ELWATAN-ALHABIB
samedi 28 mai 2011
 

La Nakba qui attend l’Amérique (Countercurrents)





William A. COOK
photo D. Lange - Ed. Phaidon

"A partir du moment où nous avons choisi d’assumer un rôle qui comprend la domination permanente du monde par les armes, nous nous sommes retrouvés seuls -craints, haïs, corrompus et corrupteurs, maintenant "l’ordre" par le terrorisme d’état et la corruption et adonnés aux rhétoriques mégalomaniaques et aux sophismes qui invitaient littéralement le reste du monde à s’unir contre nous. Nous sommes montés sur le tigre napoléonien. La question était -allions nous en en descendre un jour et serait-ce même possible ?" (Chalmers Johnson, The Sorrows of Empire 284).


La semaine dernière, la communauté mondiale a pu constater la justesse de la prémonition que Johnson a eue il y a six ans en voyant les efforts de Netanyahu et Obama pour contrôler le tigre lâché par la création de l’état d’Israël - à coup de fourberies, de terrorisme et de puissance militaire- au milieu du monde arabe, état qui doit maintenant faire face au printemps arabe qui naît des cendres des dictateurs déchus. La coercition, la corruption et la puissance militaire pouvaient créer une illusion de stabilité aussi longtemps que des accords fournissaient les milliards de dollars nécessaires à la police de la sécurité, à l’entraînement des troupes par les USA, au soutien technique et au matériel militaire qui maintenaient les dictateurs au pouvoir.

Mais deux facteurs : le fait que l’oligarchie issue des multinationales ("corpocracy") qui gouverne cet empire le contraint à obéir aux desideratas de son enfant adopté, et la guerre sans fin qu’il mène pour soutenir sa croissance économique, ont terriblement affaibli les USA comme le montrent leurs futiles efforts pour contenir le terrorisme dans tout le Moyen Orient. Désormais les USA se retrouvent sans pouvoir, sans ressources et sans amis, manipulé par les sionistes israéliens comme Sharon, Olmert, et Netanyahu qui méprisent la faiblesse des USA et tiennent son Congrès prisonnier par la force, la corruption et le mensonge, les mêmes méthodes qu’Israël a utilisées contre les peuples du Moyen Orient pour créer l’illusion de pouvoir.

Ironiquement dans son discours à l’AIPAC et à Netanyahu, lundi, Obama a dressé une carte démographique qui contraint Israël et la communauté mondiale à voir ce qui motive réellement le parti du Likoud au moment même où il prétend que "la paix est le premier objectif d’Israël". La population palestinienne de la Palestine historique sera égale à la population juive avant 2014 (Palestine Bureau of Statistics). Ce fait matériel (litt."sur le terrain") montre que les Palestiniens seront majoritaires à l’ouest du Jourdain ; L’ironie réside dans une déclaration du Likoud qui est passée inaperçue : "Le gouvernement d’Israël rejette absolument la création d’un état palestinien à l’ouest du Jourdain". Non seulement ceci signifie que le gouvernement israélien rejette totalement un état palestinien (d’une manière comparable en vérité au refus du Hamas de reconnaître Israël) mais il le fait alors même qu’il est confronté à l’évidence incontournable que les Juifs seront alors minoritaires en Palestine. Le refus d’un état palestinien aboutira donc à un état israélien non démocratique d’apartheid contrôlé par une minorité, comme l’Afrique du sud il y a des dizaines d’années.

Mais le discours d’Obama a été plus loin que les statistiques démographiques. Il a essayé d’expliquer aux Israéliens que les murs et les barrières de maillon de chaînes ne pourraient pas contenir les 6,1 millions de futurs Palestiniens même avec des barbelés, des tours de contrôle et de la haute technologie. Comment Israël pourrait-il contrôler une population supérieure en nombre à la sienne, entassée sur 15% de la Palestine historique pendant que sa propre population en occupe 85% ? (PCBS). Comment la communauté mondiale pourrait-elle accepter une situation d’une telle injustice, surtout que ces chiffres ne comprennent pas les 5,6 millions de réfugiés qui vivent dans divers pays arabes. Selon le droit international, ces personnes ont le droit du retour et beaucoup d’entre elles auraient le droit de revenir sur des terres qui sont maintenant revendiquées par Israël. Obama laisse entendre qu’Israël doit choisir entre accepter un accord qui donnerait assez de terre et de ressources aux Palestiniens ou affronter l’inévitable dissolution de l’état juif si la solution d’un seul état devient une réalité de facto. En 2002 le prince saoudien a proposé un plan de paix basé sur les frontières de 1967 qui incluait une totale reconnaissance de l’état d’Israël par tous les pays arabes. Israël et les USA l’ont rejeté d’emblée.

