Noam Chomsky, philosophe, adversaire de la politique menée par la Maison-Blanche
Pourfendeur acharné des va-t-en-guerre !
La mise au pas des individus, même avec les meilleures intentions du monde, va à l’encontre de la nature et ne conduit pas à la paix et à la sérénité mais au fanatisme et à la guerre. J’ai beau chercher la vérité dans les masses, je ne la rencontre, quand je la rencontre, que dans les individus. La calomnie est comme la fausse monnaie : bien des gens qui ne voudraient pas l’avoir émise la font circuler sans scrupule. Les Etats-Unis, en fait, constituent l’une des cultures les plus religieuses, les plus extrêmes et fondamentalistes du monde, non pas en tant qu’Etat, mais comme culture populaire .
Eminent linguiste, dont les ouvrages font référence, il s’est davantage fait connaître grâce à sa philosophie politique radicale et ses analyses qui en ont fait un spécialiste de renommée mondiale. L’homme est audacieux et ne met pas de gants pour dénoncer la politique actuelle de l’Administration Bush qui constitue indéniablement une rupture avec la position traditionnelle des Etats-Unis, dont l’équation aujourd’hui est ambiguë. Dominer le monde ou sauver la planète ? La question ainsi posée tourmente notre philosophe qui a écrit un livre sur le thème en s’appuyant sur un travail de recherche de premier ordre et sur l’exploitation de nombreuses archives. Chomsky Noam analyse avec autant d’indignation que d’humour le discours du projet américain dont il souligne l’illogisme et l’injustice. Il cite, à ce propos, Bertrand Russel qui avait conçu un jour de sombres pensées sur la paix mondiale : « Après bien des âges où la terre a produit d’inoffensifs trilobites et papillons, l’évolution a progressé jusqu’à engendrer des Néron, des Gengis Khan, des Hitler. Mais il s’agit, je crois, d’un cauchemar passager. La paix reviendra. » Pour Chomsky, la prévision est sans nul doute exacte à un certain niveau. L’important est de savoir si nous parviendrons à nous réveiller du cauchemar avant qu’il n’engloutisse tout et à donner un peu de paix, de justice et d’espoir au monde, ce qui aujourd’hui même est à portée de nos moyens d’action et de notre volonté. Comme l’écrit son ami Chesney, « L’ordre nouveau actuel a engendré des crises économiques et politiques de très grande ampleur partout à travers la planète. La société est le théâtre d’une agitation considérable. Il faut s’attendre à d’énormes bouleversements dans les années à venir.
Un avenir incertain
Toutefois, on ne sait guère sur quoi ils déboucheront et il y a peu de raison de croire qu’ils trouveront nécessairement une solution démocratique et humaine. L’issue en sera déterminée par la manière, dont nous, le peuple, saurons nous organiser, réagir et agir. » En écho, Chomsky, dans une réplique, démonte les rouages de l’impérialisme américain. Avec une remarquable acuité, il passe au crible les mobilisations des altermondialistes, les dysfonctionnements de l’ONU et son impuissance devant l’oncle Sam, les fondements de l’économie mondiale : Chomsky démontre, citations à l’appui, comment les gouvernements des Etats-Unis, n’ont de cesse de violer la déclaration universelle des droits de l’homme, tout en l’utilisant contre leurs ennemis. La vision de Chomsky sur les rapports sociaux, si elle est originale, n’en est pas moins riche en enseignements. Pour lui, « la liberté d’expression pour être réellement le reflet d’une vertu démocratique, ne peut se limiter aux opinions que l’on approuve, car même les pires dictateurs sont favorables à la libre diffusion des opinions qui leur conviennent. En conséquence de quoi la liberté d’expression se doit d’être défendue, y compris et même avant tout pour les idées qui nous répugnent. » C’est que, depuis le démantèlement du bloc socialiste, les Etats-Unis étrennent en solo le dogme néo-libéral, sous couvert de mondialisation pour défendre au mieux leurs intérêts stratégiques et assurer leur domination sur le reste du monde. Pour Chomsky, « la compétition est truquée et les pays riches en position de force recourent à toutes sortes de mesures qui sont autant de violations déguisées de la liberté qu’ils prétendent défendre. »
Une compétition truquée
Chomsky qui avait été l’un des premiers à condamner l’invasion de l’Irak avait par la suite procédé à des analyses pointues à ce sujet, qui avaient mis dans l’embarras les experts du Pentagone. Il avait déduit que les véritables motifs n’étaient pas très obscurs ni difficiles à comprendre. « Il existe depuis longtemps un intérêt pour cette zone. L’Irak possède la seconde réserve de pétrole du monde et en ce sens, contrôler le pétrole irakien et de surcroît établir des bases militaires américaines en Irak, placerait les Etats-Unis dans une position plus forte pour dominer le système énergétique international. Contrôler l’approvisionnement mondial du pétrole a toujours été l’axe directif de la politique des Etats-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. » Chomsky pousse plus loin son analyse pour affirmer que Washington ne s’en tiendrait pas seulement à l’Irak. D’autres cibles sont dans sa ligne de mire. « Les Américains en ont besoin pour la prochaine élection présidentielle et pour cela, ils poursuivront leur aventure belliqueuse. Les prochaines cibles ? La Syrie est une possibilité. Israël serait ravi de participer. Véritable base militaire offshore des USA, Israël détient une force militaire énorme. Ses forces aériennes et terrestres sont plus importantes et plus avancées que toutes celles des pays qui forment l’OTAN et les Etats-Unis sont derrière tout cet énorme appareil militaire. L’Iran est une autre option, bien que plus complexe parce que c’est un pays difficile à dominer et à contrôler. » A propos du 11 septembre 2001, Chomsky s’est fendu d’un opuscule original, loin des thèses généralement répandues. « Ces attaques, soutient-il, sont indirectement les conséquences de la politique américaine. Leurs auteurs proviennent de réseaux terroristes dont les racines plongent dans les armées mercenaires organisées, entraînées et armées par la CIA.
