Iran: la stratégie de
l'Occident pour
renverser
le régime peut-elle
réussir ?
I La diplomatie mondiale est aujourd’hui largement dominée par les relations plus que tendues entre le cheval de Troie de l’Etat hébreu qu’est l’Occident d’une part, la République Islamique d’Iran d’autre part. Sur toutes les tribunes régionales et mondiales, ceux qui se sont pompeusement autoproclamés « communauté internationale » alors qu’ils ne représentent même pas les 5 % des Etats de la Planète tentent de diaboliser le pays de Khomeiny. Leur volonté de renverser tout régime iranien qui s’oppose à leur domination du pays ne date pas d’aujourd’hui. Pour ne pas remonter très loin dans le temps, arrêtons- nous à l’époque contemporaine. I - Bref rappel historique En 1953, la loi sur la nationalisation des ressources pétrolières du pays fit passer l’Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), plus tard BP, sous la propriété iranienne. Les services secrets britanniques et américains concoctent alors un plan exécuté par la CIA afin de rester les tireurs de ficelles du pays : c’est le fameux plan Ajax (1) Ils organisent d’abord le boycott du pétrole iranien par le marché que dominent largement les USA et leurs alliés. Cette attaque économique est combinée à une offensive politique. En effet, les Occidentaux commencent par acheter un à un les parlementaires du Front National, qui a porté Mossadegh au pouvoir. Sentant venir la menace, le Premier Ministre organise le 03 Août 1953 un referendum pour dissoudre le parlement. Le peuple appuie à une écrasante majorité Mossadegh. Cette éclatante victoire politique n’arrête pas l’ardeur des ennemis de l’Iran qui passent à l’offensive. Des manifestations et des émeutes fomentées et financées par les services secrets anglais et américains éclatent dans le pays. Le 15 Août, Le Shah, convaincu du soutien des Américain et des Anglais décide, en toute illégalité de destituer Mossadegh pour le remplacer par le Général Zahedi. On connaît la suite : le renversement du gouvernement démocratiquement élu et l’instauration d’une sanglante dictature. Une longue période de terreur s’installa avec la redoutable police politique du Shah : la « Savak ». Bien sûr le contrôle du pétrole revint aux Occidentaux qui fermèrent les yeux sur les malheurs du brave peuple iranien. La reconnaissance en 2000 du rôle des USA dans la chute de Mossadegh par Madame Madeleine Albright Secrétaire d’Etat de l’Administration Clinton et les tardives excuses du Président Barack Obama le 04 Juin 2009 lors de son message adressé aux musulmans ne confirment que ce que tout le monde savait déjà. II – Tentatives de renversement du régime iranien Depuis la révolution islamique de 1979, l’Occident remue ciel et terre pour reprendre pied en Iran. Les Etats-Unis et leurs alliés ont d’abord armé et poussé le régime de Bagdad à attaquer l’Iran dès le lendemain de la révolution, précisément le 22 Septembre 1980. Pour faire durer le conflit et affaiblir les deux belligérants au bénéfice d’Israël, les USA ont secrètement armé l’Iran lorsqu’il était en mauvaise posture (2). L’Irak surarmé n’a pas réussi à renverser le régime iranien. Voulant pousser des ailes, Saddam Hussein a été piégé. On lui a fait comprendre que la conquête du Koweït serait sans conséquences et il a mordu à l’hameçon. Reste maintenant à réserver le même sort à l’Iran. Tous les actes posés par les USA et leurs alliés laissent croire que le scénario de la 2e guerre du Golfe est en train d’être repris contre l’Iran. En prenant prétexte du nucléaire iranien, l’Occident, avec à sa tête non pas Obama mais le « Bush » français Nicolas Sarkozy, cherche par tous les moyens à rééditer le coup irakien. Comme dans l’affaire irakienne, dans laquelle on a parlé de tentatives de fabrication d’armes nucléaires, de possession de redoutables armes chimiques et bactériologiques prêtes décimer les Occidentaux et leurs alliés, on cherche encore dans le cas iranien à faire peur pour atteindre des objectifs précis mais inavoués. Comme dans le cas irakien, ici encore, on cherche à instrumentaliser l’ONU que l’on n’hésitera pas encore à jeter comme un mouchoir de papier une fois les objectifs atteints. Tout le monde se souvient que Bush et ses alliés ont utilisé les Nations-Unies pour imposer un blocus criminel qui a pratiquement mis l’Irak à genoux. Quand il a fallu passer à la deuxième phase du plan, les agresseurs ont fait fi de l’organisation. Ils l’ont même vilipendée pour son inefficacité. Aujourd’hui, la même démarche est encore adoptée contre l’Iran pour le même objectif : asphyxier le pays avant de passer à l’attaque