Obama n’a pas dit au gouvernement israélien ce qu’il devait faire, mais il a noté que les temps changent (times are a changin’). Il ne sera plus possible, sous-entend Obama, d’accueillir parmi l’élite les quelques personnes qu’on peut soudoyer pour qu’ils acceptent de signer avec Israël un pseudo accord de paix comme ceux qui ont été signés en Egypte et en Jordanie, ni de contraindre les pairs de Kadhafi à conclure des accords de pétrole juteux, ni d’envahir illégalement un pays qui n’a rien fait aux USA comme nous l’avons fait en Irak et en Afghanistan pour mettre en place des leaders complaisants qui feront ce que veulent nos entreprises. Non, les temps ont changé ; le nouvel arabe se rend compte que les ressources des USA s’épuisent, il est conscient de sa crise économique et de sa dette colossale, il voit l’étau qui se resserre sur les Juifs à cause de la croissance de la population palestinienne, il veut la justice pour lui-même et pour les Palestiniens et il sait qu’il peut forcer la communauté internationale à se réveiller à travers l’assemblée générale de l’ONU.

Obama n’a que trop conscience du peu de pouvoir qu’il a en tant que président des USA. Il sait que les réprésentants du peuple sont aux mains des multinationales et du lobby israélien. Cela signifie qu’il ne peut rien faire en matière de législation ni de politique étrangère ou intérieure s’il s’oppose aux sionistes qui contrôlent son gouvernement et qu’il ne sera pas non plus réélu. C’est un homme enchaîné et soumis à ses maîtres. Mais il sait aussi que cette soumission est un danger pour les USA, que ses soldats sont au service d’une puissance étrangère et que la haine des étasuniens brûle le coeur de ceux qui vivent sous la botte des troupes israéliennes.

Mark Perry fait état d’un briefing d’un caractère explosif unique de l’amiral Mullen selon lequel les dirigeants arabes les plus importants pensent que l’administration étasunienne est incompétente et incapable de tenir tête à Israël ; il parle aussi de ceux du General Petraeus qui voit la soi-disant "relation spéciale" avec Israël comme un risque pour les vies des Etasuniens et leurs intérêts.

Le briefing de janvier de Mullen était une première. Aucun commandant précédent du CENTCOM (Commandement central des USA) ne s’était jamais exprimé sur ce qui était considéré essentiellement comme une question politique ; c’est pourquoi ceux qui ont fait ce rapport à Muller ont insisté sur le fait que leurs conclusions étaient le fruit d’un tour de la région effectué en 2009 sur les instructions de Petraeus au cours duquel ils avaient parlé à des dirigeants arabes importants. "Partout où ils sont allés, le message était assez humiliant" a dit un officier du Pentagone qui connaît le briefing. "Non seulement les USA sont considérés comme faibles mais sa puissance militaire dans la région diminue." (voir Mark Perry, “Putting American Lives At Risk")

Voici la déclaration faite par le géneral Petraeus au nom du Centcom devant le comité des services armés du Sénat le 16 mars 2010 :

Il n’y a pas de progrès suffisant vers une paix générale au Moyen Orient. Le conflit qui ne se résout pas entre Israël et certains de ses voisins entrave notre capacité à faire avancer nos intérêts dans le territoire placé sous notre responsabilité (AOR). Les tensions entre Israël et les Palestiniens dégénèrent souvent en violences et en confrontations armées d’importance. Le conflit engendre des sentiments anti-étasuniens qui sont dûs au sentiment que les USA favorisent Israël. La colère arabe au sujet de la question palestinienne limite la force et la profondeur des partenariats entre les USA et les gouvernements et les peuples de l’AOR et entame la légitimité des leaders arabes modérés de la région. Al-Qaeda et d’autres groupes militants exploitent cette colère pour obtenir du soutien. le conflit augmente aussi l’influence à l’Iran sur le monde arabe à travers ses obligés, le Hizbollah au Liban et le Hamas.

Obama a compris les implications pressantes de la renaissance des aspirations humanitaires des peuples de Tunisie, d’Egypte, de Libye, du Barhein, du Yémen, d’Arabie Saoudite, de Syrie, de Jordanie, d’Iran et même de Palestine, surtout de Palestine, car ces aspirations submergent les bureaux des représentants de l’ONU pour exiger la reconnaissance des citoyens occupés et assiégés de Palestine. On s’attend à ce qu’en septembre prochain, l’Amérique Latine, l’Asie, la plus grande partie de l’Europe et tous les pays arabes acceptent comme membre à part entière l’état palestinien dans les frontières de 1967 et alors le long calvaire du peuple palestinien durant 63 ans d’un processus de paix toujours saboté par Israël, touchera à sa fin (Voir Jeff Halper, “Israel is the Problem,” The Plight of the Palestinians).

