« L’Amérique ne tournera pas le dos à l’aspiration légitime du peuple palestinien à la dignité, aux chances de réussir et à un État à lui ; la seule résolution consiste à répondre aux aspirations des uns et des autres en créant deux États, où Israéliens et Palestiniens vivront chacun dans la paix et la sécurité. (...) C’est pourquoi je compte personnellement poursuivre un tel aboutissement avec toute la patience et le dévouement qu’exige cette tâche. »Président Obama, discours du Caire, en juin 2009
Effectivement, le président Obama avait proposé en septembre 2010 à
l’ONU la création d’un Etat palestinien pour septembre 2011. Dans ce
cadre, il a proposé, en mai, la création d’un Etat palestinien dans les
frontières du 4 juin 1967. Mal lui en a pris. Le lobby pro-israélien
l’ont rappelé à l’ordre. Il s’est alors rétracté en ajoutant qu’il a été
mal compris ; il ajoute que des échanges de territoires devront être
consentis. Là encore, c’est un niet de la part d’Israël qui, on s’en
souvient, malgré le simulacre des négociations de septembre 2010,
continuait allègrement et à marche forcée, ses implantations dont tout
ce qui avait de la valeur sur les terres palestiniennes avec en prime
une judaïsation totale de Jérusalem et une « agression » lancinante des
Lieux-Saints de l’Islam sous les regards tétanisés de la communauté
internationale et de la lâcheté des potentats arabes plus soucieux de
conserver leurs trônes que de dire le droit.
Les révoltes de la jeunesse arabe de 2011 ont donné l’illusion que
les peuples relevaient la tête, on a même vu des jeunes palestiniens se
révolter contre l’incurie des deux pouvoirs palestiniens celui de Ghaza
et celui de Ramallah. En vain, le rapprochement a échoué. Il n’en fut
rien. Tout se re-normalise dans le sens voulu par les architectes
occidentaux de ces révoltes. Depuis quelques mois, Mahmoud Abbas, dos au
mur, réclame à cor et à cri un Etat palestinien. Pourquoi le fait-il ?
Le pourra-t-il ? Quels sont ses alliés et ses détracteurs ? Quelles sont
les conséquences ? Pour rappel, à ce jour, l’État de Palestine
revendiqué par la Déclaration d’Alger en 1988 est reconnu par 117 pays
membres de l’ONU sur 193, et que son statut à l’ONU se situe entre celui
d’« observateur » et celui de « membre », mais sans droit de vote.
Benyamin Nétanyahou a tourné en dérision cette majorité automatique à
l’Assemblée générale « où n’importe quelle résolution peut être
adoptée ». Elle « peut même décider que le soleil se lève à l’ouest et
se couche à l’est », a-t-il ironisé, ´´mais elle n’a ni le poids, ni
l’importance du Conseil de sécurité ». Voilà qui est clair ! Israël -
qui a bafoué une quarantaine de résolutions- n’ a que mépris pour l’ONU,
et la légalité internationale.
Les pour et les contre
Dans une tribune publiée mardi par le New York Times, le prince Turki
al-Faysal avertit que, si l’Amérique appose son veto, elle « perdra »
son allié saoudien, ce partenaire crucial de l’Amérique au Moyen-Orient.
La Turquie, autre alliée de plus en plus récalcitrant, a également fait
monter la pression en affirmant que reconnaître la demande
palestinienne n’était « pas un choix mais une obligation ». (...) En
réalité, personne ne sait ce qu’il en sortira. L’armée israélienne
procède à des exercices de simulation en tenue pour faire face à
d’éventuelles émeutes palestiniennes. La semaine dernière, des colons
extrémistes ont vandalisé des mosquées [et arraché des pieds de vigne
plantés par les Palestiniens] et une base militaire israélienne.