militaire. Comme dans le cas irakien, l’Occident mise sur des techniciens des organisations onusiennes, sur les chefs surtout. Ces spécialistes dont certains sont des agents de services secrets sont irremplaçables pour tromper les opinions publiques. Ce fut le cas Richard Butler de l’Unscom dans le cas irakien. L’actuel directeur général de l’AIEA, le japonais Yukiya Amano est en train de prendre la même direction dans le cas de L’Iran. Les Etats-Unis et leurs alliés ont profité des missions d’inspection en Irak pour se livrer à du renseignement militaire. Mêmes les palais présidentiels ont été visités avec arrogance, des inspecteurs se permettant de casser murs, carreaux et autres objets de valeur dans leur recherche d’éléments compromettants. L’Occident demandera la même chose contre l’Iran. Rien ne le satisfera et il demandera toujours des preuves supplémentaires. A la veille et pendant les guerres du Golfe et de l’Afghanistan, une reprise en main du dossier palestinien a toujours été évoquée pour endormir les peuples arabes et musulmans. Tout le remue-ménage actuel sur ce dossier est à placer dans ce cadre. Mais que faire concrètement pour renverser le régime iranien et vassaliser de nouveau le pays ? Tout ce qui a réussi ailleurs est essayé contre la patrie d’Ahmedinjad. Le coup tordu des troubles intérieurs financés et appuyés de l’extérieur a été essayé mais n’a pas donné les résultats escomptés. L’activation de la 5e colonne au lendemain des élections présidentielles a lamentablement échoué. D’ailleurs, les fauteurs de troubles pro-occidentaux donc indirectement pro-sionistes ne font que profiter des cérémonies officielles pour faire du bruit que les media occidentaux se précipitent à amplifier à leur guise. Un autre casse-tête pour les impérialistes est de trouver une armée prête à trahir sa nation et renverser le pouvoir démocratiquement élu. Alors qu’autrefois les services de renseignement des pays occidentaux recrutaient facilement des hommes liges parmi les officiers et sous-officiers de l’Iran, aujourd’hui, ils ont en face d’eux une armée aguerrie et incorruptible, sans compter les gardiens de la révolution qui portent bien leur nom. La révolution iranienne et le régime qui en est issu seront défendus non pas seulement par ces hommes et femmes, mais aussi par tout le peuple. Mais pas seulement par les iraniens. Il ne fait pas l’ombre d’un doute que des millions d’étrangers éparpillés au quatre coins du monde sont également prêts au sacrifice suprême pour barrer la route aux agresseurs. La plupart des pays arabes et musulmans sont déjà sous les pieds de l’Occident. Ils n’ont même plus le courage de protester devant les crimes d’Israël contre leurs frères de Palestine et du Liban. Au contraire, ils observent une neutralité bienveillante s’ils ne jouent pas leur partition dans le concert de l’impérialo-sionisme comme le fait si bien l’Egypte de Moubarack. Et contrairement à l’Iran qui fait des progrès fulgurants dans tous les domaines pour renforcer sa souveraineté et améliorer son avenir, ces pays ne sont que les pions et les vaches à lait de l’Occident. En misant aveuglément sur une chute du régime iranien par tous les moyens y compris militaires, Washington et ses alliés font encore fausse route. Ils n’ont manifestement pas tiré les leçons de leur échec en Irak et en Afghanistan. Ces deux pays exsangues et épuisés se sont révélés indigestes contrairement aux calculs des stratèges les plus chevronnés. Bush, dans un rêve fou a voulu occuper ces deux pays carrefour tout en encerclant l’Iran la prochaine cible. La récupération de ce pays qui occupe une position plus que stratégique complétera le remodelage de l’Asie. Ainsi, le contrôle des réserves mondiales d’hydrocarbure sera total et la Chine sera contenue dans son évolution menaçante pour la suprématie occidentale. Le casse-tête iranien Cela ne paraît pas évident. L’Iran avec ses 1.648.195 km2, c’est plus que l’Irak (437.072 km2) et l’Afghanistan (652.000 km2) réunis. La population iranienne qui fait 74 millions d’habitants est sans commune mesure avec celle de l’Irak (30 millions d’habitants) et celle de l’Afghanistan (32 millions). De là, il apparaît que le plus téméraire des généraux ne pensera jamais à envahir l’Iran. Quels sont alors les scénarios possibles? Il y en a deux : bombarder le pays avec des armes conventionnelles ou le faire avec des armes nucléaires. Etudions ces deux hypothèses. 