien pourrissait sur les quais déclassé par le coton américain subventionné ; les paysans désœuvrés venaient s’agglutiner dans les villes surpeuplées alors qu’on aménageait leurs champs pour transformer la nourriture en carburant et que la crise économique les frappait de plein fouet. Ils se sont révoltés contre cette « fatalité », et la Secrétaire d’État Hillary, avec le plus grand mépris, leur a proposé de voter pour un plus grand nombre de ces satrapes dévoyés (car dans quelques pays arabes on votait déjà pour une liste restreinte de ces candidats à la dictature).

Les illuminés, les révoltés, les exploités, les aliénés ont tous pu constater au cours de cette première phase de la révolte (novembre 2010- mars 2011), au cours de ce premier round de la guerre des classes, les limites de ces revendications économiques pour le pain et le sel, pour le travail et l’équité. Les possédants leur ont jeté quelques ploutocrates à « démettre », ils leur ont accordé chichement quelques augmentations de salaires ; ils ont réduit les prix des denrées de première nécessité et diminué la valeur de l’argent pour les acheter, ils ont promis des élections par lesquelles ces bons peuples pourront, à l’exemple des populaces du Nord, choisir l’État-major étatique de la classe dominante qui dirigera les destinées de chaque nation « démocratique » arabe. Enfin, la « liberté » de choisir son garde-chiourme frappe aux portes des pays arabes « modernisés et démocratisés »!

« Vos Révolutions victorieuses sont terminées : rentrez chez vous, il n’y a plus rien à voir », leur a-t-on fait accroire, puisque dorénavant il y aura dix, vingt ou trente candidats aspirant à s’emparer du pouvoir, dociles à rendre compte du bradage des ressources nationales au Président Obama et à ses acolytes. Pour ce qui est des hausses de salaires, elles seront temporaires ; attendez que le FMI soit passé par ici une fois le calme rétabli. Ne restent que le royaume d’Arabie et quelques émirats à ne pas bénéficier de cette immense jouissance où pataugent ceux du Nord depuis leur enfance, sous le chômage, l’inflation, la déflation, la succession des crises économiques, les guerres sporadiques, l’insécurité des villes, la dégénérescence morale, la pollution, la drogue et la prostitution, le suicide des adolescents, les soupes populaires et la misère.

Peuples arabes, bienvenue dans la civilisation occidentale! Vous en aviez rêvé, ce sera pire que ce que vous pensiez. Vous êtes passés en quelques mois de la misère néo-coloniale à la mansuétude post-coloniale. Il vous faut dès à présent préparer la deuxième étape de votre révolte généralisée pour qu’elle donne lieu à de véritables révolutions, c’est-à-dire à des transformations radicales de vos sociétés par la prise entre vos mains de tout le pouvoir d’État, ce qui constitue la vraie démocratie.

Dignité bafouée

Et que dire de ce cancer impérialiste de souche européenne, implanté au cœur de la vie, au Levant d’une Méditerranée souillée par la pollution de ces colonisateurs industriels avides, arrogants et génocidaires! Cette « colonie colonisatrice » incrustée tout près du canal de Suez, entre le Golan syrien et les montagnes du Liban farouche, cette entité sioniste plantée entre la mer qu’elle a asphyxiée et Gaza la ville martyre indomptable. Cette plaie sioniste théocratique, terroriste, qui se complait à humilier tous les peuples arabes!

Depuis que l’impérialisme a découpé l’ensemble de la planète en zones d’exploitation et de concurrence qu’il se repartage et redistribue selon les puissances montantes ou déclinantes du moment (Grande-Bretagne, France, Italie, Allemagne, Japon, puis États-Unis, Russie, Chine, etc.), toute révolte populaire, toute résistance nationale authentique, est partie intégrante de la grande lutte anti-impérialiste mondiale. À titre d’exemple, quand le peuple palestinien arabe résiste au sionisme et tente de libérer toute sa terre occupée depuis 1948 par le colonisateur impérialiste israélien, il en vient très vite à lutter contre la puissance de tutelle d’Israël, les USA. Les collaborateurs de l’Autorité de Ramallah le savent bien, ceux-là même qui quémandent à la puissance de tutelle de calmer les appétits de son protégé et de le contraindre à accepter la constitution d’un bantoustan à administrer par eux, les derniers supplétifs à ne pas bénéficier d’une zone de gestion partagée. Tous les autres pions arabes ont déjà reçu leur tribut et se sont vu attribuer une réserve à administrer ; Mahmoud Abbas et sa coterie croient qu’ils y ont droit eux aussi. (3)

