Qui sont les putchistes ? Les miliciens du Hamas ou ceux qui voila un an ont refusé de reconnaitre le résultat des urnes et provoqué au désespoir par d’injustes sanctions collectives ? Analyse de Peter Beaumont, pour l’Observer.
Par Peter Beaumont, The Observer, 17 juin
Voici comment fonctionne la politique au pays des merveilles d’Alice en Palestine sous la tutelle des USA et de la communauté internationale. Après des années où on leur a enjoint de tenir des élections et d’adopter un fonctionnement démocratique, les palestiniens, voila un an et demi, ont régulièrement élu le Hamas par 44% des votes contre le Fatah qui en a obtenu 41%.
C’était une élection correcte, comme l’a observé à l’époque l’ancien président Jimmy Carter. Une élection libre, sincère, exprimant exactement les désirs des palestiniens fatigués de l’inefficacité, de la corruption et du gangstérisme du Fatah. Le problème c’est que ce choix ne réflétait pas les attentes de Washington et de la communauté internationale.
Et bien que l’on ne puisse ignorer que le Hamas, qui refuse de reconnaitre l’existence d’Israel et a soutenu les attentats suicides, soit une organisation menaçante, il n’y eu aucune tentative d’ouverture du dialogue comme celle qui avait été pratiqué depuis des années avec le Fatah, dont les militants avaient eux aussi perpétrés des dizaines d’attentats.
Maintenant, après des mois d’embargo financier par l’Europe et les USA du gouvernement dirigé par le Hamas, après le financement et le soutien au Fatah du président Abbas, après cet étranglement lent de la société palestinienne qui a entrainé sa désintégration, qu’avons nous obtenu ? Une quasi guerre civile à Gaza, une dissolution du gouvernement par décret, et un nouveau premier ministre Salam Fayyad, nommé avec la bénédiction explicite des USA.
Permettez moi de rappeler les antécédents démocratiques de Fayyad, un économiste intelligent et remarquable, généralement considéré comme indemne de corruption. En n’importe quelle autre circonstance, il serait l’homme idéal. Mais lors des élections Législatives remportées par le Hamas l’année dernière, sa liste a obtenu 2,4% des voix. Ce n’est pas exactement le profil populaire pour diriger une société en voie d’effondrement. Ce n’est pas là le seul problème. Les connaisseurs de la vie politique palestinienne ne basent pas leur appréciation du manque de crédit politique de Fayyad uniquement sur son faible score aux élections.
Ils vous diront qu’il est largement inconnu de la plupart des palestiniens, qu’il n’a pas le soutien d’un appareil politique, et que sa co-listière Hanan Ashrawi est impopulaire auprès de nombreux palestiniens.
En réalité les seuls appuis qui sont effectivement derrière Salam Fayyad sont les diplomates européens et américains, qui chantent ses louanges depuis déjà longtemps devant tout journaliste qui veut les entendre.
Ainsi, le Président Bush et les autres membres du Quartet ont eu ce qu’ils voulaient. Abbas, plein de dévouement, s’est rendu chez le consul général américain à Jerusalem, avec à sa remorque Mohammed Dahlan, l’homme qui est largement considéré comme celui qui a démarré le cycle des violences à Gaza. Et à la fin de la réunion, le boycott des fonds américains pour le gouvernement palestinien était levé.
Il est difficile de ne pas être désabusé. La société palestinienne a été étranglée jusqu’à la douleur, punie collectivement pour avoir voté pour le mauvais parti. Et lorsque l’explosion inévitable a eu lieu la semaine dernière, Abbas a finalement renvoyé le Hamas, comme les USA l’y encourageaient depuis des mois, durant lesquels il hésitait.
Alors, quel a été le vrai coup d’état ? La sanglante attaque du Hamas contre les gangsters violents du Fatah qui terrorisaient Gaza depuis un an ? Ou la décision inconstitutionnelle prise hier par Abbas avec le soutien des américains ?
Quelle que soit la réponse, encore une fois, ce sont les palestiniens qui vont souffrir.
Peter Beaumont est responsable du service étranger à l’Observer
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