Ce vote va mettre Israël dans une position intenable parce que les USA vont être obligés de renoncer au rôle de protecteur d’Israël pour qui ils ont défié l’ONU pendant toutes ces années, faisant de l’ONU une institution sans objet et sans pouvoir et anéantissant les aspirations de la communauté mondiale. Les discours d’Obama devant le Congrès et l’AIPAC contraindront Netanyahu soit à accepter des négociations de paix qui verront la création d’un état palestinien viable soit à négocier avec l’ONU au lieu des Etats-Unis la création d’un état palestinien, une perspective qui ne plaît pas à Israël. Cependant la vérité est que l’état d’Israël a été reconnu par l’ONU par un vote de l’assemblée générale en 1949 rendant donc difficile un vote similaire au profit des Palestiniens. C’est seulement si l’ONU intervient pour établir des frontières légitimes aux deux pays, créant ainsi une situation équitable de départ, qu’une paix juste et réelle deviendra possible.

Netanyahu, au contraire, a ignoré ces implications et tenté de défendre la rhétorique mégalomaniaque d’Israël,

• une rhétorique qui fait grand cas de la menace contenue dans la charte du Hamas de ne pas reconnaître l’état d’Israël mais oublie de parler au monde du rejet pur et simple d’un état palestinien dans le propre programme du Likoud ;

• une rhétorique qui prétend que les frontières de 1967 sont indéfendables pour Israël tout en niant les massacres de Palestiniens avant et après la mise en oeuvre du plan de partition de l’ONU qui s’est soldé par la confiscation de 21000 dounams (1 dounam:1000m2) de terre en Galilée, Al-Muthalath et dans le Negev.

• une rhétorique qui déclare que les colonies doivent rester en Cisjordanie au même titre que l’autoroute d’apartheid que seuls les Juifs ont le droit d’utiliser en dépit du fait qu’il y a jusqu’à 517 774 Juifs éparpillés en Cisjordanie rendant une Palestine viable impossible tandis que 1496 dounams, de plus ont été confisqués pour construire le mur d’expansion et d’annexion pour les colonies en expansion ;

• une rhétorique qui exige que les Palestiniens reconnaissent Israël comme un état juif et démocratique même si cette définition est un oxymore qui a comme conséquence de faire des arabes israéliens des citoyens de seconde classe, tandis qu’Israël refuse la création d’un état palestinien à l’ouest du Jourdain ;

• une rhétorique qui exige que les Palestiniens rejettent la violence alors qu’Israël occupe leur pays illégalement ainsi que des terres libanaises et syriennes et a assassiné sans relâche des Palestiniens depuis sa création, un fait qui est attesté par d’innombrables résolutions de l’ONU.

En ce temps de commémoration, il faut que le peuple des USA réfléchisse sur le rôle qu’il a joué dans la naissance ratée de l’état d’Israël et la désastreuse catastrophe qu’a subie le peuple palestinien. Ironiquement, la plupart des Etasuniens ne peuvent se souvenir ni de la Déclaration d’Indépendance d’Israël ni de la Nakba et pourtant en 2011 leur existence économique, politique et internationale est tributaire des décades de soutien inconditionnel que le gouvernement étasunien à donné à l’état terroriste d’Israël. Ironiquement au moment où le président Obama donne un aperçu de ce que l’évolution de la situation au Moyen Orient lui inspire, le "soutien indéfectible" à l’état d’Israël a déjà provoqué la condamnation universelle de son pays considéré comme une nation qui a perdu son honneur, en qui on ne peut pas avoir confiance et à qui il faut mieux ne pas avoir à faire car il ne lui reste plus aucune velléité de rendre justice aux faibles et aux personnes sans défenses. Voilà peut-être ce qui mène la puissance étasunienne à la catastrophe : notre politique de domination du monde au profit de notre élite économique.

William A. Cook

William A. Cook est professeur d’Anglais à l’Université de La Verne dans le sud de la Californie. Il écrit fréquemment pour des sites Internet comme The Palestine Chronicle, MWC News, Atlantic Free Press, Pacific Free Press, Countercurrents, Counterpunch, World Prout Assembly, Dissident Voice, et Information Clearing House. Il a écrit plusieurs livres dont "Tracking Deception : Bush Mid-East policy, The Rape of Palestine, The Chronicles of Nefaria", un roman, et "The Plight of the Palestinians" qui va sortir. On peut le joindre à wcook@laverne.edu or www.drwilliamacook.com

Pour consulter l’original : http://countercurrents.org/cook2505...

traduction : D. Musele
 
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