Le maillon faible

Pourquoi cette première vague de soulèvements spontanés, généralisés à travers l’Afrique du nord et le Proche-Orient arabisé ? Qu’est-ce qui explique que tous ces peuples qui forment la grande nation arabe, de la frontière iranienne aux rives de l’Atlantique, protestent, s’agitent et se soulèvent à tour de rôle, parfois les armes à la main, le plus souvent le poing nu levé au ciel pour réclamer justice et équité, honneur et dignité, travail et nourriture ? Les vicissitudes de la crise économique et financière occidentale (2008), qui ont frappé tous ces pays expliqueraient-elles, à elles seules, ces soulèvements? Mais toutes les populations du globe n’ont-elles pas été frappées par la crise sans pourtant toujours se révolter de la sorte? Alors pourquoi ce tropisme arabe ?

Examinons de plus près la conjoncture politique, sociale, culturelle et idéologique particulière à ce ventre mou de l’impérialisme pour y trouver l’explication de ces insurrections à répétition qui ont pris l’allure d’une traînée de poudre sillonnant les déserts pétrolifères. Tentons de comprendre les raisons de cette révolte soudaine et inévitable sur cette terre qu’on aurait tort de réduire à un désert. Pourquoi donc le monde arabe se présente-t-il comme le maillon faible de la chaîne impérialiste ?

Le monde arabe est constitué d’une vingtaine de pays souverains mais pas indépendants (4), répartis sur 13 millions de km carrés s’étalant de l’Océan Atlantique à la frontière de l’Iran. Il compte 313 millions d’habitants de religion musulmane (90%), de langue et de culture arabe. Le produit intérieur brut annuel moyen par habitant s’échelonne de 1000 $ en Palestine à 76 000 $ au Qatar - ils sont des centaines de milliers à survivre avec 2 $ par jour en Palestine occupée.

« La population des dix-neuf pays du Maghreb et du Moyen-Orient a presque triplé au cours des quarante dernières années (1970-2010) pour passer de 112 à 313 millions d’habitants (+ 180 %). Mais, au cours des quarante prochaines années (2010-2050), elle va augmenter seulement de 62 %, soit trois fois moins vite. Ce simple constat signifie que la transition démographique est en marche dans l’une des régions les plus complexes du monde sur les plans politique, culturel, religieux, sécuritaire… et énergétique. Cette région, même si elle n’est pas homogène, abritera 6 % seulement de la population mondiale en 2050, contre 5 % actuellement et 3 % en 1970. Aujourd’hui, dans un monde qui a soif d’énergie, elle contrôle, selon la compagnie British Petroleum, respectivement 55 % et 30 % des réserves mondiales de pétrole brut et de gaz naturel. » (5)

L’ensemble du monde arabe est passé au cours des cinquante dernières années de la semi-féodalité au capitalisme, de l’artisanat à l’industrie et de l’agriculture de subsistance à l’agriculture industrielle. Au cours du dernier demi-siècle la population arabe, avec quelques écarts d’un pays à un autre, a migré de la campagne à la ville et du souk au supermarché ; de l’analphabétisme généralisé à l’université ; de l’organisation tribale à la technocratie bureaucratique. Au cours de ces quelques décennies, le monde arabe a connu un taux de natalité en recul ; il est passé de la famille patriarcale clanique à la famille nucléaire éclatée ; de pratiques religieuses de type médiéval à une diminution lente mais réelle des pratiques religieuses (les réminiscences des courants islamistes ne doivent pas faire illusion, elles pourraient bien n’être que les barouds d’honneur d’une sphère religieuse en déliquescence).

Au cours de cette brève période, l’ensemble du monde arabe est passé d’une pyramide des âges normale à un évasement pyramidal foudroyant (35 % de la population arabe a moins de 15 ans). Imaginons ce que ce rajeunissement prodigieux des couches populaires comporte de potentiellement révolutionnaire quand des millions d’adolescents et d’adolescentes se précipiteront tous ensemble sur un marché du travail exsangue.

