Les néo-cons et Léo Strauss
La plupart des néo-cons sont d’anciens trotskistes anti-communistes. Léo Strauss connaît un grand succès auprès d’eux et beaucoup d’entres eux le considèrent comme leur maître à penser.
Léo Strauss est un philosophe allemand qui a adhéré au sionisme puis s’en est séparé quelques années plus tard. Néanmoins il n’a jamais cessé de porter Israël dans son cœur « Eh bien, son cœur était à Jérusalem et sa tête à Athènes » a déclaré un membre de sa famille.
« Israël est le seul pays qui en tant que tel est un avant poste de l’Occident en Orient. De plus, Israël est entouré d’ennemis mortels en supériorité numérique écrasante » déclare Strauss lui-même « Israël est une bénédiction pour tous les juifs, où qu’ils soient, qu’ils l’admettent ou non » rajoute t-il.
Léo Strauss prône la démocratie libérale et le « droit naturel » ; il abhorre le multiculturalisme, l’état-providence et le relativisme. Selon lui, le relativisme conduit à l’affaiblissement moral des démocraties libérales « si toutes les valeurs sont relatives, alors le cannibalisme est une affaire de goût » précise t-il.
Les adeptes de Léo Strauss appliquent le principe du non relativisme et du droit naturel à la démocratie et à la liberté qui sont, selon eux, des valeurs immuables valables n’importe où et n’importe quand.
Léo Strauss défendait l’usage de la force ; il avait d’ailleurs rejeté le traité de non prolifération nucléaire qu’il considérait comme une faiblesse vis-à-vis de l’ex URSS.
De la même façon ses disciples légitiment le recours aux armes et trouvent en la stabilité un grand danger [3] : « nous voulons la révolution, nous ne voulons pas la stabilité et nous voulons faire tomber tous les tyrans ... nous sommes un pays messianique. Et notre message à l’adresse du monde est notre vision messianique : le triomphe de la liberté, partout dans le monde. C’est quelque chose qui fait partie de notre ADN » rapportent-ils dans le séminaire de l’AEI.
(A propos de l’ADN, un livre paru en septembre 2004 qui a fait la une du Time Magazine et une page entière lui était consacrée dans Washington Post prétend que la spiritualité est inscrite dans nos gènes et que seule notre culture déterminerait notre appartenance à telle ou telle religion. Ainsi, « les grandes valeurs américaines de liberté et de démocratie » sont-elles inscrites dans les gènes américains ?)
Les néo-conservateurs et les nazis
Adepte du nazi Carl Schmitt et de Heidegger, Léo Strauss et son disciple Allan Bloom diffusaient certaines doctrines de Schmitt. Ce qui ne veut pas dire que Strauss n’était pas critique vis-à-vis des textes de Schmitt mais ce qui est sûr c’est que ses critiques n’étaient pas prises en compte par ses disciples néo-conservateurs.
Les néo-conservateurs puisent l’essentiel de leurs idées dans les doctrines Schmittiens qui ont servi aux fondements de l’état nazi notamment en matière d’état d’exception et donc du droit public, de sécurité intérieur et de politique internationale [4]. L’état d’exception permanent préconise que l’exception peut devenir la règle permanente. En ce qui concerne l’état nazi, l’état d’exception a suspendu tous les articles de la Constitution de Weimar garantissant les libertés individuelles ; cette suspension fut reconduite de façon permanente et on peut considérer l’ensemble du IIIe Reich comme un état d’exception qui dura douze ans.
L’état d’exception permanent désigne la dictature comme seul moyen de sauver l’état en cas de menace interne, que cette menace soit réelle, imaginaire ou créée de toute pièce.
Au lendemain du 11 septembre, John Ashcroft, ministre de la justice, adopte la loi Patriot Act II qui répond aux objectifs et attentes du PNAC. C’est une loi d’exception à durée limitée mais à effet permanent. Cette mise en état d’exception s’inspire de la théorie de l’état d’exception citée ci-dessus. L’équivalent de cette loi fut appliquée par les autorités nazies au lendemain de l’incendie du Reichstag. Cet incendie criminel provoqué par les nazis eux même mais qualifiée « d’attentat terroriste perpétré par les communistes » (terme qui désignaient les juifs selon la terminologie nazie) a servi d’alibi à l’état d’exception.