(...) ».(1)
Yossi Alpher y voit un plus pour Israël puisque les ambitions
palestiniennes sont limitées. Ecoutons-le : « Nétanyahou, écrit-il, ne
veut pas entendre parler d’Etat palestinien. Pourtant, les négociations,
en ce cas, ne porteraient plus sur le retour des réfugiés ni sur les
Lieux saints...(..) Nous dirigeons-nous vers une détérioration générale
des relations israélo-palestiniennes sur fond de triomphe palestinien ou
vers une série de non-événements certes bruyants mais qui ne mèneront
nulle part ? (...) » (2)
« Par cette initiative, Abbas demande en effet à l’ONU de régler un
problème territorial avec la reconnaissance officielle d’un Etat
palestinien basé sur les frontières de 1967 ayant sa capitale à
Jérusalem-Est. Il ne demande pas à l’ONU de légiférer sur le droit au
retour des réfugiés ni sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, deux
points qui font échouer les négociations directes. Il ne s’adressera
plus à Israël au nom d’organisations de libération qui représentent
surtout la diaspora palestinienne. La question des frontières sera plus
facile à négocier d’Etat à Etat, contrairement à maintenant, puisque
cette question est liée à des thèmes sur lesquels l’OLP se montre
intraitable. Tous les sujets les plus difficiles seront plus faciles à
négocier entre deux Etats ».(2)
L’Occident n’a toujours pas pris acte de la nécessité de rendre
justice au peuple palestinien. Alain Juppé, parlant de cette situation,
dit que le statu quo est intenable pour Israël qu’il invite à
« négocier ». Il ne dit pas sur quoi ? Son sous-entendu est de rogner
encore ce qui reste de comestible du bantoustan palestinien. Mieux, le
président Sarkozy pense avoir la solution : proposer à Mahmoud Abbas un
statut du type « Vatican ». Le Vatican ; combien de divisions aurait dit
Staline ? En cas d’échec au Conseil de sécurité, du fait du véto promis
par les Etats-Unis, les Palestiniens pourraient se tourner vers
l’Assemblée générale pour demander le statut d’ « Etat non-membre », à
l’instar du Vatican. On l’aura compris, les pays occidentaux et leurs
alliés ne veulent pas d’un Etat palestinien avec tous les attributs.
Leur offre de négociation aux Palestiniens tient du canalar. Négocier
quoi ? Que reste-t-il des territoires palestiniens maintenant que
500.000 colons se sont installés en Cisjordanie sur les meilleures
terres et que Jérusalem est totalement sous l’emprise israélienne ? Les
Palestiniens n’ont pas le droit de construire, voire de réparer leurs
maisons à Jérusalem Est.
Deux Etats
Cette initiative serait, disent les médias occidentaux, combattue au
sein même des Palestiniens. Nabil Amr, présenté comme un leader du
Fatah, est contre. Pour lui, il ne faut pas se mettre à dos les
Etats-Unis, l’Europe, Israël et les pourvoyeurs de la Palestine. « La
demande d’adhésion d’un Etat palestinien de Mahmoud Abbas comporte de
nombreux risques. » C’est en ces termes que le mouvement islamiste a
exprimé son hostilité. (...) L’annonce a mis un terme à cinq mois de
silence prôné par le Hamas, après la signature, le 27 avril au Caire,
d’un accord historique de réconciliation nationale avec son ennemi de
toujours, le Fatah, au pouvoir en Cisjordanie. (..) « Pour
l’organisation, Mahmoud Abbas cherche, à travers son initiative de
sauver l’Autorité palestinienne, à exister sur la scène
internationale », explique Julien Salingue, enseignant à l’Université
Paris VIII. « Le Hamas n’a donc aucun intérêt à y participer et même
tout à gagner à ce que la démarche échoue. » (...) « Aucun acteur
palestinien n’a de mandat pour faire des concessions historiques sur le
territoire palestinien ou les droits des Palestiniens, en particulier le
droit au retour », a ainsi lancé le Premier ministre du Hamas, Ismaël
Haniyeh, dans une allusion aux plus de quatre millions de réfugiés
palestiniens éparpillés dans la région, dont près de 1,1 million vivent à
Ghaza »(3).