Le bradage éhonté, rapide et sans retour de la plus importante ressource naturelle non renouvelable de la région (pétrole et gaz naturel) ; la mise en coupe serrée des économies nationales arabes ; l’endettement sévère de la plupart des pays de la zone ; la dépendance de chacun de ces pays à l’égard de biens de consommation produits et achetés à grand frais à l’étranger ; l’inflation qui découle de cette dépendance des approvisionnements en produits manufacturés ; la destruction de l’agriculture nationale par la concurrence extérieure ; la fuite des capitaux de la rente pétrolière vers les marchés boursiers spéculatifs où ils sont dilapidés dans chacune des crises monétaires qui frappent le monde impérialiste (lors de la crise de 2008 les princes arabes ont perdu sans sourciller 150 milliards de dollars) ; la paupérisation de couches entières de paysans, de petit- bourgeois et de travailleurs ; la spoliation des ressources de l’État par les castes dirigeantes indignes qui dissimulent leurs trésors dans les paradis fiscaux sans impôts. Cette conjoncture de crise fait du monde arabe un foyer inévitable de révolte, le maillon faible de la chaîne impérialiste.

En plus de cette convergence de facteurs économiques, politiques et sociaux, la communauté religieuse, linguistique et culturelle de ces peuples engendre des rapprochements et suscite des échanges de renseignements (qu’Internet facilite grandement). Cette communauté linguistique et culturelle exacerbe le sentiment d’appartenance à une communauté de misère, d’injustice et d’iniquité, et facilite la mobilisation des citoyens, tout en favorisant l’émergence d’un vouloir-vivre collectif parmi ces peuples qui aspirent à mettre fin à ce sentiment de honte coupable d’être les témoins impuissants de cette gabegie.

La première vague de révolte populaire

Les puissances impérialistes occidentales ont eu beau soutenir fermement les régimes militaires parasitaires et oppresseurs, le couvercle posé sur ces jeunes marmites bouillantes de frustration et de désespoir sans perspective ne pouvait résister plus longtemps. L’étincelle tunisienne a suffi à mettre le feu à toute la plaine arabe sèche et amère. C’est le propre des oppresseurs de tenter de se maintenir à flot par tous les moyens qu’il faut. Quand une tactique de répression ne fonctionne pas les puissances impérialistes et leurs supplétifs locaux laissent échapper un peu de vapeur, et font quelques concessions mineures, le temps d’apaiser la rue en fureur, pour reprendre ensuite le terrain concédé. Mais comme rien n’est réglé, ni même vraiment amélioré, comme la misère et le chômage s’accentuent, comme la paupérisation s’accélère, comme la destruction des bases de l’économie nationale s’approfondit, comme l’humiliation arabe se perpétue, comme l’entité colonisatrice maintien son occupation illégitime avec la complicité des traîtres fratricides locaux, alors les forces révolutionnaires en état de latence reprennent leur souffle en préparation d’un nouvel assaut, d’un deuxième soulèvement contre la citadelle des exploiteurs et des spoliateurs. Le sirocco de la révolte couve dans les déserts arabes, des confins de l’Algérie aux dunes de l’Arabie, sur les massifs du Rif et en Kabylie, et il reviendra balayer les plaines du littoral.

Rapport de force au sein des bourgeoisies nationales arabes

Dans chacun des pays de la communauté arabe, la grande bourgeoisie nationale est divisée en deux sections, le segment compradore qui s’enrichit de la braderie des ressources naturelles et le segment « nationaliste » qui s’enrichit de l’exploitation de la main-d’oeuvre et du développement du commerce national. Dans certains pays comme l’Égypte, la Syrie, l’Algérie les officiers de l’armée forment un contingent cohérent dans l’un ou l’autre de ces camps opposés. Profitant des révoltes spontanées des peuples arabes, un segment ou l’autre de la grande bourgeoisie de chacun des pays en profite pour remettre en cause le compromis historique en vigueur entre eux et tenter de s’accaparer l’hégémonie sur l’appareil d’État, source de pouvoir et de capital.

Ainsi, en Syrie et au Liban, où il n’y a pas de prébende pétrolière à partager, la situation est restée stable et les deux sections de la bourgeoisie sont restées sur leurs positions. Au Bahreïn, au Yémen, en Jordanie et en Irak, les sections « nationalistes » ont tenté de secouer le joug des sections compradores avec plus ou moins de succès jusqu’à présent.