Les néo-cons ne s’inspirent pas seulement des principes Schmittiens, ils puisent leurs idées aussi dans celles d’Hitler lui-même.
Ainsi Richard Perle et Frum de l’IAE ont publié un livre en décembre 2003 intitulé « An end to Evil : How to win the war on terror », « Les USA sont devenus la plus grande puissance des grandes puissances dans l’histoire du monde » et « Il n’y a pas de moyen terme pour l’Amérique : c’est l’holocauste ou la victoire. Ce livre est un manuel pour obtenir la victoire » peut-on lire dans les pages de ce livre.
Les néo-cons et les fondamentalistes chrétiens
Les Born Again Christian est une multinationale de la foi. Ces illuminés intégristes sont hostiles à toutes les religions que ce soit le judaïsme, l’islam ou le catholicisme.
Pourquoi les néo-cons, dont la plupart sont des ultra-sionistes, se sont alliés aux Born Again Christian qui eux sont des antisémites notoires ?
La réponse est que d’une part « Israël assiégé en a besoin de ce soutien (des fondamentalistes chrétiens) qui est à la fois énorme constant et inconditionnel » comme l’a déclaré un néo-con, et d’autre part ces fanatiques sont des islamophobes au langage cru et non alambiqué ; ils crient haut et fort leur haine de l’islam. Selon l’adepte de Born Again Christian, le musulman est Satan personnifié ; c’est lui qui se met sur la route de Dieu et empêche la réalisation des prophéties bibliques et le retour du messie. Ce retour qui selon ces fous paranoïaques n’aura lieu que lorsque tous les juifs de la terre retournent à la terre promise et que le grand Israël verra le jour.
La haine des musulmans et le soutien infaillible à Israël a permis l’union sacrée et contre-nature de ce mélange sulfureux.
Les néo-cons et le lobby sioniste américain
L’AIPAC et la Conference of Presidents of Major Jewish Organization comptent parmi les plus importantes organisations qui forment le lobby pro-israélien et qui veillent sur la bonne marche des relations entre les Etats-Unis et Israël. Leur grande influence sur le congrès américain a poussé le conservateur Patrick Buchanan à comparer ce dernier à « un territoire occupé israélien ».
Le lobby pro-sioniste hostile aux arabes et aux musulmans ne se limite plus aux seuls « Likoudniki », il est aussi présent dans toutes les sphères américaines politiques, médiatiques ... et même populaires [5].
Au nom de la nation et de la lutte contre la « terreur » la masse s’est fédérée contre l’ennemi musulman et a apporté son soutien infaillible à l’état hébreux ; elle a éliminé toute possibilité de non conformisme, de remise en cause du système ou de rupture des rangs. « chacun prend ses distances avec tout ce qui est arabe ou musulman » et aucun n’osera critiquer la guerre contre l’Irak ou ne réclamera quelques concessions que ce soit au gouvernement israélien.
Le lobby pro-likoud n’a plus besoin de se mobiliser. L’endoctrinement a solidement pris racine ; pour ceux qui restent conscients, la peur, l’opportunisme ou l’amour infini de l’argent et du pouvoir les poussent à un suivisme docile.
La masse s’est transformée en « d’affreuses marionnettes à face humaine » ; elle ne pense plus : elle se déploie spontanément.
Les néo-cons, les marchands de la mort et la globalisation
On retrouve des représentants de Lockheed Martin, un des premiers fournisseurs d’armes du département de la Défense, à la tête de plusieurs think tanks néo-conservateurs (PNAC, CLI, AEI) ; cette situation est symptomatique et montre le changement profond des mentalités de l’opinion publique qui d’habitude désignent les industries d’armements, discrètes dans leurs faits et gestes, comme les marchands de la mort comme l’explique Jim Lobbe, journaliste américain spécialiste des néo-cons.