Même son de cloche de Fadwa Nassar qui pense que la démarche de Abou
Mazen va sonner le glas de la réconciliation : « Les communiqués de
personnalités, d’associations et de mouvements, des partis et
organisations, insistent sur un ou plusieurs arguments pour rejeter en
bloc l’initiative de l’Autorité, l’accusant surtout d’avoir abandonné en
route les principales revendications palestiniennes, que sont la
libération de la Palestine et le droit au retour des réfugiés mais
l’accusant aussi de manque de transparence quant à la finalité de la
démarche : un Etat palestinien, pour quoi faire ? Il reste cependant un
aspect des plus graves dans cette démarche, celui d’avoir mis de côté ou
même tué le processus de la réconciliation interpalestinienne. (...) La
situation dans la ville d’El-Qods, menacée de judaïsation et de
nettoyage ethnico-religieux, laisse craindre le pire, si la
réconciliation interpalestinienne sur des bases saines et claires n’est
pas adoptée. (...)Pourquoi se dirige-t-on à l’ONU et qu’est-ce qui
changera sur le terrain ? Quelles sont les compromissions faites ou à
faire ? De quel Etat parle-t-on au juste ? Alors que les forces
palestiniennes de la résistance exigeaient la fin de la coordination
sécuritaire avec l’occupant, celle-ci ne s’est jamais arrêtée et les
résistants et leurs familles continuent à être poursuivis, soit par les
sionistes, soit par l’Autorité. (...) Les sionistes et les services
sécuritaires de l’Autorité palestinienne continuent à se partager la
tâche de poursuivre les résistants, ceux qui s’opposent à l’occupation
et agissent dans ce sens. La coordination sécuritaire des services de
Abbas-Fayyad avec les sionistes, est un terme radouci pour parler d’une
collaboration de fait avec l’ennemi. (...) »(4)
Pour Ziad Clot, avocat franco-palestinien- interviewé par la
journaliste Sylvia Cattori- et qui avait participé, en son temps, à des
négociations, la reconnaissance de l’« État » ne ferait qu’apporter plus
de malheurs au peuple palestinien. « Ce ne sera donc pas un mal si ce
pseudo « État » ne voit pas le jour le 23 septembre ». Il dévoile le
business des négociations et les stratégies personnelles
d’enrichissement : « (...) Certains dirigeants de l’OLP sont devenus des
professionnels de la négociation. Il y a de nombreuses personnes qui
vivent là-dessus. Mais la réalité, connue des Palestiniens, c’est
qu’aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose à négocier. Quand vous
regardez la carte, entre la colonisation et Jérusalem-Est qui est sous
la totale emprise israélienne, Israël est largement arrivé à ses fins.
Jérusalem-Est est devenue pratiquement la capitale réunifiée israélienne
et les colons israéliens sont installés en Cisjordanie où cela leur
convient. Aujourd’hui Il y a des intérêts financiers immenses autour de
l’Autorité palestinienne. (...) » (5)
« La conclusion à laquelle j’arrive est que le « processus de paix »
n’est pas seulement un spectacle mais que c’est aussi un « business »
avec quantité d’organisations en tout genre et d’individus qui en
vivent : des diplomates, journalistes, experts en tout genre -dont je
faisais du reste partie lorsque je travaillais comme conseiller
juridique auprès de l’OLP- qui ont des intérêts propres à la poursuite
dudit « processus de paix ». Ce sont ces centaines de millions de
dollars et d’euros investis chaque année à perte qui -doublés de
l’incapacité à condamner Israël pour ses agissements- expliquent cette
fuite en avant, alors même que l’objet des négociations -le territoire
palestinien, Jérusalem-Est comme capitale de l’État palestinien, l’eau,
etc. a malheureusement largement disparu aujourd’hui ».(5)
Que se passera-t-il après ?
L’impression générale qui se dégage est que si l’Etat Palestinien est
reconnu, la Palestine perdrait définitivement le droit de négocier pour
le retour des réfugiés. « Les dirigeants palestiniens, écrit Majed
Kayali, ont tout misé sur les négociations sans se ménager des solutions
de repli.(...) Une partie des Palestiniens considère que cela
constituerait une grande victoire politique et diplomatique face à
Israël et rééquilibrerait le conflit israélo-palestinien puisqu’il le
transformerait en conflit entre deux Etats. De plus, font-ils valoir, ce
serait un pied de nez aux interminables et stériles négociations par
lesquelles Israël épuise les Palestiniens.(...) Que cela signifie-t-il
pour les réfugiés [palestiniens dans les pays arabes] ? Auront-ils la
nationalité de ce nouvel Etat ? En seront-ils des ressortissants à
l’étranger ? Seront-ils toujours considérés comme des Palestiniens ?