En Arabie Saoudite, aux Émirats Arabes Unis, au Qatar, à Oman et au Koweït, où les sections compradores sont puissantes, les sections « nationalistes » ne sont pas encore parvenues à soulever la rue pour ébranler le pouvoir hégémonique de leurs concurrents.

En Égypte, où le colonel Nasser avait donné le pouvoir à la section « nationaliste », que Moubarak avait rendu à la section compradore, l’armée a réussi à se rétablir aux postes de commande de l’État et elle prépare l’élection « démocratique » de son dauphin. Pour cette raison l’armée égyptienne n’attaquera pas le représentant des clans de l’Ouest libyen basé à Tripoli. Il en est de même en Tunisie où le représentant de la bourgeoisie compradore ayant été démis, l’armée tunisienne n’est pas d’humeur à porter assistance aux clans royalistes de l’Est libyen.

En Algérie, la section compradore ayant déjà mâté sa section « nationaliste » lors de la guerre civile contre les islamistes au cours des années quatre-vingt dix, cette dernière regarde évoluer le mouvement populaire avant de relever la tête et de remettre en cause la trêve alors convenue. L’Algérie a suffisamment de difficultés pour ne pas même songer à une aventure militaire en Libye. Au Maroc, la section « nationaliste » de la bourgeoisie nationale devrait probablement être le prochain maillon faible de la chaîne impérialiste afin de repartager les prébendes du bradage du phosphate dérobé en partie au Sahara occidental.

Le rôle de la petite bourgeoisie « progressiste »

Faute d’orientation et d’organisation révolutionnaires pour diriger ces révoltes populaires, on peut compter sur les « bobos » pour désorienter ces peuples, proposer des leurres, transformer un soulèvement populaire potentiellement révolutionnaire en une lutte pour l’obtention d’un bulletin de vote en faveur de « la démocratie des riches » si chère à Hillary Clinton et à ces bourgeois bohêmes toujours prompts à vendre leur plume, leur pensée, leur travail intellectuel aux plus offrants et à diffuser vilenies, utopies, rumeurs, forfaitures et « solutions » bidon. (6)

L’effet de surprise passé, des « conspirationnistes » se sont récemment remis à l’œuvre pour suggérer que tout ce mouvement de révolte spontané ne serait qu’une machination impérialiste-sioniste visant à remplacer la vieille garde prétorienne par une jeune garde modernisée. Les conflits de générations expliqueraient les tribulations au sein de l’État- major des larbins. Ces spéculations sont spécieuses. Les puissances impérialistes aiment la stabilité politique et exigent la sécurité de leurs investissements. Les révoltes populaires arabes les ont prises de court, mais sitôt revenues de leur surprise les unités militaires d’invasion de l’OTAN se sont mises en ordre de combat et les unités d’infiltration anti-insurrection ont pris position.

Les éléments « conspirationnistes » font partie de ce florilège voué à la liquidation des mouvements de révolte afin qu’ils ne deviennent jamais des mouvements révolutionnaires. Les rumeurs de conspiration, de manigance et de téléguidage des contestations ont fait leur apparition. (7) Ces « révélations » visent à créer confusion et suspicion et à diviser les peuples arabes. Chaque insurgé devrait maintenant se demander si celui qui est à ses côtés n’est pas un agent étranger et un manipulateur au service des impérialistes américains, israéliens, français ou britanniques, ces « forces invincibles » qui dirigent et contestent l’ordre établi tout à la fois. Plus de révolutions possibles puisque « Big Brother » sait tout et dirige tout, même les révoltes qui visent à le renverser. Le « conspirationnisme » est une tactique visant à désarmer idéologiquement les peuples arabes et à saper la solidarité internationale en faveur des insurgés. En effet, pourquoi les organisations de solidarité internationale soutiendraient-elles la cinquième colonne de l’impérialisme infiltrée dans ces mouvements de révolte prétendument téléguidés de l’étranger ?