La CIA à la base de tout
L’organisation de ces forces armées a commencé en 1979 lorsque des appuis secrets ont été apportés aux Moudjahidine qui se battaient contre le régime Afghan, en une tentative qui a même piégé les Soviétiques. Comme les informations concernant le terrorisme international sont devenues par trop embarrassantes à répéter par Washington, l’objectif est devenu la promotion de la démocratie. Les médias ont rapidement bondi sur l’occasion, ont vite découvert qu’il s’agissait de la guerre la plus noble de l’histoire, poursuivant la mission messianique de Bush d’apporter la liberté et la démocratie au monde. » Dans un autre registre, Chomsky est persuadé que la principale menace contre les intérêts américains dans le tiers-monde, c’est tout mouvement ou parti politique qui souhaite corriger la position déséquilibrée de son pays et utiliser ses richesses nationales dans l’intérêt de la majorité de son peuple. Les Américains vont devoir s’affronter aux forces qui proposent des politiques socioéconomiques plus égalitaristes et donc menaçant leurs intérêts. Chomsky est sans appel dans ses prédictions en direction du monde arabe : « C’est un monde désorganisé et chaotique où existent des régimes hautement autoritaires et brutaux. Nous ne savons pas quelles sont les attitudes populaires les plus fortes. Les enquêtes faites par les experts américains aboutissent à des résultats dramatiques. » Dans le monde arabe, note-t-il, une majorité écrasante de la population manifeste le désir que les leaders religieux aient un rôle plus important dans la gouvernance. Un pourcentage semblable autour de 95% croit que l’unique intérêt américain pour la région est d’avoir accès au pétrole et de fortifier Israël en humiliant encore plus les Arabes. Il s’agit, selon lui, d’une opinion quasi unanime.
Les arabes ces mal- aimés
Aussi, s’il existe une quelconque expression populaire qui peut surgir dans la région ou un quelconque type de mouvement démocratique, ce ne sera pas automatiquement un gouvernement islamiste radical, en tous cas un courant islamiste plus énergique que celui qui existe actuellement en divers pays. « Je crois, estime Chomsky, que ce serait le dernier souhait des USA, toute alternative démocratique se transformera immédiatement en une féroce opposition à la Maison-Blanche. » Mais les voix en faveur d’une démocratie laïque sont également hostiles aux USA. Si elles peuvent évoquer librement, par exemple, la violation des résolutions des Nations unies, ces voix présenteraient le cas d’Israël qui bat les records de l’Irak en la matière. Mais il est clair que l’Etat hébreu jouit de la protection des Etats-Unis. Chomsky en déduit que Washington continuera à appuyer les régimes non démocratiques oppressifs de par le monde comme par le passée, de la manière dont cela se passe en Amérique latine depuis de nombreuses années. Est-ce un hasard si cette région du monde a basculé à gauche ? Hugo Chavez, porte-parole de ces protestataires, n’a-t-il pas comparé Bush au diable, du haut de la tribune onusienne ? Le leader vénézuélien a racheté un tiers de la dette argentine pour aider ce pays à se libérer de l’emprise du FMI « appendice » du Trésor des Etats-Unis qui a eu un effet dévastateur en Amérique latine. « Pourtant, l’Argentine était l’enfant modèle du Fonds monétaire, c’était merveilleux. Elle faisait tout correctement. On demandait à tout le monde de suivre les mêmes politiques. Et bien, ce qui est arrivé, c’est que cela s’est terminé par une catastrophe économique. L’Argentine est parvenue à se sortir de ce désastre en violant radicalement les principes du FMI : voilà où mènent les options suicidaires de l’impérialisme », tempête le philosophe qui avait été pris à partie par les néo-réactionnaires français, à leur tête le sulfureux mais non moins sioniste Finkielkraut, à propos de l’holocauste. « Quand on est convaincu et sûr de ses convictions, même les tempêtes les plus fortes ne peuvent ébranler notre sérénité », leur avait-il répondu indirectement avec le flegme qu’est le sien…
Parcours
Né à Philadelphie (Pennsylvanie) en 1928, Noam Chomsky est un linguiste de renommée mondiale. II est aussi philosophe et homme politique radical. II est professeur à l’université du Massachusetts, membre de l’Académie américaine des arts et des sciences. II s’est vu décerner dix grades honorifiques d’universités de par le monde. En 1988, le Japon lui a remis le prix des sciences fondamentales de Kyoto. II a notamment publié Responsabilité des intellectuels (Agone 1999). La conférence d’Albuquerque (Alia 2001), De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis (Agone 2001), Deux heures de lucidité (Les Arènes 2001), La loi du plus fort (Le serpent à plumes 2002), Le bouclier américain (Le serpent à plumes 2002). Chomski sillonne le monde pour donner des conférences.