Aujourd’hui, le complexe militaro-industriel, s’affiche fièrement et avec arrogance aux côtés des faucons de la Maison Blanche car le culte de la force est roi au pays des « Likoudniki ».
Les lobbies de la guerre participent à visage découvert au mouvement général de la mondialisation pour les intérêts des grandes entreprises (Corporate globalization).
Vu l’importance de ces deux derniers points, je ne m’étalerai pas car ils méritent une étude détaillée et très approfondie.
La néo-révolution médiatique
Une démocratie ne peut s’enraciner que dans une société libre et consciente de l’être. Or l’américain moyen est soumis en permanence à un matraquage médiatique implacable.
Fox News, la chaîne phare des néo-cons, et ses consoeurs utilisent des moyens d’endoctrinement très sophistiqués en vue de soumettre la population aux idées néo-conservatrices .
Abusé, l’américain moyen absorbe toutes les âneries, aussi grotesques les unes que les autres, dictées par les faiseurs d’opinions. Un sondage fait apparaître qu’une majorité d’américains qui regardent Fox News croient que c’est Saddam qui a commandité les actes du 11 septembre ! ! !
« si nos médias [américains] étaient attachés à la vérité, Georges Bush ne serait pas président, et nous, pas en guerre contre l’Irak » écrit John Nochols, journaliste qui dirige un mouvement pour la réforme des médias [6].
Actuellement la démocratie américaine se base sur une majorité qui ne pense plus et dont la volonté n’est plus autonome ; ce n’est plus qu’une démocratie de façade que certains surnomment « démocratie synthétique ».
La propagande, le mensonge, la manipulation du passé, du présent et du futur s’articulent autour d’une réalité fictive et prophétique. Les armes de destructions massives et les supposés liens de Saddam avec Al Qaida ont remplacé le mythe des « protocoles des sages de Sion » d’hier si utile aux nazis pour distiller la haine du juif.
Si hier la masse s’est fédérée contre le juif, elle s’unit aujourd’hui contre le musulman : Confondu avec le terrorisme l’islam devient l’axe du mal à éradiquer absolument.
Et des leitmotiv se répétant comme des refrains : « L’islam est tout simplement une religion de guerre » ou encore « nous devrions envahir leurs pays, tuer leurs leaders et les convertir au christianisme » ...
Si hier, la banalisation de la haine a légalisé le crime et a conduit à la solution finale où des millions d’innocents ont péri, aujourd’hui elle légalise le meurtre collectif de ces basanés en Irak, en Palestine, en Afghanistan et ailleurs.
Les néo-cons retranchés derrière leurs bureaux ont réussi à opérer une mutation du système démocratique en un système totalitaire.
« Certaines idées ont des conséquences inattendues » aiment répéter les intellos-Bushien. Pour une fois, ils ont raison ! Les conséquences inattendues de leurs idées à eux sera leur destruction car le système totalitaire ne peut-être réformé, il ne peut qu’être détruit.
[1] Hannah Arendt : Les Origines du totalitarisme, Le système totalitaire, traduction française J-L. Bourget, R. Davreu, P. Lévy, Seuil, 1972 réédité, Gallimard, collection Quarto, 2002.
[2] Committee for the liberation of Iraq, Irak Liberation Act, Heritage Foundation, Council on Foreign Relations, Le National Endowment for Democracy, le Manhattan institute, Cato Institute, Hoover Institution, RAND, Freedom house, Atlas Society, Mensa ...
[3] L’Amérique messianique Alain Frachon & Daniel Vernet Edition Seuil, septembre 2004.
[4] Etat d’exception permanent : la néorévolution américaine. Edition L’esprit des péninsules, 2004
[5] Ce pays où Sharon n’a que des amis, serge Halimi, Manière de voir 77, octobre-novembre 2004
[6] Révolte contre l’ordre médiatique, Eric Klinenberg Manière de voir 77, octobre-novembre 2004
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