Il existe pourtant une technique toute simple pour départager les agents infiltrés dans les organisations d’insurgées des révolutionnaires authentiques, c’est la ligne politique. À titre d’exemple, quiconque soutient l’invasion militaire « humanitaire » de la Libye est un agent conscient ou inconscient des impérialistes. Tel Bernard-Henri Levy qui s’excite à Benghazi en appelant l’OTAN à son « devoir de bombardement humanitaire » pour massacrer par les bombes à fragmentation les tribus de Tripolitaine lesquelles jusqu’à présent gobaient les prébendes et la rente pétrolière. L’OTAN souhaite, en effet, favoriser les clans royalistes et les tribus de Cyrénaïque qui demandent à reprendre le contrôle de la rente pétrolière libyenne. Mais l’OTAN n’a pas encore suffisamment infiltré ces organisations pour être certaine de leurs orientations. Quoi qu’il en soit, les révolutionnaires ne font jamais appel aux dieux de la peste impérialiste et à la pseudo communauté internationale des riches pour mener leur combat ; ils ne comptent que sur leur propre force pour renverser les tyrans. (8)

Le monde arabe souffre et pleure son humiliation non méritée. Il fut jadis une très grande civilisation qui voudrait aujourd’hui renaître et marquer le monde de son empreinte. Mais pour réussir cet exploit, il devra s’organiser, trouver en son sein, au sein de sa classe ouvrière révolutionnaire, les leaders, l’énergie et la direction politique capables de mener à bien son destin. Le lot de la grande nation arabe, scindée en une vingtaine d’entités nationales par les puissances coloniales, n’est pas de rester à la remorque de l’histoire, sous le joug de rois et de sultans dégénérés et de présidents tyrans qui la saignent à blanc.

Elle couve sous la cendre des trahisons récentes la flamme d’une deuxième révolte arabe. Cette deuxième révolte sera plus terrible, plus radicale, plus violente et plus sauvagement réprimée que la précédente, car ceux qui ont été mystifiés par la trahison de clercs indignes auront appris de leur déception et seront beaucoup plus difficiles à berner lors de leur retour sur la scène de l’histoire.


Notes/Références

(1) La révolution avortée. Robert Bibeau. 17.02.2011. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23260

(2) La révolution égyptienne. L’armée va trancher. Robert Bibeau. 5.02.2011. http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article4956

(3) Échec consommé des pourparlers directs. Robert Bibeau. 4.02.2011 http://www.michelcollon.info/Echec-consomme-des-pourparlers.html

(4) Algérie, République Arabe Unie (Égypte), Liban. Irak, Syrie, Soudan, Maroc, Mauritanie, Libye, Tunisie, Arabie Saoudite, Yémen. Djibouti, Émirats Arabes Unis, Koweït, Qatar, Oman, Palestine (incluant Israël), Bahreïn et la Jordanie. http://www.cairn.info/revue-population-2005-5-page-611.htm

(5) Démographie galopante et développement économique http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2554p042-043.xml0/ . Démographie du monde arabe http://www.ceped.org/documentation/article.php3?id_article=594

(6) Monde arabe les raisons de la révolte.

http://www.rfi.fr/afrique/20110204-carte-interactive-monde-arabe-raisons-revolte-egypte-

(7) http://www.presseurop.eu/fr/content/article/522941-la-revolution-qui-venait-de-serbie

(8) Le parricide. Robert Bibeau 3.03.2011. http://bellaciao.org/fr/spip.php?article114352 http://www.vigile.net/Le-grand-dilemme-americain


Articles de Robert Bibeau publiés par Mondialisation.ca

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samedi 19 mars 2011
 

Grandeur de la diplomatie turque et

misère de la diplomatie arabe






Les Occidentaux exultent. Sous la pression des pétromonarchies réactionnaires du Golfe, la ligue des Etats arabes vient de demander officiellement au Conseil de sécurité de l’ONU l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye. Certes, la ligue arabe se dit officiellement hostile à une intervention militaire directe en Libye, mais des informations démenties par le ministre saoudien des Affaires étrangères font état d’une demande américaine adressée à l’Arabie saoudite, en vue d’armer l’opposition de Benghazi. Les Américains vont-ils inventer un nouveau type d’intervention par procuration qui leur économise les coûts financiers et diplomatiques indésirables, en attendant le moment propice d’une intervention directe le cas échéant ?

La complexité de la crise libyenne, dont les derniers développements militaires sur le terrain laissent présager un enlisement propice à toutes les éventualités, explique les tergiversations dans le camp occidental. En tout état de cause, Américains et Européens semblent conditionner l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye par une résolution du Conseil de sécurité. Seule la France se dit prête à intervenir, même en dehors d’un mandat onusien explicite. Les Américains sont clairs. S’ils tergiversent à ce point, c’est parce qu’ils restent sceptiques quant à la possibilité de l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne sans risque d’escalade militaire, allant jusqu’à une intervention militaire directe sous la forme d’une attaque aéronavale des bases de Kadhafi.