Seront-ils exclus de l’équation politique, à l’instar des Palestiniens
de 1948 [les « Arabes israéliens », qui sont restés sur place lors de la
création d’Israël en 1948] ? (...) Envisageons maintenant ce qui se
passerait en cas d’échec du vote à l’ONU, ce qui ne ferait plaisir à
aucun patriote palestinien puisque ce serait un succès pour Israël. La
direction palestinienne ne semble pas avoir prévu de plan B pour parer à
cette éventualité. ».(6)
Pour Pascal Boniface : « Il n’aura pourtant aucun effet concret
immédiat. Par ailleurs, quelle que soit l’issue du vote, la situation
concrète ne changera pas : les Territoires palestiniens continueront
d’être occupés par l’armée israélienne. Si le vote n’aura aucune
signification sur le terrain, il est de la plus haute importance
politique et symbolique. Du côté palestinien, cette stratégie
diplomatique est la confirmation de l’échec de l’Intifada armée mais
également l’impasse des négociations bilatérales avec Israël. Côté
israélien, (...) ils affirment que cela mettrait en danger le processus
bilatéral de négociations. Ils craignent surtout que cela montre leur
isolement au niveau international. Barack Obama, déjà en difficulté sur
le plan politique, ne veut pas prendre le risque de compromettre sa
réélection en 2012 à cause du dossier du Proche-Orient. Dire qu’un vote à
l’ONU va mettre en danger les négociations bilatérales est une
plaisanterie, pour employer un euphémisme. Celles-ci ne débouchent sur
rien et ne semblent n’être qu’un écran de fumée pour gagner du temps et
conforter des positions de faits accomplis en faveur d’Israël. (...) Le
vote va surtout montrer l’isolement d’Israël et le fort soutien à la
création d’un État palestinien. L’immense majorité des pays du Sud et
les grandes démocraties émergentes sont sur la même position. Les
rapports de force internationaux sont modifiés par la perte du monopole
de la puissance du monde occidental et par la montée en puissance des
pays émergents. Ne rien céder en tablant sur la protection américaine
n’est pas viable à moyen terme ».(7)
Pour rappel, le Sommet arabe de Beyrouth a adopté le 28 mars 2002, à
l’initiative de l’Arabie Saoudite, un plan de paix pour le Proche-Orient
- intitulé « Initiative de paix arabe » -. Le plan, adopté à
l’unanimité des 22 pays membres de la Ligue arabe, propose à Israël une
paix globale en échange de son retrait total des territoires arabes
occupés en 1967, y compris le Golan syrien, ainsi qu’une solution au
problème des réfugiés palestiniens. Il réclame « l’acceptation de la
création d’un Etat indépendant sur les territoires palestiniens occupés
depuis 1967 en Cisjordanie et dans la bande de Ghaza, avec pour capitale
Jérusalem-Est. En contrepartie, les pays arabes concluront un accord de
paix et établiront des relations normales avec Israël « dans le cadre
d’une paix globale » qu’Israël a qualifié d’« inacceptable ».(8)
Aux dernières nouvelles Mahmoud Abbas devant l’intransigeance des
Etats-Unis est prêt à donner du temps au Conseil de sécurité pour en
débattre. Il pousse le ridicule jusqu’à « examiner » la proposition
française de « Vatican » avec la promesse de négociations qui
naturellement ne déboucheront sur rien de concret. Que veut Israël ? La
paix proposée par les Arabes ou le chaos continu ? La proclamation
bâclée d’un Etat palestinien est un non-événement. Si elle devait
aboutir c’est du pain bénit pour Israël qui expulserait les Arabes
israéliens qui n’ont plus vocation à rester dans un Etat qui deviendra
l’Etat des Juifs. Mahmoud Abbas, une fois de plus, est démonétisé par un
Occident qui a chois son camp .Les Palestiniens à qui on a fait
miroiter cette utopie seront une fois de plus frustrés. Il reste que la
« communauté internationale » dans son ensemble, qui n’a pu faire
appliquer aucune des résolutions contre Israël, a une responsabilité
morale pour rendre justice au peuple palestinien qui aspire à vivre
dignement sur ce qui lui reste de sa terre.
Professeur Chems eddine ChitourEcole Polytechnique enp-edu.dz
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