1) - Attaquer l’Iran par les airs. Bombarder un pays aussi vaste, de surcroît montagneux et qui a les moyens d’abattre un nombre élevé d’appareils et de missiles sera inefficace. Toutes les installations sensibles iraniennes sont hyper protégées. Les bombardements quotidiens de l’aviation anglaise et américaine qui avait fait de l’Irak de Saddam Hussein leur terrain d’entraînement et d’expérimentation d’armes nouvelles ont montré que ce mode opératoire est très loin d’être décisif, même contre un pays complètement à terre. Il a fallu la 2e guerre du Golfe avec une meurtrière intervention terrestre pour donner le coup de grâce au régime. Saddam était honni par l’écrasante majorité de sa population et par les dirigeants des Etats voisins. L’Iran , par contre, a un régime démocratiquement élu et soutenu par la majorité de sa population quoiqu’en dise la propagande occidentale. La première bombe des USA ou d’un de leur allié sur l’Iran signera l’arrêt de mort de l’opposition intérieure pro occidentale. La population fera bloc autour de ses dirigeants qui seront encore plus forts. Et rien ne sera réglé. Au contraire. Tout ce qui a été échafaudé en Irak et en Afghanistan s’effondrera comme un château de cartes. Les soldats de l’Otan et autres pays occidentaux encore stationnés en Irak, en Afghanistan et dans les autres pays de la région paieront le prix fort de cet aventurisme. Reste alors l’alternative de la guerre non conventionnelle. 2) - Utiliser les armes nucléaires Avec les Occidentaux et les Israéliens, aucune hypothèse n’est à écarter, mêmes les plus folles. Il faut se rappeler l’histoire de l’USS Liberty que l’administration Johnson a monté de toute pièce pour voir ce dont ils sont capables. Dans le but de trouver un prétexte pour entrer directement dans la guerre israélo-arabe de 1967, les Américains se sont entendu Israéliens. Ces derniers bombardent, comme convenu le navire américain pour que la responsabilité en soit imputée à l’Egypte. 34 marins américains furent tués et plus de 171 blessés lors de l’attaque menée par l’aviation et la marine de l’Etat sioniste. Les USA n’entreront pas en guerre pour des motifs que nous ignorons. L’affaire fut classée sans suite et tous les membres survivants de l’équipage du navire mutés dans des unités différentes. Nous faisons ce rappel pour montrer que les Occidentaux, pour trouver un casus belli leur permettant d’attaquer l’Iran avec des armes nucléaires miniaturisées ou non, sont capables de bombarder ou de faire bombarder leur propre population pour ensuite l’attribuer au pays des Mollah. Ce scénario n’est pas à écarter. Le 11 Décembre 2002, à la veille de la 2e guerre du golfe, la Maison Blanche n’a-t-elle pas rendu public un document par lequel le gouvernement américain dit se réserver «le droit de répondre avec une force écrasante, y compris par l’utilisation de toutes les options à sa disposition, à l’emploi d’armes de destruction massive contre les USA, leurs forces à l’étranger, leurs amis ou leurs alliés » ? L’allusion aux armes nucléaires ne fait aucun doute ici. Mais employer ces armes pour la deuxième fois et être le seul pays au monde à les avoir utilisées est un grand risque dont les américains ne maîtrisent ni les tenants, ni les aboutissants. Un deuxième usage de l’arme nucléaire, sous prétexte de simples menaces iraniennes jamais prouvées condamnerait à jamais les USA devant le tribunal de l’Histoire. Aucun ressortissant de l’Occident ne serait plus en sécurité nulle part dans le monde. D’ailleurs ni la Russie, ni la Chine géographiquement proches de l’Iran ne permettrait à qui que ce soit de les exposer aux effets incalculables d’une quelconque explosion d’armes nucléaires. Quelle possibilité reste-t-il ? Laisser l’Iran suivre paisiblement sa marche inexorable vers le progrès scientifique, technique, économique et social, synonyme d’une nouvelle ère dans l’ordre mondiale. Le complexe militaro-industriel ne doit pas diriger le monde. C’est lui qui invente toujours un ennemi extérieur pour sauvegarder ses intérêts. Hier c’était le Bloc de l’Est, aujourd’hui c’est la Corée du Nord qui dispose pourtant d’armes nucléaires mais qui est jugée moins dangereuse que l’Iran qui n’en dispose pas et ne veut pas en disposer. «Les armes nucléaires pour personne, l’énergie nucléaire pour tous ». Ce slogan de l’Iran traduit la conviction de tous ceux qui aspirent à la paix et au progrès. Abdoulaye LO e.mail : abdoulayelo80@yahoo.fr 1 - Hélène Carrère d'Encausse, « Le conflit anglo-iranien, 1951-1954 », Revue française de science politique, Vol. 15, n°4, 1965, pp. 731-743. 2 - Julie Wolf, « The Iran-Contra affair [archive] », 2000, The American Experience:, PBS - Steve Avery, « Irangate: Iran-Contra affair, 1985-1992 », in u-s-history.com 2005
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