Si on laisse de côté les arguments idéologiques pseudo-humanitaires servis dans les médias occidentaux et arabes pour justifier une intervention occidentale, force est de constater que l’interventionnisme occidental, relayé anticipativement par la ligue arabe, obéit à une grossière logique d’intérêts. Au Bahreïn, où un soulèvement pacifique, qui dure depuis plusieurs semaines, en vue de réclamer une « monarchie constitutionnelle » et des réformes sociales, a été et continue d’être réprimé dans le sang par un régime féodal et autocratique, ni les Américains, ni leurs alliés européens et arabes n’ont décelé de « crimes contre l’humanité » appelant un « devoir d’ingérence humanitaire »...

Le jeu des pétromonarchies du Golfe

Manifestement, c’est même le contraire qui aurait été décelé. Il faut croire que le peuple du Bahreïn a fini par constituer une menace pour la famille Al Khalifa, au point où le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a décidé d’intervenir militairement dans cet Etat. Les troupes saoudiennes ont pénétré le lundi dans ce petit pays pour aider le régime à rétablir l’ordre public. L’opposition au Bahreïn parle, quant à elle, d’occupation.

L’intervention des Etats du Golfe au Bahreïn n’a suscité jusqu’ici aucune réaction de la part des puissances occidentales, ni des autres Etats arabes. Impuissants, quand ils ne sont pas carrément complices lors des agressions israéliennes répétées contre les peuples palestinien et libanais, ces Etats trouvent la force et les moyens d’intervenir contre un peuple voisin qui n’a fait qu’exprimer pacifiquement son droit à la résistance contre l’injustice et l’oppression. Il est pour le moins curieux que les Etats, qui sont intervenus au Bahreïn contre le peuple bahreïni, sont les mêmes qui ont inspiré la résolution de la ligue arabe appelant à une zone d’exclusion aérienne en Libye, en vue de « protéger le peuple libyen ».

Comme c’était prévisible, l’intervention des monarchies du Golfe au Bahreïn a été mal accueillie par l’Iran. Ce dernier accuse - à juste titre d’ailleurs - ces monarchies de « confessionnalisme » anti-chiite, dans la mesure où la majorité de la population du Bahreïn est effectivement chiite et se trouve confrontée à une dynastie autocratique d’obédience sunnite. C’est dire que l’intervention des pétromonarchies du Golfe, outre son caractère réactionnaire avéré, risque d’alimenter la division confessionnelle entre sunnites et chiites sur laquelle joue l’impérialisme pour mieux diviser et dominer les peuples de la région.

Si l’intervention des pétromonarchies du Golfe en vue de sauver la dynastie Al Khalifa au Bahreïn n’étonne guère, leur mainmise sur la ligue arabe lors de l’examen de la crise libyenne est révélatrice d’une évolution diplomatique dangereuse dans le monde arabe. Au lieu de servir à défendre un minimum d’intérêts arabes communs, la diplomatie des pétrodollars est en passe de devenir un vecteur au service d’intérêts dynastiques sectaires et étroits, qui peuvent aisément être instrumentalisés par les puissances occidentales, lesquelles y trouvent leur compte, même si elles peuvent parfois être irritées par l’infantilisme d’une diplomatie arabe misérable. Le désir inavoué de vengeance tribale de la famille des Al Saoud, qui n’a jamais pardonné à Kadhafi une présumée tentative d’assassinat du roi Abdallah, peut-il expliquer à lui seul l’ingérence de cette puissante pétromonarchie dans le conflit libyen, ou bien y a-t-il d’autres motivations géopolitiques et dynastiques qui pousseraient ces pétromonarchies du Golfe à jouer un rôle régional, qui les dépasse ?

La passivité de la diplomatie égyptienne

Sans préjuger des réelles motivations politiques et diplomatiques qui ont guidé la position des Etats comme la Syrie et l’Algérie, qui se sont opposés à la mainmise saoudienne dans les rouages de la ligue arabe, l’attitude de la diplomatie égyptienne suscite interrogations et inquiétudes. La passivité égyptienne peut-elle s’expliquer uniquement par les difficultés de la phase transitoire par laquelle elle passe ? Ou bien la tendance géopolitique lourde, qui fait que - par-delà le changement de régime constitutionnel - l’Egypte continue à regarder l’ancienne Cyrénaïque comme une zone d’influence naturelle, l’a-t-elle emporté ? La diplomatie des pétrodollars a-t-elle réussi à émousser préventivement le rôle historique qui devrait être celui de la nouvelle Egypte postrévolutionnaire ?