Hamid Tahri
Le syndicat de la paranoïa et du crime
13-02-2008
Barack ObamaLa conférence annuelle des présidents de la myriade des organisations juives américaines se tient actuellement à Al Qods. Dans le contexte des primaires en vue de l’élection du futur occupant de la Maison Blanche, les candidats sont observés et annotés par le Lobby. Barack Obama n’avait pas soutenu pleinement la demande de Hillary Clinton que les Gardiens de la Révolution Islamique soient enregistrés comme organisation terroriste, la suspicion est donc jetée sur lui.
Certes, il a beaucoup de soutien parmi les Juifs étasuniens et la sécurité d’Israël passe avant tout pour lui, mais son manque de spontanéité pour aller bombarder de suite l’Iran est de très mauvais augure. À punir.
Malcom Hoenlein, président de cette rencontre, soupçonne une dérive de l’orthodoxie étasunienne pour son attitude vis-à-vis d’Israël dont le moindre des signes est la vente par centaines de milliers de l’ouvrage de Walt et Meirsheimer. La thèse centrale du livre en est la sujétion des affaires étrangères des US(a) aux intérêts strictement israéliens. Le seuil de tolérance de l’antisémitisme serait ainsi abaissé et autre symptôme redoutable, Ron Paul, le candidat républicain et le deuxième à être préféré de l’électorat jeune, qui affiche ne pas affectionner Israël a été capable de collecter quinze millions de dollars en deux jours.
De plus en plus, Israël est perçu comme une entité militariste comme le révèleraient des sondages commis par le Lobby.
Autrefois, un tel milieu aurait été signalé comme un Syndicat du Crime, pour toutes les exactions commises à l’encontre des Palestiniens, aujourd’hui des groupes aussi puissants sont en plus un Syndicat de la Paranoïa.
Dans l’intervalle de deux rondes de Condoleeza Rice et de David Welch, les constructions illégales de colonies vont se poursuivre. Moins d’un mois après l’annonce de la judaïsation-israélisation de Har Homa, le gouvernement sioniste promet la construction de mille nouveaux logements à Jérusalem-Est , ce qui a amené Al Qurraï ancien premier ministre de Arafat, dévoué plus que de raison à la cause sioniste, à protester que les négociations de paix qui devaient suivre la comédie d’Annapolis sont compromises.
Le Syndicat de la Paranoïa ne voit pas lorsque les assassinats d’enfants palestiniens par des soldats addictifs à la violence sous toutes ses formes et gratuites sont absous avant même qu’un quelconque procès ne soit instruit. Ses membres ont raison de devenir de plus en plus paranoïaques.
Il ne devrait pas s’étonner que les sionistes soient vus pour ce qu’ils sont, de vulgaires voleurs, la récente descente dans les boutiques de change en Cisjordanie qui a allégé les bourses déjà bien maigres des Palestiniens de huit cent quarante mille dollars est une réédition du vol du contenu des coffres de l’Autorité en 2004 à Ramallah, redoublée d’assassins.
Le plus pitoyable dans cette orgie d’injustices et d’hubris, c’est qu’il ne manque pas d’éditorialistes qui titrent sur Sderot, la nouvelle STALINGRAD, osant comparer les quelques rares victimes de roquettes artisanales, versus une moyenne quotidienne de tués de 2 à 5 par jour, aux millions de tués sous l’offensive nazie.
Pitoyable, inacceptable.
Convergence des Causes
13 février 2008