En tout état de cause, en choisissant la prudence et en ne s’opposant pas au forcing diplomatique des pétromonarchies du Golfe, la diplomatie égyptienne, se réserve la possibilité de jouer un rôle décisif dans le dénouement de la crise libyenne, puisqu’elle pourrait user de son influence auprès de l’opposition libyenne installée à Benghazi, si la nécessité d’un dialogue politique inter-libyen finissait par s’imposer à la "communauté internationale".

Même si le poids de l’opinion publique égyptienne favorable à l’opposition libyenne, surtout que cette dernière est partie de la région orientale traditionnellement proche de l’Egypte, a joué un rôle important, il n’en demeure pas moins que l’attitude de la diplomatie égyptienne risque de fausser la donne géopolitique régionale. Le fait que les deux Etats, qui se sont opposés à l’intervention étrangère en Libye - Syrie et Algérie - soient connus pour avoir de bonnes relations avec l’Iran, risque d’être utilisé par les médias à la solde des pétromonarchies du Golfe, afin de détourner l’attention de l’opinion publique arabe des véritables enjeux politiques et diplomatiques qui se cachent derrière l’interventionnisme arabe et occidental en Libye. Interventionnisme, qui n’a rien à voir avec les prétextes « humanitaires » et « démocratiques » agités à des fins de propagande, pour mieux cacher les véritables mobiles stratégiques et hégémoniques des puissances occidentales.

Grandeur de la diplomatie turque

Heureusement, à côté de cette diplomatie arabe pusillanime, une puissance musulmane est en train de montrer une autre voie, alliant réalisme et principes. Dans un entretien accordé à la chaine satellitaire Al Arabiya, le premier ministre turc, Tayeb Erdogan, a rappelé quelques principes qui devraient guider toute diplomatie arabe qui se respecte.

Avant toute chose, le leader turc a rappelé l’exigence de prendre en considération le désir de changement profond exprimé par les peuples arabes, non sans préciser que ce changement connaîtra des formes et des rythmes propres à chaque situation nationale. Tout en exprimant avec franchise ses sentiments sur ce qui se passe en Libye, il a réaffirmé la position de la Turquie qui s’oppose à toute intervention étrangère, intervention qui risque selon lui de plonger ce pays dans une situation comparable à ce que vit l’Irak ou l’Afghanistan. Il a également rappelé ses efforts en vue de contribuer à la solution du conflit libyen, tout en répondant au désir de démocratisation du peuple libyen. A cet égard, Erdogan rappelle qu’il a a eu un entretien téléphonique avec Kadhafi, et qu’il lui aurait conseillé de proposer une personnalité consensuelle, en vue de superviser une période de transition préalable à l’instauration d’un régime constitutionnel.

Bien entendu, il ne s’agit pas de surestimer le rôle de la diplomatie turque dans la résolution du conflit libyen. Trop d’intérêts occidentaux et arabes s’opposent à ce que la solution de bon sens turque trouve une matérialisation sur le terrain. La Turquie n’a pas de frontière commune avec la Libye. Si le régime de Kadhafi n’a pas d’autre choix que de saisir la bouée de sauvetage que lui propose la Turquie, l’opposition libyenne, grisée par le soutien occidental et saoudien, et profitant de la passivité complice d’une Egypte qui n’a pas encore retrouvé ses marques diplomatiques propres, risque tout simplement d’ignorer l’appel de la Turquie.

Mais si les développements militaires sur le terrain continuent à aller dans le sens d’un enlisement durable et dangereux pour la sécurité et la stabilité de la région, il n’est pas dit que la seule solution qui s’offre aux Américains et à leurs alliés soit de transporter militairement les opposants de Benghazi jusqu’à Tripoli ! Le souci de la préservation de leurs intérêts stratégiques dans la région pourrait conduire les Américains à ignorer l’interventionnisme français aux relents douteux, pour préférer suivre les recommandations de la Turquie, qui reste après tout un allié organique au sein de l’OTAN, et un allié autrement plus sérieux et plus sûr que l’Arabie saoudite !

Si une telle éventualité pouvait voir le jour, ce n’est pas seulement la diplomatie turque qui en sortirait renforcée, mais également la diplomatie arabe, qui pourrait ainsi se libérer de la tutelle réactionnaire des pétromonarchies du Golfe. Cette perspective aura d’autant plus de chances de devenir réalité si l’Egypte, une fois qu’elle aura retrouvé sa stabilité, se décide enfin à retrouver le rôle historique qui est le sien dans la région. Un rôle qu’elle ne pourra reconquérir qu’à la condition de dépasser l’horizon de certains intérêts étroits, et de se hisser à la hauteur des enjeux stratégiques qui conditionnent l’avenir de l’ensemble de la région, comme le font, chacune à sa façon, Ankara et Téhéran. Et le Maghreb ?

Cette évolution diplomatique souhaitable, si elle peut être favorisée par le rôle grandissant de la diplomatie turque dans la région et la résistance de l’Iran, devrait avant tout rompre avec les velléités hégémoniques surannées, qui ne correspondent plus aux tendances lourdes structurant le nouvel espace régional arabe. Velléités que continue d’alimenter, malheureusement, un « orientalo-centrisme » en vogue dans les élites politiques et intellectuelles du Machrek arabe, et qui se fourvoie en prenant pour négligeable le rôle géopolitique des Etats du Maghreb. Le dernier échantillon de cet « orientalo-centrisme » nous a été livré par les analyses surréalistes du quotidien libanais Al Akhbar, pourtant proche de la résistance et de la Syrie, qui table sur un axe Le Caire-Damas-Téhéran, qui reste toutefois en l’état actuel chimérique. Ce faisant, cette analyse feint d’ignorer que, dans la réalité, il existe bien objectivement un axe diplomatique Damas-Alger-Ankara-Téhéran qui demande, certes, à être conforté par l’entrée en scène décisive de l’Egypte.

Bien entendu, les Etats qui, comme la Syrie et l’Algérie, cherchent légitimement à contrebalancer le poids de la diplomatie des pétrodollars saoudienne, au sein de la ligue arabe, ne pourront aller jusqu’au bout de cette tendance que s’ils s’ouvrent réellement aux profondes aspirations démocratiques de leurs peuples, ce qui aura l’avantage de renforcer la nécessaire cohésion interne, qui reste un des principaux fondements politiques d’une diplomatie forte, à l’instar du modèle turc.

Mais au-delà de la position diplomatique de l’Algérie, c’est tout le Maghreb qui est appelé à occuper la place qu’il mérite sur la scène régionale et internationale. La diplomatie de la Tunisie postrévolutionnaire continuera, sans aucun doute, à souffrir de la dépendance économique du pays, ainsi que des limites des ressources fiscales de l’Etat tunisien. Mais ces limites ne pourraient-elles pas être compensées par d’autres facteurs qui influent de leur poids historique, au premier rang desquels il faudra bien ranger la bravoure du peuple tunisien, et l’intelligence mêlée de maturité de ses élites sociales et intellectuelles ? L’opposition de plusieurs centaines de manifestants tunisiens à la visite d’Hillary Clinton augure-t-elle désormais des perspectives d’une nouvelle diplomatie, plus soucieuse d’une opinion publique avertie et vigilante ?

La synergie tant attendue avec l’Algérie voisine, appelée à connaître également de grands changements internes, sous la pression aussi bien des revendications populaires que des contraintes géopolitiques régionales, permettrait-elle d’entrevoir des perspectives politiques et diplomatiques susceptibles d’accélérer une décantation plus heureuse au sein de la ligue arabe ? Devant les défis communs auxquels ils sont désormais confrontés, l’Algérie et le Maroc prendraient-ils enfin le chemin d’une réconciliation salutaire, et tant espérée par les peuples qui sont conscients, que la division entretenue notamment par la France et les lobbies israéliens, constitue un frein à l’émergence d’un Maghreb indépendant, prospère et démocratique, capable de conquérir le statut diplomatique qu’il mérite au sein du monde arabe et dans le bassin méditerranéen ?

 
"Si vous n’y prenez pas garde, les journaux finiront par vous faire haïr les opprimés et adorer les oppresseurs." Malcom X

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